ÉPÎTRE - A Madame de Saint-Julien

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ÉPÎTRE - A Madame de Saint-Julien

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A MADAME DE SAINT-JULIEN,

 

NÉE COMTESSE DE LA TOUR-DU-PIN.

 

 

 

 – 1766 –

 

 

 

 

Fille de ces dauphins de qui l’extravagance

S’ennuya de régner pour obéir en France ;

Femme aimable, honnête homme, esprit libre et hardi,

Qui, n’aimant que le vrai, ne suis que la nature ;

Qui méprisas toujours le vulgaire engourdi

Sous l’empire de l’imposture ;

Qui ne conçus jamais la moindre vanité

Ni de l’éclat de la naissance,

Ni de celui de la beauté,

Ni du faste de l’opulence ;

Tu quittes le fracas des villes et des cours,

Les spectacles, les jeux, tous les riens du grand monde,

Pour consoler mes derniers jours

Dans ma solitude profonde.

En habit d’amazone, au fond de mes déserts,

Je te vois arriver plus belle et plus brillante

Que la divinité qui naquit sur les mers.

D’un flambeau dans tes mains la flamme étincelante

Apporte un jour nouveau dans mon obscurité ;

Ce n’est point de l’amour le flambeau redoutable,

C’est celui de la Vérité :

C’est elle qui t’instruit, et tu la rends aimable.

C’est ainsi qu’auprès de Platon,

Auprès du vieux Anacréon,

Les belles nymphes de la Grèce

Accouraient pour donner leçon

Et de plaisir et de sagesse.

 

La légende nous a conté

Que l’on vit sainte Thècle, au public exposée,

Suivant partout saint Paul, en homme déguisée,

Braver tous les brocards de la malignité.

Cet exemple de piété

En tout pays fut imité

Chez la révérende prêtrise :

Chacun des pères de l’église

Eut une femme à son côté.

Il n’est point de François de Sale

Sans une dame de Chantal :

Un dévot peut penser à mal,

Mais ne donne point de scandale.

Bravez donc les discours malins,

Demeurez dans mon ermitage,

Et craignez plus les jeunes saints

Que les fleurettes d’un vieux sage.

 

 

 

 

 

 

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