Quand François-Marie Arouet devient VOLTAIRE - Partie 6

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à M. de la Faie

1716.

 

 

La Faie, ami de tout le monde (1),

Qui savez le secret charmant

De réjouir également

Le philosophe, l’ignorant,

Le galant à perruque blonde ;

Vous qui rimez, comme Ferrand,

Des madrigaux, des épigrammes,

Qui chantez d’amoureuses flammes

Sur votre luth tendre et galant,

Et qui même assez hardiment

Osâtes prendre votre place

Auprès de Malherbe et d’Horace,

Quand vous alliez sur le Parnasse

Par le café de la Laurent (2).

 

 

          Je voudrais bien aller aussi au Parnasse, moi qui vous parle ; j’aime les vers à la fureur ; mais j’ai un petit malheur, c’est que j’en fais de détestables ; et j’ai le plaisir de jeter tous les soirs au feu tout ce que j’ai barbouillé dans la journée.

 

          Parfois je lis une belle strophe de votre ami M. de La Motte, et puis je me dis tout bas : « Petit misérable, quand feras-tu quelque chose d’aussi bien ? » Le moment d’après, c’est une strophe peu harmonieuse et un peu obscure, et je me dis : « Garde-toi d’en faire autant. » Je tombe sur un psaume ou sur une épigramme ordurière de Rousseau (3) ; cela éveille mon odorat ; je veux lire ses autres ouvrages, mais le livre me tombe des mains. Je vois des comédies à la glace, des opéras fort au-dessous de ceux de l’abbé Pic (4), une épître au comte d’Ayen qui est à faire vomir, un petit voyage de Rouen fort insipide, une ode à M. Duché fort au-dessous de tout cela ; mais, ce qui me révolte et ce qui m’indigne, c’est le mauvais cœur qui perce à chaque ligne. J’ai lu son épître à Marot, où il y a de très beaux morceaux ; mais je crois y voir plutôt un enragé qu’un poète. Il n’est pas inspiré, il est possédé : il reproche à l’un sa prison ; à l’autre, sa vieillesse : il appelle celui-ci athée ; celui-là, marougle. Où donc est le mérite de dire en vers de cinq pieds des injures si grossières ? Ce n’était pas ainsi qu’en usait M. Despréaux, quand il se jouait aux dépens des mauvais auteurs : aussi son style était doux et coulant ; mais celui de Rousseau me paraît inégal, recherché, plus violent que vif, et teint, si j’ose m’exprimer ainsi, de la bile qui le dévore. Peut-on souffrir qu’en parlant de M. de Crébillon, il dise qu’il vient de sa griffe Apollon molester ?

 

          Quels vers que ceux-ci :

 

 

Ce rimeur si sucré

Devient amer, quand le cerveau lui tinte,

Plus qu’aloès ni jus de coloquinte !

 

                                                        (Ep. A Cl. Marot.)

 

 

          De plus, toute cette épître roule sur un raisonnement faux ; il veut prouver que tout homme d’esprit est un honnête homme, et que tout sot est fripon ; mais ne serait-il pas la preuve trop évidente du contraire, si pourtant c’est véritablement de l’esprit que le seul talent de la versification ? Je m’en rapporte à vous et à tout Paris. Rousseau ne passe point pour avoir d’autre mérite ; il écrit si mal en prose que son factum est une des pièces qui ont servi à le faire condamner. Au contraire, celui de M. Saurin est un chef-d’œuvre (5) :

 

. . . . . . . . . . . Et quid facundia posset

Tum patuit.  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (OVID., Métam. XIII, 382.)

 

Enfin, voulez-vous que je vous dise franchement mon petit sentiment sur MM. de La Motte et Rousseau ? M. de La Motte pense beaucoup, et ne travaille pas assez ses vers ; Rousseau ne pense guère, mais il travaille ses vers beaucoup mieux. Le point serait de trouver un poète qui pensât comme La Motte, et qui écrivît comme Rousseau (Quand Rousseau écrit bien, s’entend) ; mais

 

Pauci, quos æquus amavit

Jupiter, aut ardens evexit adæthera virtus,

Dîs geniti, potuer . . . . . . .  (Æneid., VI, 129.)

 

          J’ai bien envie de revenir bientôt souper avec vous et raisonner de belles-lettres : je commence à m’ennuyer beaucoup ici (6). Or il faut que je vous dise ce que c’est que l’ennui ;

 

 

Car vous qui toujours le chassez,

Vous pourriez l’ignorer peut-être :

Trop heureux si ces vers, à la hâte tracés,

Ne l’ont pas déjà fait connaître !

C’est un gros dieu lourd et pesant,

D’un entretien froid et glaçant,

Qui ne rit jamais, toujours bâille,

Et qui, depuis cinq ou six ans,

Dans la foule des courtisans

Se trouvait toujours à Versailles.

Mais on dit que, tout de nouveau,

Vous l’allez revoir au parterre,

Au Capricieux (7) de Rousseau :

C’est là sa demeure ordinaire.

 

 

          Au reste, je suis charmé que vous ne partiez pas si tôt pour Gênes ; votre ambassade m’a la mine d’être pour vous un bénéfice simple. Faites-vous payer de votre voyage, et ne le faites point : ne ressemblez pas à ces politiques errants qu’on envoie de Parme à Florence , et de Florence à Holstein, et qui reviennent enfin ruinés dans leur pays, pour avoir eu le plaisir de dire, le roi mon maître. Il me semble que je vois des comédiens de campagne qui meurent de faim après avoir joué le rôle de César et de Pompée.

 

 

Non, cette brillante folie

N’a point enchaîné vos esprits :

Vous connaissez trop bien le prix

Des douceurs de l’aimable vie

Qu’on vous voit mener à Paris

En assez bonne compagnie ;

Et vous pouvez bien vous passer

D’aller loin de nous professer

La politique en Italie.

 

 

1 – Dans la Fête de Bebélat, ces vers sont adressés au président Hénault. (G.A.)

 

2 – Café, situé rue Dauphine, où se réunissaient les gens de lettres. (G.A.)

 

3 – Jean-Baptiste Rousseau.

 

4 – Ou plutôt Pisque, poète qui n’est connu que par les épigrammes de Rousseau. (G.A.)

 

5 – Voyez, sur l’affaire de Rousseau, les article ROUSSEAU, SAURIN, LA MOTTE, dans le Catalogue des écrivains du Siècle de Louis XIV* à venir *. (G.A.)

 

 

6 – Il était toujours à Sully. (G.A.)

 

7 – Mauvaise pièce de J.B Rousseau qu’on voulait mettre au théâtre, mais qu’on fut obligé d’abandonner aux répétitions. (Note de 1732.) − On avait déjà joué le Capricieux en 1700. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Monseigneur le duc de Sully

16 Mai 1717.

 

 

          Monseigneur, M. de Basin, lieutenant de robe courte, m’est venu arrêter ce matin (1). Je ne puis vous en dire davantage. Je ne sais de quoi il est question. Mon innocence m’assure de votre protection. Je serai trop heureux si vous me faites l’honneur de me l’accorder.

 

 

1 – Il y avait à peine quelques mois que Voltaire avait obtenu de revenir à Paris, quand il fut mis à la Bastille pour le Puero regnante, satire latine qu’on lui attribuait. (G.A.)

 

 

 

 

 

UN AN SE PASSE …

 

 

 

 

à Monsieur le lieutenant de police (1)

 

A Châtenay, vendredi saint, 1718.

 

 

          Monsieur, souffrez que le premier usage que je fasse de ma liberté soit de vous remercier de me l’avoir procurée. Je ne pourrai vous marquer ma reconnaissance qu’en me rendant digne, par ma conduite, de cette grâce et de votre protection. Je crois avoir profité de mes malheurs ; et j’ose vous assurer que je n’ai pas moins d’obligation à M. le régent de ma prison que de ma liberté. J’ai fait beaucoup de fautes ; mais je vous conjure, monsieur, d’assurer son altesse royale que je ne suis ni assez méchant ni assez imbécile pour avoir écrit contre elle. Je n’ai jamais parlé de ce prince que pour admirer son génie, et j’en aurais dit tout autant quand même il eût été un homme privé. J’ai toujours eu pour lui une vénération d’autant plus profonde que je sais qu’il hait la louange autant qu’il l’a mérite. Quoique vous lui ressembliez en cela, je ne puis m’empêcher de me féliciter d’être entre vos mains, et vous dire que votre intégrité m’assure du bonheur de ma vie.

 

          Je suis, avec beaucoup de respect et de reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. AROUET.

 

 

1 – Marc-René d’Argenson. Cette lettre fut écrite le lendemain de l’élargissement du poète, qu’on venait d’interner à Châtenay. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Monsieur le duc d’Orléans, Régent

 

1718.

 

          Monseigneur, faudra-t-il que le pauvre Voltaire ne vous ait d’autres obligations que de l’avoir corrigé par une année de Bastille ? Il se flattait que, après l’avoir mis en purgatoire, vous vous souviendriez de lui dans le temps que vous ouvrez le paradis à tout le monde

 

          Il prend la liberté de vous demander trois grâces : la première, de souffrir qu’il ait l’honneur de vous dédier la tragédie (1), qu’il vient de composer ; la seconde, de vouloir bien entendre quelque jour des morceaux d’un poème épique (2) sur celui de vos aïeux auquel vous ressemblez le plus ; et la troisième, de considérer que j’ai l’honneur de vous écrire une lettre où le mot de souscription ne se trouve point.

 

          Je suis avec un profond respect, monseigneur, de votre altesse royale le très humble et très pauvre secrétaire des niaiseries. VOLTAIRE.

 

 

 

1 – Œdipe. Cette tragédie fut dédiée à la femme du régent. Voyez, tome III, notre Avertissement sur cette pièce * à venir *. (G.A.)

 

2 – La Henriade, qu’il avait commencée à la Bastille. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame la marquise de Mimeure

 

1719.

 

 

          On ne peut vaincre sa destinée : je comptais, madame, ne quitter la solitude délicieuse où je suis (1) que pour aller à Sully ; mais monsieur le duc et madame la duchesse de Sully vont à Villars, et me voilà, malgré moi, dans la nécessité de les y aller trouver. On a su me déterrer dans mon ermitage pour me prier d’aller à Villars ; mais on ne m’y fera point perdre mon repos (2). Je porte à présent un manteau de philosophe dont je ne me déferai pour rien au monde.

 

          Vous ne me reverrez de longtemps, madame la marquise ; mais je me flatte que vous vous souviendrez un peu de moi, et que vous serez toujours sensible à la tendre et véritable amitié que vous savez que j’ai pour vous. Faites-moi l’honneur de m’écrire quelquefois des nouvelles de votre santé et de vos affaires ; vous ne trouverez jamais personne qui s’y intéresse autant que moi.

 

          Je vous prie de m’envoyer le petit emplâtre que vous m’avez promis pour le bouton qui m’est venu sur l’œil. Surtout ne croyez point que ce soit coquetterie, et que je veuille paraître à Villars avec un désagrément de moins. Mes yeux commencent à ne me plus intéresser qu’autant que je m’en sers pour lire et pour vous écrire. Je ne crains plus même les yeux de personne ; et le poème de Henri IV et mon amitié pour vous sont les deux seuls sentiments vifs que je me connaisse.

 

 

1 – Au Bruel, chez le duc de La Feuillade. (G.A.

 

2 – Allusion à son amour pour la maréchale de Villars. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame la marquise de Mimeure

 

1719.

 

 

          Je vais demain à Villars : je regrette infiniment la campagne que je quitte, et ne crains guère celle où je vais.

 

          Vous vous moquez de ma présomption, madame, et vous me croyez d’autant plus faible que je me crois raisonnable. Nous verrons qui aura raison de nous deux. Je vous réponds par avance que, si je remporte la victoire, je n’en serai pas fort enorgueilli.

 

          Je vous remercie beaucoup de ce que vous m’avez envoyé pour mon œil ; c’est actuellement le seul remède dont j’aie besoin ; car soyez bien sûre que je suis guéri pour jamais du mal que vous craignez pour moi : vous me faites sentir que l’amitié est d’un prix plus estimable mille fois que l’amour. Il me semble même que je ne suis point du tout fait pour les passions. Je trouve qu’il y a en moi du ridicule à aimer, et j’en trouverais encore davantage dans celles qui m’aimeraient. Voilà qui est fait ; j’y renonce pour la vie.

 

          Je suis sensiblement affligé de voir que votre colique ne vous quitte point ; j’aurais dû commencer ma lettre par là. Mais ma guérison, dont je me flatte, m’avait fait oublier vos maux pour un petit moment.

 

         S’il y a quelques nouvelles, mandez-les-moi à Villars (1), je vous en prie. Conservez, si vous pouvez, votre santé et votre fortune. Je n’ai rien de si à cœur que de trouver l’une et l’autre rétablies à mon retour. Ecrivez-moi, au plus tôt, comment vous vous portez.

 

 

1 – Château à trois quarts de lieue de Melun, autrement dit Château de Vaux. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. de Génonville

1719.

 

 

Ami, que je chéris de cette amitié rare

Dont Pylade a donné l’exemple à l’univers,

Et dont Chaulieu chérit La Fare ;

Vous pour qui d’Apollon les trésors sont ouverts,

Vous dont les agréments divers,

L’imagination féconde,

L’esprit et l’enjouement, sans vice et sans travers,

Seraient chez nos neveux célébrés dans mes vers,

Si mes vers, comme vous, plaisaient à tout le monde :

Votre épître (1) a charmé le pasteur de Sulli ;

Il se connaît au bon, et partant il vous aime ;

Votre écrit est par nous dignement accueilli,

Et vous serez reçu de même.

 

 

          Il est beau, mon cher ami, de venir à la campagne, tandis que Plutus tourne toutes les têtes à la ville (2). Etes-vous réellement devenus tous fous à Paris ? Je n’entends parler que de millions ; on dit que tout ce qui était à son aise est dans la misère, et que tout ce qui était dans la mendicité nage dans l’opulence. Est-ce une réalité ? Est-ce une chimère ? La moitié de la nation a-t-elle trouvé la pierre philosophale dans les moulins à papiers ? Lass est-il un dieu, un fripon, ou un charlatan qui s’empoisonne de la drogue qu’il distribue à tout le monde ? Se contente-t-on de richesses imaginaires ? C’est un chaos que je ne puis débrouiller, et auquel je m’imagine que vous n’entendez rien. Pour moi, je ne me livre à d’autres chimères qu’à celle de la poésie.

 

 

Avec l’abbé Courtin je vis ici tranquille,

Sans aucun regret pour la ville

Où certain Ecossais malin

Comme la vieille sibylle

Dont parle le bon Virgile,

Sur des feuillets volants écrit notre destin.

Venez nous voir un beau matin,

Venez, aimable Génonville ;

Apollon dans ces climats

Vous prépare un riant asile :

Voyez comme il vous tend les bras,

Et vous rit d’un air facile.

 

Deux jésuites en ce lieu,

Ouvriers de l’Evangile,

Viennent, de la part de Dieu,

Faire un voyage inutile.

Ils veulent nous prêcher demain ;

Mais pour nous défaire soudain

De ce couple de chattemites,

Il ne faudra sur leur chemin

Que mettre un gros saint Augustin :

C’est du poison pour les jésuites.

 

 

1 – A Voltaire lui-même. (G.A.)

 

2 – Allusion au système de Law. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame la marquise de Mimeure

A Villars, 1719.

 

          Auriez-vous, madame, assez de bonté pour moi pour être un peu fâchée de ce que je suis si longtemps sans vous écrire ? Je suis éloigné depuis six semaines de la désolée ville de Paris : je viens de quitter le Bruel, où j’ai passé quinze jours avec M. le duc de La Feuillade. N’est-il pas vrai que c’est bien là un homme ? Et, si quelqu’un approche de la perfection, il faut absolument que ce soit lui. Je suis si enchanté de son commerce, que je ne peux m’en taire, surtout avec vous, pour qui vous savez que je pense comme pour M. le duc de La Feuillade, et qui devez sûrement l’estimer, par la raison qu’on a toujours du goût pour ses semblables.

 

          Je suis actuellement à Villars : je passe ma vie de château en château ; et, si vous aviez pris une maison à Passy, je lui donnerais la préférence sur tous les châteaux du monde.

 

          Je crains bien que toutes les petites tracasseries que M. Lass a eues avec le peuple de Paris ne rendent les acquisitions un peu difficiles. Je songe toujours à vous, lorsqu’on me parle des affaires présentes ; et, dans la ruine totale que quelques gens craignent, comptez que c’est votre intérêt qui m’alarme le plus.

 

          Vous méritiez assurément une autre fortune que celle que vous avez ; mais encore faut-il que vous en jouissiez tranquillement, et qu’on ne vous l’écorne pas. Quelque chose qui arrive, on ne vous ôtera point les agréments de l’esprit. Mais si on y va toujours du même train, on pourra bien ne vous laisser que cela ; et franchement ce n’est pas assez pour vivre commodément, et pour avoir une maison de campagne où je puisse avoir l’honneur de passer quelque temps avec vous.

 

          Notre poème (1) n’avance guère. Il faut s’en prendre un peu au biribi, où je perds mon bonnet. Le petit Génonville m’a écrit une lettre en vers qui est très jolie : je lui ai fait réponse, mais non pas si bien. Je souhaite quelquefois que vous ne le connaissiez point, car vous ne pourriez plus me souffrir.

 

          Si vous m’écrivez, ayez la bonté de vous y prendre incessamment : je ne resterai pas si longtemps à Villars, et je pourrai bien venir vous faire ma cour à Paris dans quelques jours.

 

          Adieu, madame la marquise ; écrivez-moi un petit mot, et comptez que je suis toujours pénétré de respect et d’amitié pour vous.

 

 

1 – La Henriade. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Thieriot

1720.

 

          Je vous confie, mon cher ami, ce que j’ai de plus cher au monde. Vous trouverez les six premiers chants copiés (1), et les trois derniers de ma main. Je vous supplie de faire copier le tout exactement pour M. le Régent, et les trois derniers chants pour moi. Vous recevrez incessamment vos instructions, de Richelieu ; je vous donnerai des lettres pour M. de Fargès (2). Adieu, mon cher ami, je vous embrasse mille fois. Je n’oublierai de ma vie l’obligation que je vous ai de vouloir bien vous charger de tout cela. Adieu

 

 

1 – De la Henriade. (G.A.)

 

2 – Conseiller d’Etat. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Thieriot

A Richelieu, ce samedi 25… 1720.

 

          Voici une lettre pour M. le duc d’Orléans ; elle est décachetée, afin que M. de Fargès la voie. En voici une autre pour M. de Fargès, que vous aurez la bonté de lui rendre la première. Quand il l’aura lue, vous lui donnerez celle pour le Régent, et le prierez de la cacheter lui-même. Vous lui donnerez ces lettres avec mon poème, quand il sera écrit ; et, comme on ne voit que difficilement M. de Fargès, je vous conseille de lui écrire un petit mot la veille du jour que vous le voudrez voir. Vous lui manderez qu’ayant bien voulu vous charger, en mon absence, de remettre mon poème entre ses mains, vous lui demandez audience pour le lendemain matin, et qu’il fasse dire à sa porte qu’on laisse entrer M. Thieriot. Vous lui recommanderez, quand vous lui parlerez, sur tout chose de ne faire voir mon poème à qui que ce soit, et vous lui ferez entendre combien il m’est de conséquence qu’on n’en tire point de copie. Cela fait, vous aurez la bonté de mettre l’autre copie de mon poème dans une cassette, et d’en charger La Brie, avec ordre de partir sur-le-champ pour Sully, où je serai dans quatre jours. Ecrivez-moi donc à Sully, mon cher enfant, dès que vous aurez reçu ma lettre.

 

          Comptez que je brûle de revenir à Paris, pour m’y acquitter de toutes les obligations que je vous ai dans cette affaire.

 

          Je suis actuellement dans le plus beau château de France. Il n’y a point de prince en Europe qui ait de si belles statues antiques et en si grand nombre. Tout se ressent ici de la grandeur du cardinal de Richelieu. La ville est bâtie comme la Place Royale. Le château est immense ; mais ce qui m’en plaît davantage, c’est M. le duc de Richelieu, que j’aime avec une tendresse infinie, pas plus que vous cependant. Ecrivez-moi vite à Sully des nouvelles de votre santé. Si vous aviez besoin d’argent, j’écris à mon frère de vous en faire donner.

 

 

 

 

 

à M. Thieriot

Au Bruel, 13 Novembre 1720.

 

          Je n’entends parler ni de vous ni de M. de Fargès ; peut-être m’avez-vous écrit à Sully, où je ne suis plus. Je n’attends qu’une de vos lettres pour retourner à Paris. Ecrivez-moi donc au Bruel chez M. le duc de la Feuillade, par Orléans, sitôt la présente reçue. S’il y a quelque nouvelle à Paris, faites-m’en part. Je grille de vous revoir dans cette bonne santé dont vous me parlez. Comme la ressemblance de nos tempéraments est parfaite, je me porte aussi bien que vous. Je crois cependant que vous avez eu hier mal à l’estomac, car j’ai eu une indigestion. (1).

 

 

1 – Cette lettre et les deux précédentes ont été publiées, pour la première fois, par MM. de Cayrol et François. (G.A.)

 

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