ESSAI SUR LES MŒURS ET L'ESPRIT DES NATIONS - Partie 20
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ESSAI
SUR LES MŒURS ET L’ESPRIT DES NATIONS
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(Partie 20)
XXXVI. DES VICTIMES HUMAINES.
Les hommes auraient été trop heureux s’ils n’avaient été que trompés ; mais le temps, qui tantôt corrompt les usages et tantôt les rectifie, ayant fait couler le sang des animaux sur les autels, des prêtres, bouchers accoutumés au sang, passèrent des animaux aux hommes ; et la superstition, fille dénaturée de la religion, s’écarta de la pureté de sa mère, au point de forcer les hommes à immoler leurs propres enfants, sous prétexte qu’il fallait donner à Dieu ce qu’on avait de plus cher.
Le premier sacrifice de cette nature, dont la mémoire se soit conservée, fut celui de Jéhud chez les Phéniciens, qui, si l’on en croit les fragments de Sanchoniathon, fut immolé par son père Hillu environ deux mille ans avant notre ère. C’était au temps où les grands Etats étaient déjà établi, où la Syrie, la Chaldée, l’Egypte, étaient très florissantes ; et déjà en Egypte, suivant Diodore, on immolait à Osiris les hommes roux ; Plutarque prétend qu’on les brûlait vifs. D’autres ajoutent qu’on noyait une fille dans le Nil, pour obtenir de ce fleuve un plein débordement qui ne fût ni trop fort ni trop faible.
Ces abominables holocaustes s’établirent dans presque toute la terre. Pausanias prétend que Lycaon immola le premier des victimes humaines en Grèce. Il fallait bien que cet usage fût reçu du temps de la guerre de Troie, puisque Homère fait immoler par Achille douze Troyens à l’ombre de Patrocle, Homère eût-il osé dire une chose si horrible ? N’aurait-il pas craint de révolter tous ses lecteurs, si de tels holocaustes n’avaient pas été en usage ? Tout poète peint les mœurs de son pays.
Je ne parle pas du sacrifice d’Iphigénie, et de celui d’Idamante, fils d’Idoménée : vrais ou faux, ils prouvent l’opinion régnante. On ne peut guère révoquer en doute que les Scythes de la Tauride immolassent des étrangers.
Si nous descendons à des temps plus modernes, les Tyriens et les Carthaginois, dans les grands dangers, sacrifiaient un homme à Saturne. On en fit autant en Italie ; et les Romains eux-mêmes, qui condamnèrent ces horreurs, immolèrent deux Gaulois et deux Grecs pour expier le crime d’une vestale. Plutarque confirme cette affreuse vérité dans ses Questions sur les Romains.
Les Gaulois, les Germains, eurent cette horrible coutume. Les druides brûlaient des victimes humaines dans de grandes figures d’osier : des sorcières, chez les Germains, égorgeaient les hommes dévoués à la mort, et jugeaient de l’avenir par le plus ou le moins de rapidité du sang qui coulait de la blessure.
Je crois bien que ces sacrifices étaient rares : s’ils avaient été fréquents, si on en avait fait des fêtes annuelles, si chaque famille avait eu continuellement à craindre que les prêtres vinssent choisir la plus belle fille ou le fils aîné de la maison, pour lui arracher le cœur saintement sur une pierre consacrée, on aurait bientôt fini par immoler les prêtres eux-mêmes. Il est très probable que ces saints parricides ne se commettaient que dans une nécessité pressante, dans les grands dangers, où les hommes sont subjugués par la crainte, et où la fausse idée de l’intérêt public forçait l’intérêt particulier à se taire.
Chez les brames, toutes les veuves ne se brûlaient pas toujours sur les corps de leurs maris. Les plus dévotes et les plus folles firent de temps immémorial et font encore cet étonnant sacrifice. Les Scythes immolèrent quelquefois aux mânes de leurs kans les officiers les plus chéris de ces princes. Hérodote décrit en détail la manière dont on préparait leurs cadavres pour en former un cortège autour du cadavre royal ; mais il ne paraît point par l’histoire que cet usage ait duré longtemps.
Si nous lisions l’histoire des Juifs écrite par un auteur d’une autre nation, nous aurions peine à croire qu’il y ait eu en effet un peuple fugitif d’Egypte qui soit venu par ordre exprès de Dieu immoler sept ou huit petites nations qu’il ne connaissait pas, égorger sans miséricorde toutes les femmes, les vieillards, et les enfants à la mamelle, et ne réserver que les petites filles ; que ce peuple saint ait été puni de son Dieu, quand il avait été assez criminel pour épargner un seul homme dévoué à l’anathème. Nous ne croirions pas qu’un peuple si abominable eût pu exister sur la terre ; mais, comme cette nation elle-même nous rapporte tous ces faits dans ses livres saints, il faut la croire.
Je ne traite point ici la question si ces livres ont été inspirés. Notre sainte Eglise, qui a les Juifs en horreur, nous apprend que les livres juifs ont été dictés par le Dieu créateur et père de tous les hommes ; je ne puis en former aucun doute, ni me permettre même le moindre raisonnement.
Il est vrai que notre faible entendement ne peut concevoir dans Dieu une autre sagesse, une autre justice, une autre bonté, que celle dont nous avons l’idée ; mais enfin, il a fait ce qu’il a voulu ; ce n’est pas à nous de le juger ; je m’en tiens toujours au simple historique.
Les Juifs ont une loi par laquelle il leur est expressément ordonné de n’épargner aucune chose, aucun homme dévoué au Seigneur. « On ne pourra le racheter, il faut qu’il meure, » dit la loi du Lévitique, au chapitre XXVII. C’est en vertu de cette loi qu’on voit Jephté immoler sa propre fille, et le prêtre Samuel couper en morceaux le roi Agag (1). Le Pentateuque nous dit que dans le petit pays de Madian, qui est environ de neuf lieues carrées, les Israélites ayant trouvé six cent soixante et quinze mille brebis, soixante et douze mille bœufs, soixante et un mille ânes, et trente-deux mille filles vierges, Moïse commanda qu’on massacrât tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants, mais qu’on gardât les filles, dont trente-deux seulement furent immolées (2). Ce qu’il y a de remarquable dans ce dévouement, c’est que ce même Moïse était gendre du grand-prêtre des Madiamites, Jéthro, qui lui avait rendu les plus grands services, et qui l’avait comblé de bienfaits.
Le même livre nous dit que Josué, fils de Nun, ayant passé avec sa horde la rivière du Jourdain à pied sec, et ayant fait tomber au son des trompettes les murs de Jéricho dévoués à l’anathème ; il fit périr tous les habitants dans les flammes ; qu’il conserva seulement Rahab la prostituée, et sa fille, qui avait caché les espions du saint peuple ; que le même Josué dévoua à la mort douze mille habitants de la ville de Haï ; qu’il immola au Seigneur trente et un rois du pays, tous soumis à l’anathème, et qui furent pendus. Nous n’avons rien de comparable à ces assassinats religieux dans nos derniers temps, si ce n’est peut-être la Saint-Barthélemy et les massacres d’Irlande.
Ce qu’il y a de triste, c’est que plusieurs personnes doutent que les Juifs aient trouvé six cent soixante et quinze mille brebis, et trente-deux mille filles pucelles dans le village d’un désert au milieu des rochers ; et que personne ne doute de la Saint-Barthélemy. Mais ne cessons de répéter combien les lumières de notre raison sont impuissantes pour nous éclairer sur les étranges événements de l’antiquité, et sur les raisons que Dieu, maître de la vie et de la mort, pouvait avoir de choisir le peuple juif pour exterminer le peuple cananéen (3).
1 – Des critiques ont prétendu qu’il n’était pas sûr que Samuel fût prêtre. Mais comment, n’étant point prêtre, se serait-il arrogé le droit de sacrer Saül et David ? Si ce n’est pas en qualité de prêtre qu’il immola Agag, c’est donc en qualité d’assassin ou de bourreau. Si Samuel n’était pas prêtre, que devient l’autorité de son exemple employée tant de fois par les théologiens, pour prouver que les prêtres ont le droit non-seulement de sacrer les rois, mais d’en sacrer d’autres, quand ceux qu’ils ont oints les premiers ne leur conviennent plus, et même de traiter les rois indociles, comme le doux Samuel a traité l’impie Agag ? (K.) - Samuel était schophet ou suffete, c’est-à-dire chef électif. Rien de plus innocent que l’acte symbolique de l’onction accompli par lui sur son élu. L’onction remontait à la plus haute antiquité ; et, loin de vouloir faire de Saül un instrument des prêtres, Samuel entendait, au contraire, lui conférer une dignité égale et tout à fait distincte de la caste sacerdotale. (G.A.)
2 – On a prétendu que ces trente-deux filles furent seulement destinées au service du tabernacle ; mais si on lit attentivement le livre des Nombres, où cette histoire est rapportée, on verra que le sens de Voltaire est le plus naturel. Les Israélites avaient massacré tous les mâles en état de porter les armes, et n’avaient réservé que les femmes et les enfants. Moïse leur en fait des reproches violents ; il leur ordonne de sang-froid, plusieurs jours après la bataille d’égorger les enfants mâles et toutes les femmes qui ne sont pas vierges. Après avoir commandé le meurtre, il prescrit aux meurtriers la méthode de se purifier. Il a oublié seulement de nous transmettre la manière dont les Juifs s’y prenaient pour distinguer une vierge d’une fille qui ne l’était pas. Ainsi, il est clair que l’on peut, sans faire injure au caractère de Moïse, croire qu’après avoir ordonné le massacre de quarante mille, tant enfants mâles que femmes, il n’a pas hésité à ordonner le sacrifice de trente-deux filles. Comment imagine-t-on que les Juifs aient pu consacrer au service du tabernacle trente-deux filles étrangères et idolâtres ? D’ailleurs la portion des prêtres avait été réglée à part, et ils ne se seraient pas contentés de trente-deux filles vierges. (Voyez paragraphe XIX de l’ouvrage intitulé : Un chrétien contre dix Juifs. (K.)
3 – En ne cessant de dire qu’il faut humilier sa raison, Voltaire parle tout bonnement comme Bossuet, lorsque ce prêtre se trouve en face des mêmes événements : « Jephté, dira Bossuet, ensanglante sa victoire par un sacrifice qui ne peut être excusé que par un ordre secret de Dieu sur lequel il ne lui a pas plu de nous rien faire connaître. » (G.A.)
XXXVII. DES MYSTÈRES DE CÉRÈS ÉLEUSINE.
Dans le chaos des superstitions populaires, qui auraient fait de presque tout le globe un vaste repaire de bêtes féroces, il y eut une institution salutaire qui empêcha une partie du genre humain de tomber dans un entier abrutissement ; ce fut celle des mystères et des expiations. Il était impossible qu’il ne se trouvât des esprits doux et sages parmi tant de fous cruels, et qu’il n’y eût des philosophes qui tâchassent de ramener les hommes à la raison et à la morale.
Ces sages se servirent de la superstition même pour en corriger les abus énormes comme on emploie le cœur des vipères pour guérir de leurs morsures ; on mêla beaucoup de fables avec des vérités utiles, et les vérités se soutinrent par les fables.
On ne connaît plus les mystères de Zoroastre. On sait peu de chose de ceux d’Isis ; mais nous ne pouvons douter qu’ils n’annonçassent le grand système d’une vie future, car Celse dit à Origène, livre VIII : « Vous vous vantez de croire des peines éternelles ; et tous les ministres des mystères ne les annoncèrent-ils pas aux initiés ? »
L’unité de Dieu était le grand dogme de tous les mystères. Nous avons encore la prière des prêtresses d’Isis, conservée dans Apulée, et que j’ai citée en parlant des mystères égyptiens.
Les cérémonies mystérieuses de Cérès furent une imitation de celles d’Isis. Ceux qui avaient commis des crimes les confessaient et les expiaient : on jeûnait, on se purifiait, on donnait l’aumône. Toutes les cérémonies étaient tenues secrètes, sous la religion du serment, pour les rendre plus vénérables. Les mystères se célébraient la nuit pour inspirer une sainte horreur. On y représentait des espèces de tragédies, dont le spectacle étalait aux yeux le bonheur des justes et les peines des méchants. Les plus grands hommes de l’antiquité, les Platon, les Cicéron, ont fait l’éloge de ces mystères qui n’étaient pas encore dégénérés de leur pureté première.
De très savants hommes ont prétendu que le sixième livre de l’Enéide n’est que la peinture de ce qui se pratiquait dans ces spectacles si secrets et si renommés (1). Virgile n’y parle point, à la vérité, du Demiourgos qui représentait le Créateur ; mais il fait voir dans le vestibule, dans l’avant-scène, les enfants que leurs parents avaient laissé périr, et c’était un avertissement aux pères et mères.
Continuo auditæ voces, vagitus et ingens, etc.
VIRG., Énéide, liv. VI, v, 426.
Ensuite paraissait Minos qui jugeait les morts. Les méchants étaient entraînés dans le Tartare, et les justes conduits dans les Champs-Elysées. Ces jardins étaient tout ce qu’on avait inventé de mieux pour les hommes ordinaires. Il n’y avait que les héros demi-dieux à qui on accordait l’honneur de monter au ciel. Toute religion adopta un jardin pour la demeure des justes ; et même quand les esséniens, chez le peuple juif, reçurent le dogme d’une autre vie, ils crurent que les bons iraient après la mort dans des jardins au bord de la mer ; car, pour les pharisiens, ils adoptèrent la métempsycose et non la résurrection. S’il est permis de citer l’histoire sacrée de Jésus-Christ parmi tant de choses profanes, nous remarquerons qu’il dit au voleur repentant : « Tu seras aujourd’hui avec moi dans le jardin. » Il se conformait en cela au langage de tous les hommes.
Les mystères d’Eleusine devinrent les plus célèbres. Une chose très remarquable, c’est qu’on y lisait le commencement de la théogonie de Sanchoniathon le Phénicien ; c’est une preuve que Sanchoniathon avait annoncé un Dieu suprême, créateur et gouverneur du monde. C’était donc cette doctrine, qu’on dévoilait aux initiés imbus de la créance du polythéisme. Supposons parmi nous un peuple superstitieux qui serait accoutumé dès sa tendre enfance à rendre à la Vierge, à saint Joseph et aux autres saints, le même culte qu’à Dieu le père ; il serait peut-être dangereux de vouloir le détromper tout d’un coup ; il serait sage de révéler d’abord aux plus modérés, aux plus raisonnables, la distance infinie qui est entre Dieu et les créatures : c’est précisément ce que firent les mystagogues. Les participants aux mystères s’assemblaient dans le temple de Cérès, et l’hiérophante leur apprenait qu’au lieu d’adorer Cérès conduisant Triptolème sur un char traîné par des dragons, il fallait adorer le Dieu qui nourrit les hommes, et qui a permis que Cérès et Triptolème missent l’agriculture en honneur.
Cela est si vrai, que l’hiérophante commençait par réciter les vers de l’ancien Orphée : « Marchez dans la voie de la justice, adorez le seul maître de l’univers ; il est un ; il est seul par lui-même ; tous les êtres lui doivent leur existence ; il agit dans eux et par eux ; il voit tout, et jamais il n’a été vu des yeux mortels. »
J’avoue que je ne conçois pas comment Pausanias peut dire que ces vers ne valent pas ceux d’Homère ; il faut convenir que, du moins pour le sens, ils valent beaucoup mieux que l’Iliade et l’Odyssée entières.
Il faut avouer que l’évêque Warburton (2), quoique très injuste dans plusieurs de ses décisions audacieuses, donne beaucoup de force à tout ce que je viens de dire de la nécessité de cacher le dogme de l’unité de Dieu à un peuple entêté du polythéisme. Il remarque, d’après Plutarque, que le jeune Alcibiade, ayant assisté à ces mystères, ne fit aucune difficulté d’insulter aux statues de Mercure, dans une partie de débauche avec plusieurs de ses amis, et que le peuple en fureur demanda la condamnation d’Alcibiade.
Il fallait donc alors la plus grande discrétion pour ne pas choquer les préjugés de la multitude. Alexandre lui-même (si cette anecdote n’est pas apocryphe), ayant obtenu en Egypte, de l’hiérophante des mystères, la permission de mander à sa mère le secret des initiés, la conjura en même temps de brûler sa lettre après l’avoir lue, pour ne pas irriter les Grecs.
Ceux qui, trompés par un faux zèle, ont prétendu depuis que ces mystères n’étaient que des débauches infâmes, devaient être détrompés par le mot même qui répond à initiés : il veut dire qu’on commençait une nouvelle vie.
Une preuve encore sans réplique que ces mystères n’étaient célébrés que pour inspirer la vertu aux hommes, c’est la formule par laquelle on congédiait l’assemblée. On prononçait chez les Grecs, les deux anciens mots phéniciens Kof tomphet, veillez et soyez purs (Warburton, Lég. de Moïse, livre I). Enfin, pour dernière preuve, c’est que l’empereur Néron, coupable de la mort de sa mère, ne put être reçu à ces mystères quand il voyagea dans la Grèce : le crime était trop énorme ; et, tout empereur qu’il était, les initiés n’auraient pas voulu l’admettre. Zosime dit aussi que Constantin ne put trouver des prêtres païens qui voulussent le purifier et l’absoudre de ses parricides.
Il y avait donc en effet chez les peuples qu’on nomme païens, gentils, idolâtres, une religion très pure ; tandis que les peuples et les prêtres avaient des usages honteux, des cérémonies puériles, des doctrines ridicules, et que même ils versaient quelquefois le sang humain en l’honneur de quelques dieux imaginaires, méprisés et détestés par les sages.
Cette religion pure consistait dans l’aveu de l’existence d’un Dieu suprême, de sa providence et de sa justice. Ce qui défigurait ces mystères, c’était, si l’on en croit Tertullien, la cérémonie de la régénération. Il fallait que l’initié parût ressusciter ; c’était le symbole du nouveau genre de vie qu’il devait embrasser. On lui présentait une couronne, il la foulait aux pieds ; l’hiérophante levait sur lui le couteau sacré : l’initié, qu’on feignait de frapper, feignait aussi de tomber mort ; après quoi il paraissait ressusciter. Il y a encore chez les francs-maçons un reste de cette ancienne cérémonie.
Pausanias, dans ses Arcadiques, nous apprend que, dans plusieurs temples d’Eleusine on flagellait les pénitents, les initiés ; coutume odieuse, introduite longtemps après dans plusieurs Eglises chrétiennes (3). Je ne doute pas que dans tous ces mystères, dont le fond était si sage et si utile, il n’entrât beaucoup de superstitions condamnables. Les superstitions conduisirent à la débauche, qui amena le mépris. Il ne resta enfin de tous ces anciens mystères que des troupes de gueux que nous avons vus, sous le nom d’Egyptiens et de Bohêmes, courir l’Europe avec des castagnettes ; danser la danse des prêtres d’Isis ; vendre du baume ; guérir la gale et en être couverts ; dire la bonne aventure et voler des poules. Telle a été la fin de ce qu’on a eu de plus sacré dans la moitié de la terre connue
1 – Voltaire a dit depuis, dans les Questions sur l’Encyclopédie, qu’il s’était trompé en croyant que le sixième livre de l’Enéide fait la description des mystères. « Mais je tiens, ajoute-t-il à cette occasion, que Claudien les a révélés. » Et il cite le passage du premier chant de l’Enlèvement de Proserpine. Voyez Dictionnaire philosophique, article INITIATION. (G.A.)
2 – Warburton, Traité de l’alliance entre l’Eglise et l’Etat, ou la Nécessité d’une religion établie. 1736. Traduit en français par Silhouette, 1742. (G.A.)
3 – Pausanias ne dit pas positivement que les coups de verges ne fussent que pour les initiés ; mais il serait plaisant d’imaginer que les prêtres d’Athènes eussent eu le droit de frapper de verges tous ceux qu’ils rencontraient. Passe pour les initiés et les dévotes. (K.)