DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : E comme EMBLEME - Partie 2

Publié le par loveVoltaire

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E comme EMBLÈME.

 

 

 

(Partie 2)

 

___________

 

 

 

 

DE L’EMBLÈME D’OOLLA et D’OOLIBA.

 

 

 

 

 

La sainte Ecriture déclare expressément qu’Oolla est l’emblème de Jérusalem. « (1) Fils de l’homme, fais connaître à Jérusalem ses abominations ; ton père était un Amorrhéen, et ta mère une Céthéenne. » Ensuite le prophète, sans craindre des interprétations malignes, des plaisanteries alors inconnues, parle à la jeune Oolla en ces termes :

 

 

« Ubera tua intumuerunt, et pilus tuus germinavit ; et eras nuda et confusione plena. »

 

Ta gorge s’enfla, ton poil germa, tu étais nue et confuse.

 

 

« Et transivi per te, et vidi te ; et ecce tempus tuum, tempus amantium ; et expandi amictum meum super te, et operui ignominiam tuam. Et juravi tibi, et ingressus sum pactum tecum (ait Dominus Deus), et facta es mihi. »

 

Je passai, je te vis ; voici ton temps, voici le temps des amants ; j’étendis sur toi mon manteau ; je couvris ta vilenie. Je te jurai ; je fis marché avec toi, dit le Seigneur, et tu fus à moi.

 

 

« Et habens fiduciam in pulchritudine tuâ fornicata es in nomine tuo ; et exposuisti fornicationem tuam omni transeunti, ut ejus fieres. »

 

Mais, fière de ta beauté, tu forniquas en ton nom, tu exposas ta fornication à tout passant pour être à lui.

 

 

« Et ædificasti tibi lupanar, et fecisti tibi prostibulum in cunctis plateis. »

 

Et tu bâtis un mauvais lieu, et tu fis une prostitution dans tous les carrefours.

 

 

« Et divisisti pedes tuos omni transeunti, et multiplicasti fornicationes tuas. »

 

Et tu ouvris les jambes à tous les passants, et tu multiplias tes fornications.

 

 

« Et fornicata es cum filiis Ægypti, vicinis tuis, magnarum carnium : et multiplicasti fornicationem tuam, ad irritandum me. »

 

Et tu forniquas avec les Egyptiens, tes voisins, qui avaient de grands membres ; et tu multiplias ta fornication pour m’irriter.

 

 

L’article d’Ooliba, qui signifie Samarie, est beaucoup plus fort et plus éloigné des bienséances de notre style.

 

 

« Denudavit quoque fornicationes suas, discooperuit ignominiam suam. »

 

Et elle mit à nu ses fornications et découvrit sa turpitude.

 

 

« Multiplicavit enim fornicationes suas, recordans dies adolescentiæ suæ. »

 

Elle mulltiplia ses fornications comme dans son adolescence.

 

 

« Et insanivit libidine super concubitum eorum quorum carnes sunt ut carnes asinorum, et sicut fluxus equorum, fluxus eorum. »

 

Et elle fut éprise de fureur pour le coït de ceux dont les membres sont comme les membres des ânes, et dont l’émission est comme l’émission des chevaux.

 

 

Ces images nous paraissent licencieuses et révoltantes  elles n’étaient alors que naïves. Il y en a trente exemples dans le Cantique des Cantiques, modèle de l’union la plus chaste. Remarquez attentivement que ces expressions, ces images sont toujours très sérieuses, et que dans aucun livre de cette haute antiquité vous ne trouverez jamais la moindre raillerie sur le grand objet de la génération. Quand la luxure est condamnée, c’est avec les termes propres ; mais ce n’est jamais ni pour exciter à la volupté, ni pour faire la moindre plaisanterie. Cette haute antiquité n’a ni de Martial, ni de Catulle, ni de Pétrone.

 

 

 

 

 

D’OSÉE, ET DE QUELQUES AUTRES EMBLÈMES.

 

 

 

On ne regarde pas comme une simple vision, comme une simple figure, l’ordre positif donné par le Seigneur au prophète Osée de prendre une prostituée (2), et d’en avoir trois enfants. On ne fait point d’enfants en vision ; ce n’est point en vision qu’il fit marché avec Gomer, fille d’Ebalaïm, dont il eut deux garçons et une fille. Ce n’est point en vision qu’il prit ensuite une femme adultère par le commandement exprès du Seigneur, qu’il lui donna quinze petites pièces d’argent et une mesure et demie d’orge. La première prostituée signifiait Jérusalem, et la seconde prostituée signifiait Samarie. Mais ces prostitutions, ces trois enfants, ces quinze pièces d’argent, ce boisseau et demi d’orge, n’en sont pas moins des choses très réelles.

 

Ce n’est point en vision que le patriarche Salmon épousa la prostituée Rahab, aïeule de David. Ce n’est point en vision que le patriarche Juda commit un inceste avec sa belle-fille Thamar, inceste dont naquit David. Ce n’est point en vision que Ruth, autre aïeule de David, se mit dans le lit de Booz. Ce n’est point en vision que David fit tuer Urie, et ravit Bethsabée dont naquit le roi Salomon. Mais ensuite tous ces événements devinrent des emblèmes, des figures, lorsque les choses qu’ils figuraient furent accomplies.

 

Il résulte évidemment d’Ezéchiel, d’Osée, de Jérémie, de tous les prophètes juifs, et de tous les livres juifs, comme de tous les livres qui nous instruisent des usages chaldéens, persans, phéniciens, syriens, indiens, égyptiens ; il résulte, dis-je, que leurs mœurs n’étaient pas les nôtres, que ce monde ancien ne ressemblait en rien à notre monde.

 

Passez seulement de Gilbratar à Méquinez, les bienséances ne sont plus les mêmes ; on ne trouve plus les mêmes idées : deux lieues de mer ont tout changé (3).

 

 

E comme EMBLEME - Partie 2

 

 

1 – Ezéchiel, ch. XVI, v. 2 et suiv.

 

2 – Voyez les premiers chapitres du petit prophète Osée.

 

3 – Voyez l’article FIGURE.

 

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