CORRESPONDANCE - Année 1745 - Partie 6

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à M. de Cideville

A Paris, ce 30 Mai 1745.

 

 

         Le comte de Saxe m’a remercié, et je vous remercie, mon cher ami. Vous me louez mieux que je ne le loue ; mais je ne me porte guère mieux que lui.

 

         Sans doute je corrige mon ouvrage, et je le corrigerai. Je voudrais pouvoir le rendre digne, et du roi qui l’a honoré de son approbation, et de ma patrie à la gloire de laquelle il est consacré, et de votre amitié.

 

 

 

 

 

 

à M. de Cideville

Jeudi après minuit, 31 Mai 1745.

 

 

         Mon cher ami, j’apprends, en arrivant, que votre amitié vous a conduit ici pour avertir madame du Châtelet des belles critiques que l’on fait.

 

         Quant au maréchal de Saxe, voici ce qu’il écrit à madame du Châtelet : « Le roi en a été très content, et même il m’a dit que l’ouvrage n’était pas susceptible de critique. »

 

         Vous sentez bien qu’après cela je dois penser que le roi est le meilleur et plus grand connaisseur de son royaume.

 

 

 

 

à M. le comte Algarotti

Parigi, 4 giugno.

 

 

         Mi lusingava, caro moi ed illustrissimo amico, d’aver ricuperata la mia sanità, e già ero tutto apparecchiato a seguire il moi rè in Fiandra. Forse avrei avuto, o almen creduto avere la forza di fare un più grand viaggio, e, di vedervi ancora una volta nella corte dell’ Augusto moderno, ed avrei detto :

 

Quivi il famoso Egon di lauro adorno

Vidi poi d’ostro, e di virtù pur sempre ;

Sicche Feho sembrava ; ond’ io devoto

Al suo nome sacrai la cetra e l’core.

 

 

         Ma sono ricaduto, e cosi trapasso la mia misera vita tra alcuni raggi di sanità, e più notti di dolori e di svolgliatezza, Vivete pur felice voi, a cui la natura diede cio che aveva concesso a Tibullo :

 

 

Gratia, fama, valetudo contingit abunde.

 

HOR. lib. I, ep. IV.

 

 

         Vivete tra il gran Federigo, ed il filosofo Maupertuis ; non sarete mai per dire come Marini :

 

 

Tutto fei, nulla fui ; per cangiar foco,

Stato, vita, pensier, costumi, e loco ;

Mai non cangio fortuna.

 

 

         La vostra fortuna è degna di voi, e la mia sarebbe molto innalzata sopra il moi merito, e mi sarebbe troppo felice, se questa madrigna di natura non avesse mescolato il suo veleno con tante dolcezze.

 

         Farewell, good sir. La marchesa Newton vous fait les plus sincères compliments ; permettez-moi de vous suppliez de faire les miens à ceux qui daignent se souvenir un peu de moi à Berlin.

 

 

 

 

à M. de Crouzas

Paris, 6 Juin 1745 (1).

 

 

         Monsieur, prenez-vous-en à la bataille de Fontenoy, si je n’ai pas eu l’honneur de vous répondre plus tôt. L’occupation que m’a donnée la gloire du roi mon maître était la seule chose qui pouvait m’empêcher de m’entretenir avec un vrai philosophe que je préfère à bien des rois. Puisque votre philosophe consiste à aimer et à encourager tous les genres de littérature. J’ai l’honneur de joindre à un gros tome de physique la meilleure édition qu’on ait faite de mon Poème sur la bataille de Fontenoy. Vous verrez, monsieur, dans ce poème, quelle justice je rends à vos compatriotes (2).

 

         Vous augmentez bien l’estime que j’ai toujours eue pour cette nation respectable. Puissiez-vous, monsieur, en être encore longtemps l’ornement et la gloire ! Vous avez fait de Lausanne le temple des Muses, et vous m’avez fait dire plus d’une fois que, si j’avais pu quitter la France, je me serais retiré à Lausanne. J’aurais cultivé auprès de vous mon goût pour la véritable sagesse, que le fracas des cours, les agréments de Paris, les charmes de la poésie n’ont que trop séduit. Il faut que je fasse des couronnes de fleurs dans les temps que je voudrais cueillir les fruits de la philosophie. Je me préparais à vous relire, monsieur ; je vais travailler à des fêtes. Mais je tourne souvent mes yeux vers Jérusalem, en chantant sur les bords de l’Euphrate, dans la superbe Babylone. Votre nom m’est toujours présent ; je regrette toujours de n’avoir pu, dans mes voyages, goûter le bonheur de vous entendre. C’est avec ces sentiments, monsieur, que je serai toute ma vie, bien sincèrement, votre, etc. VOLTAIRE.

 

 

1 – Editeurs, E. Bayoux et A. François. (G.A.)

 

2 –Les suisses de la maison du roi. (A. François.)

 

 

 

 

 

à M. de Cideville

Mercredi matin, 9 Juin 1745.

 

 

         Après avoir travaillé toute la nuit, mon cher ami, à mériter vos éloges et votre amitié par les efforts que je fais, après avoir poussé notre Bataille jusqu’à près de trois cents vers, y avoir jeté un peu de poésie, fait un  Discours préliminaire, et ayant surtout profit de vos avis, il faut prendre du café, et c’est en le prenant que je rends compte de tout ce que je fais.

 

         Je viens de recevoir du roi la permission de faire imprimer l’épître dédicatoire dont je lui avais envoyé le modèle. Il faut courir chez l’imprimeur ; j’y serai jusqu’à une heure précise. Si vous étiez assez aimable pour vous y rendre, vous m’y donneriez de nouveaux conseils, et je vous aurais de nouvelles obligations. Je partirai ensuite pour Champs. Est-ce que je n’aurai jamais le plaisir de passer quelques jours tranquillement avec vous à la campagne ?

 

         Venez chez Prault (1), quai de Gèvres, je vous en prie ; j’ai beaucoup à vous parler.

 

         Je ne crois pas que la petite satire du chevalier de Saint-Michel (2), qui, en style d’huissier-priseur, prétend que j’adjuge les lauriers selon mon caprice, plaise beaucoup à M. de Richelieu, à MM. de Luxembourg, de Soubise, d’Ayen, etc., et à tous ceux que j’ai mis dans mes caquets. Ils m’ont tous fait l’honneur de me remercier, mais je ne pense pas qu’ils le remercient.

 

         Sa majesté a entre les mains tout mon ouvrage ; elle daigne en être contente. Je souhaite que vous le soyez. Je vous embrasse tendrement, et j’attends vos vers avec plus d’impatience que l’édition des miens. Votre éternel ami, etc.

 

 

1 – A qui Voltaire avait donné son Poème. (G.A.)

 

2 – Discours au roi sur le succès de ses armes, par M. Roi, chevalier de l’ordre de Saint-Michel. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le Président Hénault

Ce 13, 14 et 15 Juin 1745.

 

 

Rival heureux de Salluste et d’Horace,

Vous savez peindre, orner la vérité.

Je n’ai montré qu’une impuissante audace

Dans ce combat que ma muse a chanté.

J’ai crayonné pour le moment qui passe,

Et vous gravez pour la postérité.

 

 

         Soyez comme le roi, soyez indulgent. J’avais mandé à M. le maréchal de Noailles que j’offrais un petit tribut, que c’était là un bien petit monument de la gloire du roi. Il m’a fait l’honneur de m’écrire que le roi avait dit que j’avais tort, que ce n’était pas un petit monument. Je souhaite que l’ouvrage ne soit pas médiocre, puisqu’il a été honoré de vos avis, et qu’il est consacré à la gloire de vos amis et de vos parents. Voilà la sixième édition de Paris, conforme à la septième de Lille. L’importance du sujet l’a emporté sur la faiblesse du poème. Il n’y a guère de ville du royaume où il n’en ait été fait une édition. Mais, mon respectable Pollion, mon cher Mécène, votre santé m’intéresse plus que les lauriers des héros et les presses des imprimeurs. Vous vivrez dans les siècles à venir : puissent les eaux de Plombières vous faire vivre longtemps pour ce grand nombre d’honnêtes gens qui vous chérissent, pour le public qui vous estime, mais surtout pour vous ! Que les eaux soient pour vous la fontaine de Jouvence ! Je vais passer de tout le tracas que m’a donné cette belle victoire à celui d’une nouvelle fête (1) ; mais je la ferai dans mon goût, dans un goût noble et convenable aux grandes choses qu’il faut exprimer ou faire entendre. On ne me forcera plus à m’abaisser au Morillo.

 

 

Allons nous délasser à voir d’autres procès.

 

Les Plaideurs.

 

 

         Tous les héros que j’ai chantés m’ont fait des remerciements. J’en ai reçu de M. le maréchal de Saxe et de M. de Ximenès. Il n’y a que M. de Castelmoron qui ne m’a pas daigné écrire ni faire dire un mot. J’ajoute à M. de Castelmoron M. d’Aubeterre (2). Je ne vous mets pas là ce petit paragraphe pour me plaindre ; peut-être n’ont-ils pas reçu les exemplaires que je leur ai envoyés, et je suis trop heureux d’avoir rendu justice à des personnes qui vous sont chères, et qui méritaient une meilleure trompette que la mienne.

 

         Je n’ai point dédié l’ouvrage au roi au hasard, comme vous le pensez bien. Il a vu l’épître dédicatoire.

 

 

 

1 – Le Temple de la Gloire. (G.A.)

 

2 – Voyez les notes du Poème. (G.A..

 

 

 

 

 

à M. le comte de Tressan

Le15 Juin 1745.

 

 

         Vous avez vaincu, et vous chantez la victoire. Monsieur de Pollion, vous ne laissez rien faire à ceux qui ne sont que vos trompettes. Madame du Châtelet est enchantée de vos vers aimables et de votre souvenir. Je fais plus que d’être enchanté ; vous m’avez donné de l’enthousiasme. J’ai entièrement refondu mon petit poème. Je fais ce que je peux pour qu’il soit moins indigne du héros. On l’imprime à Lille avec un Discours préliminaire ; j’ai donné ordre qu’on eût l’honneur de vous en envoyer des premiers ; car c’est à vous que je veux plaire. Seriez-vous assez bon pour dire à M. le maréchal de Noailles qu’il m’a écrit une lettre charmante dont je sens tout le prix, et pour faire ma cour à M. le duc d’Ayen, qui doit m’aimer, car il m’a fait du bien auprès du roi, et on s’attache à ses bienfaits ?

 

         Adieu, aimable Horace ; aimez et protégez Varius, et sifflez les Vadius.

 

  

 

CORRESPONDANCE 1745 - Partie 6

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