EXTRAIT DES SENTIMENTS DE JEAN MESLIER - Partie 3

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EXTRAIT DES SENTIMENTS DE JEAN MESLIER - Partie 3

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EXTRAIT DES SENTIMENTS

DE

JEAN MESLIER.

 

 

 

(Partie 3)

 

 

 

 

 

 

AVANT-PROPOS DU CURÉ MESLIER.

 

 

 

(1)

 

 

 

 

         « Vous connaissez, mes frères, mon désintéressement ; je ne sacrifie point ma croyance à un vil intérêt. Si j’ai embrassé une profession si directement opposée à mes Sentiments, ce n’est point par cupidité ; j’ai obéi à mes parents. Je vous aurais plus tôt éclairés, si j’avais pu le faire impunément. Vous êtes témoins de ce que j’avance. Je n’ai point avili mon ministère en exigeant des rétributions qui y sont attachées.

 

        J’atteste le ciel que j’ai aussi souverainement méprisé ceux qui se riaient de la simplicité des peuples aveuglés, lesquels fournissaient pieusement des sommes considérables pour acheter des prières. Combien n’est pas horrible ce monopole ! Je ne blâme pas le mépris que ceux qui s’engraissent de vos sueurs et de vos peines témoignent pour leurs mystères et leurs superstitions ; mais je déteste leur insatiable cupidité et l’indigne plaisir que leurs pareils prennent à se railler de l’ignorance de ceux qu’ils ont soin d’entretenir dans cet état d’aveuglement.

 

       Qu’ils se contentent de rire de leur propre aisance, mais qu’ils ne multiplient pas du moins les erreurs, en abusant de l’aveugle piété de ceux qui par leur simplicité leur procurent une vie si commode. Vous me rendez sans doute, mes frères, la justice qui m’est due. La sensibilité que j’ai témoignée pour vos peines me garantit du moindre de vos soupçons. Combien de fois ne me suis-je point acquitté gratuitement des fonctions de mon ministère ! Combien de fois aussi ma tendresse n’a-t-elle pas été affligée de ne pouvoir vous secourir aussi souvent et aussi abondamment que je l’aurais souhaité ! Ne vous ai-je pas toujours prouvé que je prenais plus de plaisir à donner qu’à recevoir ? J’ai évité avec soin de vous exhorter à la bigoterie ; et je ne vous ai parlé qu’aussi rarement qu’il m’a été possible de nos malheureux dogmes. Il fallait bien que je m’acquittasse, comme curé, de mon ministère. Mais aussi combien n’ai-je pas souffert en moi-même, lorsque j’ai été forcé de vous prêcher ces pieux mensonges que je détestais dans le cœur ! Quel mépris n’avais-je pas pour mon ministère, et particulièrement cette superstitieuse messe, et ces ridicules administrations de sacrements, surtout lorsqu’il fallait les faire avec cette solennité qui attirait votre piété et toute votre bonne foi ! Que de remords ne m’a point excités votre crédulité ! Mille fois sur le point d’éclater publiquement, j’allais dessiller vos yeux, mais une crainte supérieure à mes forces me contenait soudain, et m’a forcé au silence jusqu’à ma mort (2).

 

 

 

 

1 – Cet avant-propos avait été omis dans la première édition. (G.A.)

 

2 – Presque toutes les lettres de déprêtrisation qui furent adressées aux communes et à la convention en 1793 sont écrites dans le sentiment de cet avant-propos. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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