DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : H comme HISTOIRE - Partie 3

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H comme HISTOIRE.

 

 

 

(Partie 3)

 

 

 

DOIT-ON DANS L’HISTOIRE INSÉRER DES

HARANGUES, ET FAIRE DES PORTRAITS ?

 

 

 

          Si dans une occasion importante un général d’armée, un homme d’Etat a parlé d’une manière singulière et fort, qui caractérise son génie et celui de son siècle, il faut sans doute rapporter son discours mot pour mot : de telles harangues sont peut-être la partie de l’histoire la plus utile. Mais pourquoi faire dire à un homme ce qu’il n’a pas fait. C’est une fiction imitée d’Homère ; mais ce qui est fiction dans un poème devient à la rigueur mensonge dans un historien. Plusieurs anciens ont eu cette méthode ; cela ne prouve autre chose sinon que plusieurs anciens ont voulu faire parade de leur éloquence aux dépens de la vérité.

 

 

 

 

 

DES PORTRAITS.

 

 

 

          Les portraits montrent encore bien souvent plus d’envie de briller que d’instruire. Des contemporains sont en droit de faire le portrait des hommes d’Etat avec lesquels ils ont négocié, des généraux sous qui ils ont fait la guerre. Mais qu’il est à craindre que le pinceau ne soit guidé par la passion ! Il paraît que les portraits qu’on trouve dans Clarendon sont faits avec plus d’impartialité, de gravité et de sagesse que ceux qu’on lit avec plaisir dans le cardinal de Retz.

 

          Mais vouloir peindre les anciens, s’efforcer de développer leurs âmes, regarder les événements comme des caractères avec lesquels on peut lire sûrement dans le fond des cœurs, c’est une entreprise bien délicate, c’est dans plusieurs une puérilité.

 

 

 

 

 

DE LA MAXIME DE CICÉRON CONCERNANT L’HISTOIRE :

QUE L’HISTORIEN N’OSE DIRE UNE FAUSSETÉ, NI CACHER UNE VÉRITÉ.

 

 

 

          La première partie de ce précepte est incontestable ; il faut examiner l’autre. Si une vérité peut être de quelque utilité à l’Etat, votre silence est condamnable. Mais je suppose que vous écriviez l’histoire d’un prince qui vous aura confié un secret, devez-vous le révéler ? devez-vous dire à la postérité ce que vous seriez coupable de dire en secret à un seul homme ? Le devoir d’un historien l’emportera-t-il sur un devoir plus grand ?

 

          Je suppose encore que vous ayez été témoin d’une faiblesse qui n’a point influé sur les affaires publiques, devez-vous révéler cette faiblesse ? En ce cas l’histoire serait une satire.

 

          Il faut avouer que la plupart des écrivains d’anecdotes sont plus indiscrets qu’utiles. Mais que dire de ces compilateurs insolents qui, se faisant un mérite de médire, impriment et vendent des scandales comme la Voisin vendait des poisons ?

 

 

 

 

 

L’HISTOIRE SATIRIQUE.

 

 

 

          Si Plutarque a repris Hérodote de n’avoir pas assez relevé la gloire de quelques villes grecques, et d’avoir omis plusieurs faits connus dignes de mémoire, combien sont plus répréhensibles aujourd’hui ceux qui, sans avoir aucun des mérites d’Hérodote, imputent aux princes, aux nations, des actions odieuses, sans la plus légère apparence de preuve ! La guerre de 1741 a été écrite en Angleterre. On trouve dans cette histoire qu’à la bataille de Fontenoi « les Français tirèrent sur les Anglais avec des balles empoisonnées et des morceaux de verre venimeux, et que le duc de Cumberland envoya au roi de France une boite pleine de ces prétendus poisons trouvés dans les corps des Anglais blessés. » Le même auteur ajoute que les Français ayant perdu quarante mille hommes à cette bataille, le parlement de Paris rendit un arrêt par lequel il était défendu d’en parler sous des peines corporelles.

 

          Les Mémoires frauduleux imprimés depuis peu sous le nom de madame de Maintenon sont remplis de pareilles absurdités. On y trouve qu’au siège de Lille les alliés jetaient des billets dans la ville conçus en ces termes : « Français, consolez-vous, la Maintenon ne sera pas votre reine. »

 

          Presque chaque page est souillée d’impostures et de termes offensants contre la famille royale et contre les familles principales du royaume, sans alléguer la plus légère vraisemblance qui puisse donner la moindre couleur à ces mensonges. Ce n’est point écrire l’histoire, c’est écrire au hasard des calomnies qui méritent le carcan.

 

          On a imprimé en Hollande, sous le nom d’Histoire, une foule de libelles dont le style est aussi grossier que les injures, et les faits aussi faux qu’ils sont mal écrits. C’est, dit-on, un mauvais fruit de l’excellent arbre de la liberté. Mais si les malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté de tromper les lecteurs, il faut user ici de la liberté de les détromper.

 

          L’appât d’un vil gain, joint à l’insolence des mœurs abjectes, furent les seuls motifs qui engagèrent ce réfugié languedocien protestant, nommé Langlevieux, dit la Beaumelle, à tenter la plus infâme manœuvre qui ait jamais déshonoré la littérature. Il vend pour dix-sept louis d’or au libraire Esslinger de Francfort, en 1753, l’Histoire du Siècle de Louis XIV, qui ne lui appartient point ; et, soit pour s’en faire croire le propriétaire, soit pour gagner son argent, il la charge de notes abominables contre Louis XIV, contre son fils, contre le duc de Bourgogne, son petit-fils, qu’il traite sans façon de perfide et de traître envers son grand-père et la France. Il vomit contre le duc d’Orléans régent les calomnies les plus horribles et les plus absurdes ; personne n’est épargné, et cependant il n’a jamais connu personne. Il débite sur les maréchaux de Villars, de Villeroi, sur les ministres, sur les femmes, des historiettes ramassées dans des cabarets ; et il parle des plus grands princes comme de ses justiciables. Il s’exprime en juge des rois : « Donnez-moi, dit-il, un Stuart, et je le fais roi d’Angleterre. »

 

          Cet excès de ridicule dans un inconnu n’a pas été relevé : il eût été sévèrement puni dans un homme dont les paroles auraient eu quelque poids. Mais il faut remarquer que souvent ces ouvrages de ténèbres ont du cours dans l’Europe ; ils se vendent aux foires de Francfort et de Leipsick ; tout le Nord en est inondé. Les étrangers qui ne sont pas instruits croient puiser dans ces libelles les connaissances de l’histoire moderne. Les auteurs allemands ne sont pas toujours en garde contre ces Mémoires, ils s’en servent comme de matériaux ; c’est ce qui est arrivé aux Mémoires de Pontis, de Montbrun, de Rochefort, de Vordac ; à tous ces prétendus Testaments politiques des ministres d’Etat, composés par des faussaires à la Dîme royale de Bois-Guillebert, impudemment données sous le nom du maréchal de Vauban ; et à tant de compilations d’ana et d’anecdotes.

 

          L’histoire est quelquefois encore plus maltraitée en Angleterre. Comme il y a toujours deux partis assez violents qui s’acharnent l’un contre l’autre jusqu’à ce que le danger commun les réunisse, les écrivains d’une faction condamnent tout ce que les autres approuvent. Le même homme est représenté comme un Caton et comme un Catilina. Comment démêler le vrai entre l’adulation et la satire ? Il n’y a peut-être qu’une règle sûre, c’est de croire le bien qu’un historien de parti ose dire des héros de la faction contraire, et le mal qu’il ose dire des chefs de la sienne dont il n’aura pas à se plaindre.

 

          A l’égard des Mémoires réellement écrits par les personnages intéressés, comme ceux de Clarendon, de Ludlow, de Burnet, en Angleterre ; de La Rochefoucauld, de Retz, en France ; s’ils s’accordent, ils sont vrais ; s’ils se contrarient, doutez.

 

          Pour les ana et les anecdotes, il y en a un sur cent qui peut contenir quelque ombre de vérité.

 

 

 

 

 

SECTION IV.

 

 

 

DE LA MÉTHODE, DE LA MANIÈRE D’ÉCRIRE

L’HISTOIRE, ET DU STYLE.

 

 

 

          On en a tant dit sur cette matière, qu’il faut ici en dire très peu. On sait assez que la méthode et le style de Tite-Live, sa gravité, son éloquence sage, conviennent à la majesté de la république romaine ; que Tacite est plus fait pour peindre des tyrans ; Polybe, pour donner des leçons de la guerre ; Denys d’Halicarnasse, pour développer les antiquités.

 

          Mais en se modelant en général sur ces grands maîtres, on a aujourd’hui un fardeau plus pesant que le leur à soutenir. On exige des historiens modernes plus de détails, des faits plus constatés, des dates précises, des autorités, plus d’attention aux usages, aux lois, aux mœurs, au commerce, à la finance, à l’agriculture, à la population ; il en est de l’histoire comme des mathématiques et de la physique ; la carrière s’est prodigieusement accrue. Autant il est aisé de faire un recueil de gazettes, autant il est difficile aujourd’hui d’écrire l’histoire.

 

          Daniel se crut un historien parce qu’il transcrivait des dates et des récits de batailles où l’on n’entend rien. Il devait m’apprendre les droits de la nation, les droits des principaux corps de cette nation, ses lois, ses usages, ses mœurs, et comment ils ont changé. Cette nation est en droit de lui dire : je vous demande mon histoire encore plus que celle de Louis-le-Gros et de Louis-Hutin. Vous me dites, d’après une vieille chronique écrite au hasard, que Louis VIII étant attaqué d’une maladie mortelle, exténué, languissant, n’en pouvant plus, les médecins ordonnèrent à ce corps cadavéreux de coucher avec une jolie fille pour se refaire, et que le saint roi rejeta bien loin cette vilenie. Ah ! Daniel, vous ne savez donc pas le proverbe : « donna ignuda manda l’uomo sotto la terra. (1) » Vous deviez avoir un peu plus de teinture de l’histoire politique et de l’histoire naturelle. (2).

 

          On exige que l’histoire d’un pays étranger ne soit point jetée dans le même moule que celle de votre patrie.

 

          Si vous faites l’histoire de France, vous n’êtes pas obligé de décrire le cours de la Seine et de la Loire ; mais si vous donnez au public les conquêtes des Portugais en Asie, on exige une topographie des pays découverts. On veut que vous meniez votre lecteur par la main le long de l’Afrique et des côtes de la Perse et de l’Inde ; on attend de vous des instructions sur les mœurs, les lois, les usages de ces nations nouvelles pour l’Europe.

 

          Nous avons vingt histoires de l’établissement des Portugais dans les Indes ; mais aucune ne nous a fait connaître les divers gouvernements de ce pays, ses religions, ses antiquités, les brames, les disciples de saint Jean, les guèbres, les banians. On nous a conservé, il est vrai, les lettres de Xavier et de ses successeurs. On nous a donné des histoires de l’Inde, faites à Paris d’après ces missionnaires qui ne savaient pas la langue des brames. On nous répète dans cent écrits que les Indiens adorent le diable. Des aumôniers d’une compagnie de marchands partent dans ce préjugé ; et dès qu’ils voient sur les côtes de Coromandel des figures symboliques, ils ne manquent pas d’écrire que ce sont des portraits du diable Mammon, et qui lui allons porter nos vœux à six mille lieues de notre patrie pour en obtenir de l’argent.

 

          Pour ceux qui se mettent, dans Paris, aux gages d’un libraire de la rue Saint-Jacques, et à qui l’on commande une histoire du Japon, du Canada, des îles Canaries, sur des mémoires de quelques capucins, je n’ai rien à leur dire.

 

          C’est assez qu’on sache que la méthode convenable à l’histoire de son pays n’est point propre à décrire les découvertes du Nouveau-Monde ; qu’il ne faut pas écrire sur une petite ville comme sur un grand empire ; qu’on ne doit point faire l’histoire privée d’un prince comme celle de France ou d’Angleterre.

 

          Si vous n’avez autre chose à nous dire, sinon qu’un barbare a succédé à un autre barbare sur les bords de l’Oxus et de l’Iaxarte, en quoi êtes-vous utile au public ?

 

          Ces règles sont assez connues ; mais l’art de bien écrire l’histoire sera toujours très rare. On sait assez qu’il faut un style grave, pur, varié, agréable. Il en est des lois pour écrire l’histoire comme de celles de tous les arts de l’esprit : beaucoup de préceptes, et peu de grands artistes.

 

 

 

 

 

SECTION V.

 

(3)

 

 

 

HISTOIRE DES ROIS JUIFS ET DES PARALIPOMÈNES.

 

 

 

          Tous les peuples ont écrit leur histoire dès qu’ils ont pu écrire. Les Juifs ont aussi écrit la leur. Avant qu’ils eussent des rois, ils vivaient sous une théocratie ; ils étaient censés gouvernés par Dieu même.

 

          Quand les Juifs voulurent avoir un roi comme les autres peuples leurs voisins, le prophète Samuel, très intéressé à n’avoir point de roi, leur déclara de la part de Dieu que c’était Dieu lui-même qu’ils rejetaient : ainsi la théocratie finit chez les Juifs lorsque la monarchie commença.

 

          On pourrait donc dire sans blasphémer que l’histoire des rois juifs a été écrite comme celle des autres peuples, et que Dieu n’a pas pris la peine de dicter lui-même l’histoire d’un peuple qu’il ne gouvernait plus.

 

          On n’avance cette opinion qu’avec la plus extrême défiance. Ce qui pourrait la confirmer, c’est que les Paralipomènes contredisent très souvent le livre des Rois dans la chronologie et dans les faits, comme nos historiens profanes se contredisent quelquefois. De plus, si Dieu a toujours écrit l’histoire des Juifs, il faut donc croire qu’il l’écrit encore ; car les Juifs sont toujours son peuple chéri. Ils doivent se convertir un jour, et il paraît qu’alors ils seront aussi en droit de regarder l’histoire de leur dispersion comme sacrée, qu’ils sont en droit de dire que Dieu écrivit l’histoire de leurs rois.

 

          On peut encore faire une réflexion ; c’est que, Dieu ayant été leur seul roi très longtemps, et ensuite ayant été leur historien, nous devons avoir pour tous les Juifs le respect le plus profond. Il n’y a point de fripier juif qui ne soit infiniment au-dessus de César et d’Alexandre. Comment ne se pas prosterner devant un fripier qui vous prouve que son histoire a été écrite par la Divinité même, tandis que les histoires grecques et romaines ne nous ont été transmises que par des profanes ?

 

          Si le style de l’Histoire des rois et des Paralipomènes est divin, il se peut encore que les actions racontées dans ces histoires ne soient pas divines. David assassine Urie, Isboseth et Miphiboseth sont assassinés. Absalon assassine Ammon ; Joab assassine Absalon ; Salomon assassine Adonias son frère ; Baasa assassine Nadab ; Zambri assassine Ela ; Amri assassine Zambri ; Achab assassine Naboth ; Jéhu assassine Achab et Joram ; les habitants de Jérusalem assassinent Amasias, fils de Joas ; Sellum, fils de Jabès, assassine Zacharias, fils de Jéroboam ; Manahem assassine Sellum, fils de Jabès ; Phacée, fils de Roméli, assassine Phracéia, fils de Manahem ; Osée, fils d’Ela, assassine Phacée, fils de Roméi. On passe sous silence beaucoup d’autres menus assassinats. Il faut avouer que si le Saint-Esprit a écrit cette histoire, il n’a pas choisi un sujet fort édifiant.

 

 

 

 

 

SECTION VI.

 

 

DES MAUVAISES ACTIONS CONSACRÉES OU

EXCUSÉES DANS L’HISTOIRE.

 

 

 

          Il n’est que trop ordinaire aux historiens de louer de très méchants hommes qui ont rendu service à la secte dominante ou à la patrie. Ces éloges sont peut-être d’un citoyen zélé, mais ce zèle outrage le genre humain. Romulus assassine son frère, et on en a fait un dieu. Constantin égorge son fils, étouffe sa femme, assassine presque toute sa famille ; on l’a loué dans des conciles ; mais l’histoire doit détester ses barbaries. Il est heureux pour nous sans doute que Clovis ait été catholique ; il est heureux pour l’Eglise anglicane que Henri VIII ait aboli les moines ; mais il faut avouer que Clovis et Henri VIII étaient des monstres de cruauté.

 

          Lorsque le jésuite Berruyer, qui, quoique jésuite, était un sot, s’avisa de paraphraser l’ancien et le nouveau Testament en style de ruelle, sans autre intention que de les faire lire, il jeta des fleurs de rhétorique sur le couteau à deux tranchants que le Juif Aod enfonça avec le manche dans le ventre du roi Eglon, sur le sabre dont Judith coupa la tête d’Holopherne après s’être prostituée à lui, et sur plusieurs autres actions de ce genre. Le parlement, en respectant la Bible, qui rapporte ces histoires, condamna le jésuite qui les louait, et fit brûler l’ancien et le nouveau Testament, j’entends celui du jésuite.

 

          Mais comme les jugements des hommes sont toujours différents dans les cas pareils, la même chose arriva à Bayle dans un cas tout contraire ; il fut condamné pour n’avoir pas loué toutes les actions de David, roi de la province de Judée. Un nommé Jurieu, prédicant réfugié en Hollande, avec d’autres prédicants réfugiés, voulurent l’obliger à se rétracter. Mais comment se rétracter sur des faits consignés dans l’Ecriture ? Bayle n’avait-il pas quelque raison de penser que tous les faits rapportés dans les livres juifs ne sont pas des actions saintes : que David a fait comme un autre des actions très criminelles, et que, s’il est appelé l’homme selon le cœur de Dieu, c’est en vertu de sa pénitence, et non pas à cause de ses forfaits ?

 

          Ecartons les noms, et ne songeons qu’aux choses. Supposons que, pendant le règne de Henri IV, un curé ligueur a répandu secrètement une bouteille d’huile sur la tête d’un berger de Brie, que ce berger vient à la cour, que le curé le présente à Henri IV comme un bon joueur de violon qui pourra dissiper sa mélancolie, que le roi le fait son écuyer et lui donne une de ses filles en mariage ; qu’ensuite le roi s’étant brouillé avec le berger, celui-ci se réfugie chez un prince d’Allemagne ennemi de son beau-père, qu’il arme six cents brigands perdus de dettes et de débauches, qu’il court la campagne avec cette canaille, qu’il égorge amis et ennemis, qu’il extermine jusqu’aux femmes et aux enfants à la mamelle, afin qu’il n’y ait personne qui puisse porter la nouvelle de cette boucherie : je suppose encore que ce même berger de Brie devient roi de France après la mort de Henri IV, et qu’il fait assassiner son petit-fils après l’avoir fait manger à sa table, et livre à la mort sept autres petits-enfants de son roi ; quel est l’homme qui n’avouera pas que ce berger de Brie est un peu dur ?

 

          Les commentateurs conviennent que l’adultère de David et l’assassinat d’Urie sont des fautes que Dieu a pardonnées. On peut donc convenir que les massacres ci-dessus sont des fautes que Dieu a pardonnées aussi.

 

          Cependant on ne fit aucun quartier à Bayle. Mais en dernier lieu, quelques prédicateurs de Londres ayant comparé George II à David, un des serviteurs de ce monarque a fait publiquement imprimer un petit livre dans lequel il se plaint de la comparaison (4). Il examine toute la conduite de David, il va infiniment plus loin que Bayle, il traite David avec plus de sévérité que Tacite ne traite Domitien. Ce livre n’a pas excité en Angleterre le moindre murmure ; tous les lecteurs ont senti que les mauvaises actions sont toujours mauvaises, que Dieu peut les pardonner quand la pénitence est proportionnée au crime, mais qu’aucun homme ne doit les approuver.

 

          Il y a donc plus de raison en Angleterre qu’il n’y en avait en Hollande du temps de Bayle. On sent aujourd’hui qu’il ne faut pas donner pour modèle de sainteté ce qui est digne du dernier supplice ; et on sait que si on ne doit pas consacrer le crime, on ne doit pas croire l’absurdité.

 


H comme HISTOIRE- 3

1 – Traduction : Femme nue envoie un homme au sol.

 

2 – Cet alinéa fut ajouté en 1771 pour les Questions sur l’Encyclopédie.

 

3 – Les deux sections qui suivent n’ont point paru dans l’Encyclopédie. (G.A.)

 

4 – M. Hut – Voyez l’article DAVID. (G.A.)

 

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