COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 11

Publié le par loveVoltaire

COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 11

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COMMENTAIRE

 

 

SUR L'ESPRIT DES LOIS.

 

 

 

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- Partie 11 -

 

 

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COMMENTAIRE

 

SUR QUELQUES PRINCIPALES MAXIMES

 

DE L'ESPRIT DES LOIS.

 

 

 

 

XX.

 

 

 

 

 

      Chapitre VIII du livre IV. "Explication d'un paradoxe des anciens par rapport aux mœurs." Il s'agit de musique et d' amour. (Page 32 et suiv.)

 

      L'auteur se fonde sur un passage de Polybe, mais sans le citer. Il dit que "la musique était nécessaire aux Arcades, qui habitaient un pays où l'air est triste et froid ; " et il finit par dire que "selon Plutarque, les Thébains établirent l'amour des garçons pour adoucir leurs mœurs." Ce dernier trait serait un plaisant esprit des lois. Examinons au moins la musique. Ce sujet est intéressant dans le temps où nous sommes.

 

      Il semble assez prouvé que les Grecs entendirent d'abord par ce mot musique tous les beaux-arts. La preuve en est que plus d'une Muse présidait à un art qui n'a aucun rapport avec la musique proprement dite, comme Clio à l'histoire, Uranie à la connaissance du ciel, Polymnie à la gesticulation. Elles étaient filles de Mémoire, pour marquer qu'en effet le don de la mémoire est le principe de tout, et que sans elle l'homme serait au-dessous des bêtes.

 

      Ces notions paraissent avoir été transmises aux Grecs par les Égyptiens. On le voit par le Mercure Trismégiste, traduit de l'égyptien en grec, seul livre qui nous reste de ces immenses bibliothèques de l'Égypte. Il y est parlé à tout moment de l'harmonie de la musique avec laquelle Dieu arrangea les sphères de l'univers. Toute espèce d'arrangement et d'ordre fut donc réputé musique en Grèce, et à la fin ce mot ne fut plus consacré qu'à la théorie et à la pratique des sons de la voix et des instruments. Les lois, les actes publics, étaient annoncés au peuple en musique. On sait que la déclaration de guerre contre Philippe, père d'Alexandre, fut chantée dans la grande place d'Athènes. On sait que Philippe, après sa victoire de Chéronée, insulta aux vaincus en chantant le décret d'Athènes fait contre lui, et en battant la mesure.

 

      C'était donc d'abord cette musique prise dans le sens le plus étendu, cette musique qui signifie la culture des beaux-arts, laquelle polit les mœurs des Grecs, et surtout celles des Arcades.

 

. . . . . . Soli cantare periti

Arcades. . . . . . . . . . . . . (VIRG., Ecl. X.)

 

      Je vois encore moins comment l'amour des garçons peut entrer dans le code de Montesquieu. Nous rougissons, dit-il (page 45), de lire dans Plutarque que les Thébains, pour adoucir les mœurs de leurs jeunes gens, établirent par les lois un amour qui devrait être proscrit par toutes les nations du monde.

 

      Pourquoi un philosophe tel que Montesquieu accuse-t-il un philosophe tel que Plutarque d'avoir fait l'éloge de cette infamie ? Plutarque, dans la Vie de Pélopidas, s'exprime ainsi : "On prétend que Gorgidas fut le premier qui leva le bataillon sacré, et qui le composa de trois cents hommes choisis, entretenus aux frais de la ville, liés ensemble par les serments de l'amitié... comme Iolas fut attaché à Hercule. Ce bataillon fut probablement appelé sacré, comme Platon appelle sacré un ami conduit par un dieu... On dit que cette troupe se maintint invincible jusqu'à la bataille de Chéronée. Philippe, visitant les morts, et voyant ces trois cents guerriers étendus les uns auprès des autres, et couverts de nobles blessures par devant, leur donna des larmes, et s'écria : Périssent tous ceux qui pourraient soupçonner que de si braves gens aient pu jamais souffrir où commettre des choses honteuses !"

 

      Plutarque avoue qu'ils furent calomniés ; mais il justifie leur mémoire. De bonne foi était-ce là un régiment de sodomites ? Montesquieu devait-il apporter contre eux le témoignage de Plutarque ? Il ne lui arrive que trop souvent de falsifier ainsi les textes dont il fait usage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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