L'ORPHELIN DE LA CHINE - Partie 8

Publié le par loveVoltaire

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L’ORPHELIN DE LA CHINE.

 

 

 

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ACTE QUATRIÈME.

 

 

SCÈNE I.

 

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GENGIS, TROUPES DE GUERRIERS TARTARES.

 

 

 

 

GENGIS.

 

Ainsi la liberté, le repos, et la paix,

Ce but de mes travaux me fuira pour jamais !

Je ne puis être à moi ! D’aujourd’hui je commence

A sentir tout le poids de ma triste puissance :

Je cherchais Idamé ; je ne vois près de moi

Que ces chefs importuns qui fatiguent leur roi

 

(A sa suite.)

 

Allez, au pied des murs hâtez-vous de vous rendre ;

L’insolent Coréen ne pourra nous surprendre ;

Ils ont proclamé roi cet enfant malheureux,

Et, sa tête à la main, je marcherai contre eux.

Pour la dernière fois, que Zamti m’obéisse :

J’ai trop de cet enfant différé le supplice.

 

(Il reste seul.)

 

Allez. Ces soins cruels, à mon sort attachés,

Gênent trop mes esprits d’un autre soin touchés :

Ce peuple à contenir, ces vainqueurs à conduire,

Des périls à prévoir, des complots à détruire ;

Que tout pèse à mon cœur en secret tourmenté !

Ah ! je fus plus heureux dans mon obscurité.

 

 

 

 

 

SCÈNE II.

 

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GENGIS, OCTAR.

 

 

 

 

GENGIS.

 

Eh bien ! Vous avez vu ce mandarin farouche ?

 

OCTAR.

 

Nul péril ne l’émeut, nul respect ne le touche.

Seigneur, en votre nom j’ai rougi de parler

A ce vil ennemi qu’il fallait immoler ;

D’un œil d’indifférence il a vu le supplice ;

Il répète les noms de devoir, de justice ;

Il brave la victoire : on dirait que sa voix

Du haut d’un tribunal nous dicte ici des lois.

Confondez avec lui son épouse rebelle ;

Ne vous abaissez point à soupirer pour elle ;

Et détournez les yeux de ce couple proscrit,

Qui vous ose braver quand la terre obéit.

 

GENGIS.

 

Non, je ne reviens point encore de ma surprise :

Quels sont donc ces humains que mon bonheur maîtrise ?

Quels sont ces sentiments qu’au fond de nos climats

Nous ignorions encore, et ne soupçonnions pas ?

A son roi, qui n’est plus, immolant la nature,

L’un voit périr son fils sans crainte et sans murmure :

L’autre, pour son époux, est prête à s’immoler :

Rien ne peut les fléchir, rien ne les fait trembler.

Que dis-je ! si j’arrête une vue attentive

Sur cette nation désolée et captive,

Malgré moi je l’admire en lui donnant des fers :

Je vois que ses travaux ont instruit l’univers ;

Je vois un peuple antique, industrieux, immense ;

Ses rois sur la sagesse ont fondé leur puissance,

De leurs voisins soumis heureux législateurs.

Gouvernant sans conquête, et régnant par les mœurs.

Le ciel ne nous donna que la force en partage ;

Nos arts sont les combats, détruire est notre ouvrage.

Ah, de quoi m’ont servi tant de succès divers ?

Quel fruit me revient-il des pleurs de l’univers ?

Nous rougissons de sang le char de la victoire.

Peut-être qu’en effet il est une autre gloire ;

Mon cœur est en secret jaloux de leurs vertus ;

Et, vainqueur, je voudrais égaler les vaincus.

 

OCTAR.

 

Pouvez-vous de ce peuple admirer la faiblesse ?

Quel mérite ont les arts, enfants de la mollesse,

Qui n’ont pu les sauver des fers et de la mort !

Le faible est destiné pour servir le plus fort :

Tout cède sur la terre aux travaux, au courage ;

Mais c’est vous qui cédez, qui souffrez un outrage.

Vous qui tendez les mains, malgré votre courroux,

A je ne sais quels fers inconnus parmi nous ;

Vous qui vous exposez à la plainte importune

De ceux dont la valeur a fait votre fortune.

Ces braves compagnons de vos travaux passés

Verront-ils tant d’honneurs par l’amour effacés ?

Leur grand cœur s’en indigne et leurs fronts en rougissent.

Leurs clameurs jusqu’à vous par ma voix retentissent ;

Je vous parle en leur nom comme au nom de l’Etat.

Excusez un Tartare, excusez un soldat

Blanchi sous le harnais et dans votre service,

Qui ne peut supporter un amoureux caprice,

Et qui montre la gloire à vos yeux éblouis.

 

GENGIS.

 

Que l’on cherche Idamé.

 

OCTAR.

 

Vous voulez …

 

GENGIS.

 

Obéis.

De ton zèle hardi réprime la rudesse ;

Je veux que mes sujets respectent ma faiblesse.

 

 

 

 

 

SCÈNE III.

 

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GENGIS.

 

 

 

 

GENGIS.

 

A mon sort à la fin je ne puis résister ;

Le ciel me la destine, il n’en faut point douter.

Qu’ai-je fait après tout, dans ma grandeur suprême ?

J’ai fait des malheureux, et je le suis moi-même ;

Et de tous ces mortels attachés à mon rang,

Avides de combats, prodigues de leur sang,

Un seul a-t-il jamais, arrêtant ma pensée,

Dissipé les chagrins de mon âme oppressée ?

Tant d’Etats subjugués ont-ils rempli mon cœur ?

Ce cœur, lassé de tout, demandait une erreur

Qui pût de mes ennuis chasser la nuit profonde,

Et qui me consolât sur le trône du monde.

Par ses tristes conseils Octar m’a révolté :

Je ne vois près de moi qu’un tas ensanglanté

De monstres affamés et d’assassins sauvages,

Disciplinés au meurtre et formés aux ravages ;

Ils sont nés pour la guerre, et non pas pour ma cour ;

Je les prends en horreur, en connaissant l’amour :

Qu’ils combattent sous moi, qu’ils meurent à ma suite ;

Mais qu’ils n’osent jamais juger de ma conduite.

Idamé ne vient point … c’est elle, je la voi.

 

 

L'ORPHELIN DE LA CHINE - Acte 4 - Partie 1

 

 

 

 

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