THÉÂTRE - LES SCYTHES - Partie 8

Publié le par loveVoltaire

THÉÂTRE - LES SCYTHES - Partie 8

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LES SCYTHES.

 

 

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SCÈNE II.

 

OBÉIDE, SULMA, ATHAMARE.

 

 

 

 

 

 

 

ATHAMARE.

 

Non, demeurez, ne vous détournez pas ;

De vos regards du moins honorez mon trépas ;

Qu’à vos genoux tremblants un malheureux périsse.

 

OBÉIDE.

 

Ah ! Sulma, qu’en tes bras mon désespoir finisse ;

C’en est trop… Laisse-moi, fatal persécuteur ;

Va, c’est toi qui reviens pour m’arracher le cœur.

 

ATHAMARE.

 

Ecoute un seul moment.

 

OBÉIDE.

 

Eh ! le dois-je, barbare ?

Dans l’état où je suis que peut dire Athamare ?

 

ATHAMARE.

 

Que l’amour m’a conduit du trône en tes forêts,

Qu’épris de tes vertus, honteux de mes forfaits,

Désespéré, soumis, mais furieux encore,

J’idolâtre Obéide autant que je m’abhorre.

Ah ! ne détourne point tes regards effrayés.

Il me faut ou mourir ou régner à tes pieds.

Frappe, mais entends-moi. Tu sais déjà peut-être

Que de mon sort enfin les dieux m’ont rendu maître ;

Que Smerdis et ma femme, en un même tombeau,

De mon fatal hymen ont éteint le flambeau,

Qu’Ecbatane est à moi… Non, pardonne, Obéide ;

Ecbatane est à toi : l’Euphrate, la Perside,

Et la superbe Egypte, et les bords indiens,

Seraient à tes genoux s’ils pouvaient être aux miens.

Mais mon trône, et ma vie, et toute la nature,

Sont d’un trop faible prix pour payer ton injure.

Ton grand cœur, Obéide, ainsi que ta beauté,

Est au-dessus d’un rang dont il n’est point flatté :

Que la pitié du moins le désarme et le touche.

Les climats où tu vis l’ont-ils rendu farouche ?

O cœur né pour aimer, ne peux-tu que haïr ?

Image de nos dieux, ne sais-tu que punir ?

Ils savent pardonner. Va, ta bonté doit plaindre

Ton criminel amant que tu vois sans le craindre.

 

OBÉIDE.

 

Que m’as-tu dit, cruel ? et pourquoi de si loin

Viens-tu de me troubler prendre le triste soin ?

Tenter dans ces forêts ma misère tranquille,

Et chercher un pardon… qui serait inutile ?

Quand tu m’osas aimer pour la première fois,

Ton roi d’un autre hymen t’avait prescrit les lois :

Sans un crime à mon cœur tu ne pouvais prétendre,

Sans un crime plus grand je ne saurais t’entendre.

Ne fais point sur mes sens d’inutiles efforts :

Je me vois aujourd’hui ce que tu fus alors ;

Sous la loi de l’hymen Obéide respire ;

Prends pitié de mon sort… et respecte Indatire.

 

 

ATHAMARE.

 

Un Scythe ! un vil mortel !

 

OBÉIDE.

 

Pourquoi méprises-tu

Un homme, un citoyen… qui te passe en vertu ?

 

ATHAMARE.

 

Nul ne m’eût égalé si j’avais pu te plaire ;

Tu m’aurais des vertus aplani la carrière ;

Ton amant deviendrait le premier des humains.

Mon sort dépend de toi : mon âme est dans tes mains,

Un mot peut la changer : l’amour la fit coupable,

L’amour au monde entier la rendrait respectable.

 

OBÉIDE.

 

Ah ! que n’eus-tu plus tôt ces nobles sentiments,

Athamare !

 

ATHAMARE.

 

Obéide ! il en est encore temps.

De moi, de mes Etats auguste souveraine,

Viens embellir cette âme esclave de la tienne,

Viens régner.

 

OBÉIDE.

 

Puisses-tu, loin de mes tristes yeux,

Voir ton règne honoré de la faveur des dieux !

 

ATHAMARE.

 

Je n’en veux point sans toi.

 

OBÉIDE.

 

Ne vois plus que ta gloire.

 

ATHAMARE.

 

Elle était de t’aimer.

 

OBÉIDE.

 

Périsse la mémoire

De mes malheurs passés, de tes cruels amours !

 

ATHAMARE.

 

Obéide à la haine a consacré ses jours !

 

OBÉIDE.

 

Mes jours étaient affreux ; si l’hymen en dispose,

Si tout finit pour moi, toi seul en es la cause ;

Toi seul as préparé ma mort dans ces déserts.

 

ATHAMARE.

 

Je t’en viens arracher.

 

OBÉIDE.

 

Rien ne rompra mes fers ;

Je me les suis donnés.

 

ATHAMARE.

 

Tes mains n’ont point encore

Formé l’indigne nœud dont un Scythe s’honore.

 

OBÉIDE.

 

J’ai fait serment au ciel.

 

 

ATHAMARE.

 

Il ne le reçoit pas.

C’est pour l’anéantir qu’il a guidé mes pas.

 

OBÉIDE.

 

Ah ! … c’est pour mon malheur…

 

ATHAMARE.

 

Obtiendrais-tu d’un père

Qu’il laissât libre au moins une fille si chère,

Que son cœur envers moi ne fût point endurci,

Et qu’il cessât enfin de s’exiler ici ?

Dis-lui…

 

OBÉIDE.

 

N’y compte pas. Le choix que j’ai dû faire

Devenait un parti conforme à ma misère :

Il est fait ; mon honneur ne peut le démentir,

Et Sozame jamais n’y pourrait consentir :

Sa vertu t’est connue  elle est inébranlable.

 

ATHAMARE.

 

Elle l’est dans la haine ; et lui seul est coupable.

 

OBÉIDE.

 

Tu ne le fut que trop ; tu l’es de me revoir,

De m’aimer, d’attendrit un cœur au désespoir.

Destructeur malheureux d’une triste famille,

Laisse pleurer en paix et le père et la fille.

Il vient ; sors.

 

ATHAMARE.

 

Je ne puis.

 

OBÉIDE.

 

Sors ; ne l’irrite pas.

 

 

ATHAMARE.

 

Non ; tous deux à l’envi donnez-moi le trépas.

 

OBÉIDE.

 

Au nom de mes malheurs et de l’amour funeste

Qui des jours d’Obéide empoisonne le reste,

Fuis ; ne l’outrage plus par ton fatal aspect.

 

ATHAMARE.

 

Juge de mon amour ; il me force au respect.

J’obéis… Dieux puissants, qui voyez mon offense,

Secondez mon amour et guidez ma vengeance ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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