ESSAI SUR LES MŒURS ET L'ESPRIT DES NATIONS - Partie 8

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ESSAI SUR LES MŒURS ET L'ESPRIT DES NATIONS - Partie 8

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ESSAI

 

SUR LES MŒURS ET L’ESPRIT DES NATIONS

 

 

 

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(Partie 8)

 

 

 

 

VIII. DE L’AMÉRIQUE.

 

 

 

 

 

 

          Se peut-il qu’on demande encore d’où sont venus les hommes qui ont peuplé l’Amérique ? On doit assurément faire la même question sur les nations des terres australes. Elles sont beaucoup plus éloignées du port dont partit Christophe Colomb, que ne le sont les îles Antilles. On a trouvé des hommes et des animaux partout où la terre est habitable : qui les y a mis ? On l’a déjà dit, c’est celui qui fait croître l’herbe des champs ; et on ne devait pas être plus surpris de trouver en Amérique des hommes que des mouches.

 

          Il est assez plaisant que le jésuite Lafitau (1) prétende, dans sa préface de l’Histoire des Sauvages américains, qu’il n’y a que des athées qui puissent dire que Dieu a créé les Américains.

 

          On grave encore aujourd’hui des cartes de l’ancien monde, où l’Amérique paraît sous le nom d’île Atlantique. Les îles du Cap-Vert y sont sous le nom de Gorgades ; les Caraïbes sus celui d’îles Hespérides. Tout cela n’est pourtant pas fondé que sur l’ancienne découverte des îles Canaries, et probablement de celle de Madère, où les Phéniciens et les Carthaginois voyagèrent ; elles touchent presque à l’Afrique, et peut-être en étaient-elles moins éloignées dans les anciens temps qu’aujourd’hui.

 

          Laissons le père Lafitau faire venir les Caraïbes des peuples de Carie, à cause de la conformité du nom, et surtout parce que les femmes caraïbes faisaient la cuisine de leurs maris, ainsi que les femmes cariennes ; laissons-le supposer que les Caraïbes ne naissent rouges, et les Négresses noires, qu’à cause de l’habitude de leurs premiers pères de se peindre en noir ou en rouge.

 

          Il arriva, dit-il, que les Négresses, voyant leurs maris teints en noir, en eurent l’imagination si frappée, que leur race s’en ressentit pour jamais. La même chose arriva aux femmes caraïbes, qui, par la même force d’imagination, accouchèrent d’enfants rouges. Il rapporte l’exemple des brebis de Jacob, qui naquirent bigarrées par l’adresse qu’avait eue ce patriarche de mettre devant leurs yeux des branches dont la moitié était écorcée ; ces branches paraissant à peu près de deux couleurs, donnèrent aussi deux couleurs aux agneaux du patriarche. Mais le jésuite devait savoir que tout ce qui arrivait du temps de Jacob n’arrive plus aujourd’hui.

 

          Si l’on avait demandé au gendre de Laban pourquoi ses brebis, voyant toujours de l’herbe, ne faisaient pas des agneaux verts, il aurait été bien embarrassé.

 

          Enfin, Lafitau fait venir les Américains des anciens Grecs ; et voici ses raisons. Les Grecs avaient des fables, quelques Américains en ont aussi. Les premiers Grecs allaient à la chasse, les Américains y vont. Les premiers Grecs avaient des oracles, les Américains ont des sorciers. On dansait dans les fêtes de la Grèce, on danse en Amérique. Il faut avouer que ces raisons sont convaincantes.

 

          On peut faire, sur les nations du Nouveau-Monde, une réflexion que le père Lafitau n’a point faite ; c’est que les peuples éloignés des tropiques ont toujours été invincibles, et que les peuples plus rapprochés des tropiques ont presque tous été soumis à des monarques. Il en fut longtemps de même dans notre continent. Mais on ne voit point que les peuples du Canada soient allés jamais subjuguer le Mexique, comme les Tartares se sont répandus dans l’Asie et dans l’Europe. Il paraît que les Canadiens ne furent jamais en assez grand nombre pour envoyer ailleurs des colonies.

 

          En général, l’Amérique n’a jamais pu être aussi peuplée que l’Europe et l’Asie ; elle est couverte de marécages immenses qui rendent l’air très malsain ; la terre y produit un nombre prodigieux de poissons ; les flèches trempées dans les sucs de ces herbes venimeuses font des plaies toujours mortelles. La nature enfin avait donné aux Américains beaucoup moins d’industrie qu’aux hommes de l’ancien monde. Toutes ces causes ensemble ont pu nuire beaucoup à la population.

 

          Parmi toutes les observations physiques qu’on peut faire sur cette quatrième partie de notre univers, si longtemps inconnue, la plus singulière peut-être, c’est qu’on n’y trouve qu’un peuple qui ait de la barbe ; ce sont les Esquimaux. Ils habitent au nord vers le cinquante-deuxième degré, où le froid est plus vif qu’au soixante et sixième de notre continent. Leurs voisins sont imberbes. Voilà donc deux races d’hommes absolument différentes à côté l’une de l’autre, supposé qu’en effet les Esquimaux soient barbus. Mais de nouveaux voyageurs disent que les Esquimaux sont imberbes, que nous avons pris leurs cheveux crasseux pour de la barbe. A qui croire ?

 

          Vers l’isthme de Panama est la race des Dariens presque semblables aux Albinos, qui fuit la lumière et qui végète dans les cavernes, race faible, et par conséquent en très petit nombre.

 

          Les lions de l’Amérique sont chétifs et poltrons (2) ; les animaux qui ont de la laine y sont grands et si vigoureux, qu’ils servent à porter les fardeaux. Tous les fleuves y sont dix fois au moins plus larges que les nôtres. Enfin les productions naturelles de cette terre ne sont pas celles de notre hémisphère. Ainsi tout est varié ; et la même providence qui a produit l’éléphant, le rhinocéros, et les Nègres, a fait naître dans un autre monde des originaux, des condors, des animaux à qui on a cru longtemps le nombril sur le dos, et des hommes d’un caractère qui n’est pas le nôtre.

 

 

1 – Lafitau, jésuite missionnaire, était allé au Canada. Il publia, en 1723, Mœurs des Sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, 2 vol. ; puis, en 1733, Histoire des découvertes et des conquêtes des Portugais dans le Nouveau-Monde, 2 vol. (G.A.)

2 – Il n’y a pas, à bien dire, de lions en Amérique ; mais on qualifie le puma de lion d’Amérique. (G.A.)

 

 

 

 

 

IX. DE LA THÉOCRATIE.

 

 

 

          Il semble que la plupart des anciennes nations aient été gouvernées par une espèce de théocratie. Commencez par l’Inde, vous y voyez les brames longtemps souverains ; en Perse, les mages ont la plus grande autorité. L’histoire des oreilles de Smerdis peut bien être une fable ; mais il en résulte toujours que c’était un mage qui était sur le trône de Cyrus. Plusieurs prêtres d’Egypte prescrivaient aux rois jusqu’à la mesure de leur boire et de leur manger, élevaient leur enfance, et les jugeaient après leur mort, et souvent se faisaient roi eux-mêmes.

 

          Si nous descendons aux Grecs, leur histoire, toute fabuleuse qu’elle est, ne nous apprend-elle pas que le prophète Calchas avait assez de pouvoir dans l’armée pour sacrifier la fille du roi des rois ?

 

          Descendez encore plus bas, chez des nations sauvages postérieures aux Grecs ; les druides gouvernaient la nation gauloise.

 

          Il ne paraît pas même possible que, dans les premières peuplades un peu fortes (1), on ait eu d’autre gouvernement que la théocratie ; car dès qu’une nation a choisi un dieu tutélaire, ce dieu a des prêtres. Ces prêtres dominent sur l’esprit de la nation ; ils ne peuvent dominer qu’au nom de leur dieu ; ils le font donc toujours parler : ils débitent ses oracles ; et c’est par un ordre exprès de Dieu que tout s’exécute.

 

          C’est de cette source que sont venus les sacrifices de sang humain qui ont souillé presque toute la terre. Quel père, quelle mère, aurait jamais pu abjurer la nature, au point de présenter son fils ou sa fille à un prêtre pour être égorgés sur un autel, si l’on n’avait pas été certain que le dieu du pays ordonnait ce sacrifice ?

 

          Non-seulement la théocratie a longtemps régné, mais elle a poussé la tyrannie aux plus horribles excès où la démence humaine puisse parvenir ; et plus  ce gouvernement se disait divin, plus il était abominable.

 

          Presque tous les peuples ont sacrifié des enfants à leurs dieux ; dont ils croyaient recevoir cet ordre dénaturé de la bouche des dieux qu’ils adoraient.

 

          Parmi les peuples qu’on appelle si improprement civilisés, je ne vois guère que les Chinois qui n’aient pas pratiqué ces horreurs absurdes. La Chine est le seul des anciens Etats connus qui n’ait pas été soumis au sacerdoce ; car les Japonais étaient sous les lois d’un prêtre six cents ans avant notre ère. Presque partout ailleurs la théocratie est si établie, si enracinée, que les premières histoires sont celles des dieux mêmes qui se sont incarnés pour venir gouverner les hommes. Les dieux, disaient les peuples de Thèbes et de Memphis, ont régné douze mille ans en Egypte. Brama s’incarna pour régner dans l’Inde, Sammonocodom à Siam ; le dieu Adad gouverna la Syrie ; la déesse Cybèle avait été souveraine de Phrygie ; Jupiter, de Crète ; Saturne, de Grèce et d’Italie. Le même esprit préside à toutes ces fables ; c’est partout une confuse idée chez les hommes, que les dieux sont autrefois descendus sur la terre.

 

 

1 – On entend par premières peuplades des hommes rassemblés au nombre de quelques milliers après plusieurs révolutions de ce globe.

 

 

 

 

 

X. DES CHALDÉENS.

 

 

 

          Les Chaldéens, les Indiens, les Chinois, me paraissent les nations le plus anciennement policées. Nous avons une époque certaine de la science des Chaldéens ; elle se trouve dans les dix-neuf cent trois ans d’observations célestes envoyées de Babylone par Callisthène au précepteur d’Alexandre (1). Ces tables astronomiques remontent précisément à l’année 2234 avant notre ère vulgaire. Il est vrai que cette époque touche au temps où la Vulgate place le déluge ; mais n’entrons point ici dans les profondeurs des différentes chronologies de la Vulgate, des Samaritains, et des Septante, que nous révérons également. Le déluge universel est un grand miracle qui n’a rien de commun avec nos recherches. Nous ne raisonnons ici que d’après les notions naturelles, en soumettant toujours les faibles tâtonnements de notre esprit borné aux lumières d’un ordre supérieur.

         

          D’anciens auteurs, cités dans George le Syncelle, disent que du temps d’un roi chaldéen, nommé Xixoutrou, il y eut une terrible inondation. Le Tigre et l’Euphrate se débordèrent apparemment plus qu’à l’ordinaire. Mais les Charlédens n’auraient pu savoir que par la révélation qu’un pareil fléau eût submergé toute la terre habitable. Encore une fois, je n’examine ici que le cours ordinaire de la nature.

 

          Il est clair que si les Chaldéens n’avaient existé sur la terre que depuis dix-neuf cents années avant notre ère, ce court espace ne leur êut pas suffi pour trouver une partie du véritable système de notre univers ; notion étonnante, à laquelle les Chaldéens étaient enfin parvenus. Aristarque de Samos nous apprend que les sages de Chaldée avaient connu combien il est impossible que la terre occupe le centre du monde planétaire ; qu’ils avaient assigné au soleil cette place qui lui appartient ; qu’ils faisaient rouler la terre et les autres planètes autour de lui, chacune dans un orbe différent (2).

 

          Les progrès de l’esprit sont si lents, l’illusion des yeux est si puissante, l’asservissement aux idées reçues si tyrannique, qu’il n’est pas possible qu’un peuple qui n’aurait eu que dix-neuf cents ans, eût pu parvenir à ce haut degré de philosophie qui contredit les yeux, et qui demande la théorie la plus approfondie. Aussi les Chaldéens comptaient quatre cent soixante et dix mille ans ; encore cette connaissance du vrai système du monde ne fut en Chaldée que le partage du petit nombre des philosophes. C’est le sort de toutes les grandes vérités ; et les Grecs, qui vinrent ensuite, n’adoptèrent que le système commun, qui est le système des enfants.

 

          Quatre cent soixante et dix mille ans, c’est beaucoup pour nous autres qui sommes d’hier, mais c’est bien peu de chose pour l’univers entier. Je sais bien que nous ne pouvons adopter ce calcul, que Cicéron s’en est moqué, qu’il est exorbitant, et que surtout nous devons croire au Pentateuque plutôt qu’à Sanchoniathon et à Bérose ; mais, encore une fois, il est impossible (humainement parlant) que les hommes soient parvenus en dix-neuf cents ans à deviner de si étonnantes vérités. Le premier art est celui de pourvoir à la subsistance, ce qui était autrefois beaucoup plus difficile aux hommes qu’aux brutes : le second, de former un langage, ce qui certainement demande un espace de temps très considérable ; le troisième de se bâtir quelques huttes ; le quatrième de se vêtir. Ensuite, pour forger le fer, ou pour y suppléer, il faut tant de hasards heureux, tant d’industrie, tant de siècles, qu’on n’imagine pas même comment les hommes en sont venus à bout. Quel saut de cet état à l’astronomie !

 

          Longtemps les Chaldéens gravèrent leurs observations et leurs lois sur la brique, en hiéroglyphes, qui étaient des caractères parlants ; usage que les Egyptiens connurent après plusieurs siècles. L’art de transmettre ses pensées par des caractères alphabétiques ne dut être inventé que très tard dans cette partie de l’Asie.

 

          Il est à croire qu’au temps où les Chaldéens bâtirent des villes, ils commencèrent à se servir de l’alphabet. Comment faisait-on auparavant ? dira-t-on : comme on fait dans mon village, et dans cent mille villages du monde, où personne ne sait ni lire ni écrire, et cependant où l’on s’entend fort bien, où les arts nécessaires sont cultivés, et même quelquefois avec génie.

 

          Babylone était probablement une très ancienne bourgade, avant qu’on en eût fait une ville immense et superbe. Mais qui a bâti cette ville ? je n’en sais rien. Est-ce Sémiramis ? est-ce Bélus ? est-ce Nabonassar ? Il n’y a peut-être jamais eu dans l’Asie ni de femme appelée Sémiramis, ni d’homme appelé Bélus (2). C’est comme si nous donnions à des villes grecques les noms d’Armagnac et d’Abbeville. Les Grecs, qui changèrent toutes les terminaisons barbares en mots grecs, dénaturèrent tous les noms asiatiques. De plus, l’histoire de Sémiramis ressemble en tout aux contes orientaux.

 

          Nabonassar, ou plutôt Nabon-assor, est probablement celui qui embellit et fortifia Babylone, et en fit à la fin une ville si superbe. Celui-là est un véritable monarque, connu dans l’Asie par l’ère qui porte son nom. Cette ère incontestable ne commence que 747 ans avant la nôtre : ainsi elle est très moderne, par rapport au nombre des siècles nécessaires pour arriver jusqu’à l’établissement des grandes dominations. Il paraît, par le nom même de Babylone, qu’elle existait longtemps avant Nabonassar. C’est la ville du Père Bel, Bab signifie père en chaldéen, comme l’avoue d’Herbelot. Bel est le nom du Seigneur. Les Orientaux ne la connurent jamais que sous le nom de Babel, ville du Seigneur, ou, selon d’autres, la porte de Dieu.

 

          Il n’y a pas eu probablement plus de Ninus fondateur de Ninvah, nommée par nous Ninive, que de Bélus fondateur de Babylone. Nul prince asiatique ne porta un nom en us.

 

          Il se peut que la circonférence de Babylone ait été de vingt-quatre de nos lieues moyennes ; mais qu’un Ninus ait bâti sur le Tigre, si près de Babylone, une ville appelée Ninive, d’une étendue aussi grande, c’est ce qui ne paraît pas croyable. On nous parle de trois puissants empires qui subsistaient à la fois : celui de Babylone, celui d’Assyrie ou de Ninive, et celui de Syrie ou de Damas. La chose est peu vraisemblable ; c’est comme si l’on disait qu’il y avait à la fois dans une partie de la Gaule trois puissants empires, dont les capitales, Paris, Soissons et Orléans, avaient chacune vingt-quatre lieues de tour.

 

          J’avoue que je ne comprends rien aux deux empires de Babylone et d’Assyrie. Plusieurs savants, qui ont voulu porter quelques lumières dans ces ténèbres, ont affirmé que l’Assyrie et la Chaldée n’étaient que le même empire gouverné quelquefois par deux princes, l’un résidant à Babylone, l’autre à Ninive ; et ce sentiment raisonnable peut être adopté, jusqu’à ce qu’on en trouve un plus raisonnable encore.

 

          Ce qui contribue à jeter une grande vraisemblance sur l’antiquité de cette nation, c’est cette fameuse tour élevée pour observer les astres. Presque tous les commentateurs, ne pouvant contester ce monument, se croient obligés de supposer que c’était un reste de la tour de Babel que les hommes voulurent élever jusqu’au ciel. On ne sait pas trop ce que les commentateurs entendent par le ciel : est-ce la lune ? est-ce la planète de Vénus ? Il y a loin d’ici là. Voulaient-ils seulement élever une tour un peu haute ? Il n’y a là aucun mal ni aucune difficulté, supposé qu’on ait beaucoup d’hommes, beaucoup d’instruments et de vivres.

 

          La tour de Babel, la dispersion des peuples, la confusion des langues, sont des choses, comme on sait, très respectables, auxquelles nous ne touchons point. Nous ne parlons ici que de l’observatoire, qui n’a rien de commun avec les histoires juives.

 

          Si Nabonassar éleva cet édifice, il faut au moins avouer que les Chaldéens eurent un observatoire plus de deux mille quatre cents ans avant nous. Concevez ensuite combien de siècles exige la lenteur de l’esprit humain pour en venir jusqu’à ériger un tel monument aux sciences.

 

          Ce fut en Chaldée, et non en Egypte, qu’on inventa le zodiaque. Il y en a, ce me semble, trois preuves assez fortes : la première, que les Chaldéens furent une nation éclairée, avant que l’Egypte, toujours inondée par le Nil, pût être habitable ; la seconde, que les signes du zodiaque conviennent au climat de la Mésopotamie, et non à celui de l’Egypte. Les Egyptiens ne pouvaient avoir le signe du taureau au mois d’avril, puisque ce n’est pas en cette saison qu’ils labourent ; ils ne pouvaient, au mois que nous nommons août, figurer un signe par une fille chargée d’épi de blé, puisque ce n’est pas en ce temps qu’ils font la moisson. Ils ne pouvaient figurer janvier par une cruche d’eau, puisqu’il pleut très rarement en Egypte, et jamais au mois de janvier. La troisième raison, c’est que les signes anciens du zodiaque chaldéen étaient un des articles de leur religion. Ils étaient sous le gouvernement de douze dieux secondaires, douze dieux médiateurs : chacun d’eux présidait à une de ces constellations, ainsi que nous l’apprend Diodore de Sicile, au livre II. Cette religion des anciens Chaldéens était le sabisme, c’est-à-dire l’adoration d’un Dieu suprême, et la vénération des astres et des intelligences célestes qui présidaient aux astres. Quand ils priaient, ils se tournaient vers l’étoile du nord, tant leur culte était lié à l’astronomie.

 

          Vitruve, dans son neuvième livre, où il traite des cadrans solaires, des hauteurs du soleil, de la longueur des ombres, de la lumière réfléchie par la lune, cite toujours les anciens Chaldéens, et non les Egyptiens. C’est, ce me semble, une preuve assez forte qu’on regardait la Chaldée, et non pas l’Egypte, comme le berceau de cette science, de sorte que rien n’est plus vrai que cet ancien proverbe latin :

 

Tradidit Ægyptis Babylon, Ægyptus Achivis (4).

 

 

1 – On peut révoquer en doute ce fait dont Aristote ne parle pas, ni aucun autre écrivain que Simplicius qui vivait au sixième siècle de notre ère. Ce qui est plus sûr, c’est que Ptolémée, dans son Almageste, emploie trois éclipses de lune observées à Babylone dans les années 719 et 720 avant notre ère. On peut donc placer à cette date les plus anciennes observations dignes d’être signalées. Toutefois, la remarque que Voltaire va faire au quatrième paragraphe n’en reste pas moins entière. (G.A.)

 

2 – Voyez l’article SYSTÈME dans le Dictionnaire philosophique. (K.)

 

3 – Bel est le nom de Dieu.

 

4 – Il y a beaucoup d’erreurs dans ce chapitre. Nous ne pouvons que renvoyer à l’Histoire des langues sémitiques, de M. Renan. – M. Renan pense qu’on pourrait retracer les traits essentiels d’une histoire intellectuelle de Babylone, à l’aide du Talmud, de la Cabale, du gnosticisme, du mendaïsme et des écrivains grecs, arabes, arméniens et syriens. La Cabale est à ses yeux une application de la philosophie babylonienne au judaïsme, comme les doctrines de l’école juive d’Alexandrie sont une application des idées grecques au judaïsme. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

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