STANCES : Au roi de Prusse
Photo de HENDRIK-JAN
AU ROI DE PRUSSE.
A Berlin, ce 2 Décembre 1740.
Adieu, grand homme ; adieu, coquette,
Esprit sublime et séducteur,
Fait pour l’éclat, pour la grandeur,
Pour les Muses, pour la retraite.
Adieu, vainqueur ou protecteur
Du reste de la Germanie,
De moi très chétif raisonneur,
Et de la noble poésie.
Adieu, trente âmes dans un corps
Que les dieux comblèrent de grâce,
Qui réunissez les trésors
Qu’on voit divisés au Parnasse.
Adieu, vous dont l’auguste main,
Toujours au travail occupée,
Tient, pour l’honneur du genre humain,
La plume, la lyre, et l’épée.
Vous qui prenez tous les chemins
De la gloire la plus durable,
Avec nous autres si traitable,
Si grand avec les souverains !
Vous qui n’avez point de faiblesse,
Pas même celle de blâmer
Ceux qu’on voit un peu trop aimer
Ou leurs erreurs ou leur maîtresse !
Adieu ; puis-je me consoler
Par votre amitié noble et pure ?
Le roi me fait un peu trembler ;
Mais le grand homme me rassure.