DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE - FÉLICITÉ

Publié le par loveVoltaire

DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE - FÉLICITÉ

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FÉLICITÉ.

 

DES DIFFÉRENTS USAGES DE CE TERME

 

 

 

 

 

 

 

      Félicité est l’état permanent, du moins pour quelque temps, d’une âme contente ; et cet état est bien rare.

 

      Le bonheur vient du dehors ; c’est originairement une bonne heure : un bonheur vient, on a un bonheur ; mais on ne peut dire : Il m’est venu une félicité, j’ai eu une félicité ; et quand on dit : Cet homme jouit d’une félicité parfaite une alors n’est pas pris numériquement, et signifie seulement qu’on croit que sa félicité est parfaite.

 

      On peut avoir un bonheur sans être heureux ; un homme a eu le bonheur d’échapper à un piège, et n’en est quelquefois que plus malheureux ; on ne peut pas dire de lui qu’il a éprouvé la félicité.

 

      Il y a encore de la différence entre un bonheur et le bonheur, différence que le mot félicité n’admet point.

 

      Un bonheur est un événement heureux ; le bonheur, pris indécisivement, signifie une suite de ces événements.

 

      Le plaisir est un sentiment agréable et passager : le bonheur, considéré comme sentiment, est une suite de plaisirs ; la prospérité, une suite d’heureux événements ; la félicité, une jouissance intime de sa prospérité.

 

      L’auteur des Synonymes dit que « le bonheur est pour les riches, la félicité pour les sages, la béatitude pour les pauvres d’esprit ; » mais le bonheur paraît plutôt le partage des riches qu’il ne l’est en effet, et la félicité est un état dont on parle plus qu’on ne l’éprouve.

 

      Ce mot ne se dit guère en prose au pluriel, par la raison que c’est un état de l’âme, comme tranquillité, sagesse, repos ; cependant la poésie, qui s’élève au-dessus de la prose, permet qu’on dise dans Polyeucte :

 

Où leurs félicités doivent être infinies.

Act. IV, sc. V.

 

Que vos félicités, s’il se peut, soient parfaites.

Zaïre, I, I.

 

      Les mots, en passant du substantif au verbe, ont rarement la même signification. Féliciter, qu’on emploie au lieu de congratuler, ne veut pas dire rendre heureux ; il ne dit pas même se réjouir avec quelqu’un de sa félicité : il veut dire simplement faire compliment sur un succès, sur un événement agréable ; il a pris la place de congratuler, parce qu’il est d’une prononciation plus douce et plus sonore.

 

 

 

 

 

 

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