THÉÂTRE - Les lois de Minos - Partie 8

Publié le par loveVoltaire

THÉÂTRE - Les lois de Minos - Partie 8

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LES LOIS DE MINOS.

 

 

 

 

______

 

 

 

 

 

ACTE TROISIÈME.

 

 

 

SCÈNE II.

 

 

 

LES PRÉCÉDENTS ; UN CYDONIEN, arrivant.

 

 

 

 

 

 

LE CYDONIEN.

 

Ah ! savez-vous le crime ?...

 

 

DATAME.

 

O ciel ! que me dis-tu ?

Quel désespoir est peint sur ton front abattu ?

Parle, parle.

 

LE CYDONIEN.

 

Astérie…

 

 

DATAME.

 

Eh bien ?

 

LE CYDONIEN.

 

Cet édifice,

Ce lieu qu’on nomme temple est prêt pour son supplice.

 

DATAME.

 

Pour Astérie !

 

LE CYDONIEN.

 

Apprends que, dans ce même jour,

En cette même enceinte, en cet affreux séjour,

De je ne sais quels grands la horde forcenée

Aux bûchers dévorants l’a déjà condamnée :

Ils apaisent ainsi Jupiter offensé.

 

 

DATAME.

 

Elle est morte !

 

LE PREMIER CYDONIEN.

 

Ah ! grand dieu !

 

 

LE SECOND CYDONIEN.

 

L’arrêt est prononcé

On doit l’exécuter dans ce temple barbare :

Voilà, chers compagnons, la paix qu’on nous prépare !

Sous un couteau perfide, et qu’ils ont consacré,

Son sang, offert aux dieux, va couler à leur gré,

Et dans un ordre auguste ils livrent à la flamme

Ces restes précieux adorés par Datame.

 

 

DATAME.

 

Je me meurs.

 

 

(Il tombe entre les bras d’un Cydonien.)

 

 

LE PREMIER CYDONIEN.

 

Peut-on croire un tel excès d’horreurs ?

 

UN CYDONIEN.

 

Il en est encore un bien cruel à nos cœurs,

Celui d’être en ces lieux réduits à l’impuissance

D’assouvir sur eux tous notre juste vengeance,

De frapper ces tyrans de leurs couteaux sacrés,

De noyer dans leur sang ces monstres révérés.

 

DATAME, revenant à lui.

 

Qui, moi ! je ne pourrais, ô ma chère Astérie,

Mourir sur les bourreaux qui t’arrachent la vie ! …

Je le pourrai, sans doute… O mes braves amis,

Montrez ces sentiments que vous m’avez promis :

Périssez avec moi. Marchons.

 

 

(On entend une voix d’une des tours.)

 

 

Datame, arrête (1) !

 

DATAME.

 

Ciel ! … d’où part cette voix ? quels dieux ont sur ma tête

Fait au loin dans les airs retentir ces accents ?

Est-ce une illusion qui vient troubler mes sens ?

 

 

(La même voix.)

 

 

Datame !...

 

DATAME.

 

C’est la voix d’Astérie elle-même !

Ciel qui la fis pour moi, dieu vengeur, dieu suprême !

Ombre chère et terrible, à mon cœur désolé

Est-ce du sein des morts qu’Astérie a parlé ?

 

UN CYDONIEN.

 

Je me trompe, ou du fond de cette cour antique

Sa voix faible et mourante a son amant s’explique.

 

DATAME.

 

Je n’entends plus ici la fille d’Azémon ;

Serait-ce là sa tombe ? est-ce là sa prison ?

Les Crétois auraient-ils inventé l’une et l’autre ?

 

LE CYDONIEN.

 

Quelle horrible surprise est égale à la nôtre !

 

DATAME.

 

Des prisons ! est-ce ainsi que ces adroits tyrans

On bâti, pour régner, les tombeaux des vivants ?

 

UN CYDONIEN.

 

N’aurons-nous point de traits, d’armes et de machines !

Ne pourrons-nous marcher sur leurs vastes ruines !

 

DATAME, avance vers la tour.

 

Quel nouveau bruit s’entend ? Astérie ! ah, grands dieux !

C’est elle, je la vois, elle marche en ces lieux…

Mes amis, elle marche à l’affreux sacrifice,

Et voilà les soldats armés pour son supplice.

Elle en est entourée.

 

 

(On voit dans l’enfoncement Astérie entourée de la garde.)

que le roi Teucer lui avait donnée. Datame continue.)

 

 

Allons, c’est à ses pieds

Qu’il faut, en la vengeant, mourir sacrifiés.

 

 

 

1 – On trouva ces effets de scène bien enfantins, et l’on avait raison. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE IV.

 

 

 

LES CYDONIENS, DICTIME.

 

 

 

 

 

 

 

 

DICTIME.

 

Où  pensez-vous aller ? et qu’est-ce que vous faites ?

Quel transport vous égare, aveugles que vous êtes ?

Dans leur course rapide ils ne m’écoutent pas.

Ah ! que de cette esclave ils suivent donc les pas ;

Qu’ils s’écartent surtout de ces autels horribles,

Dressés par la vengeance à des dieux inflexibles ;

Qu’ils sortent de la Crète. Ils n’ont vu parmi nous

Que de justes sujets d’un éternel courroux :

Ils nous détesteront ; mais ils rendront justice

A la main qui dérobe Astérie au supplice ;

Ils aimeront mon roi dans leurs affreux déserts …

Mais de quels cris soudains retentissent les airs ?

Je me trompe, ou de loin j’entends le bruit des armes.

Que ce jour est funeste, et fait pour les alarmes !

Ah ! nos mœurs, et nos lois, et nos rites affreux,

Ne pouvaient nous donner que des jours malheureux !

Revolons vers le roi.

 

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE IV.

 

 

 

TEUCER, DICTIME.

 

 

 

 

 

 

 

TEUCER.

 

Demeure, cher Dictime,

Demeure. Il n’est plus temps de sauver la victime ;

Tous mes soins sont trahis ; ma raison, ma bonté,

Ont en vain combattu contre la cruauté ;

En vain bravant des lois la triste barbarie,

Au sein de ses foyers je rendais Astérie ;

L’humanité plaintive, implorant mes secours,

Du fer déjà levé défendait ses beaux jours ;

Mon cœur s’abandonnait à  cette pure joie

D’arracher aux tyrans leur innocente proie :

Datame a tout détruit.

 

DICTIME.

 

Comment ? quels attentats ?

 

 

TEUCER.

 

Ah ! les sauvages mœurs ne s’adoucissent pas !

Datame…

 

DICTIME.

 

Quelle est donc sa fatale imprudence ?

 

 

TEUCER.

 

Il paiera de sa tête une telle insolence.

Lui, s’attaquer à moi ! tandis que ma bonté

Ne veillait, ne s’armait que pour sa sûreté ;

Lorsque déjà ma garde, à mon ordre attentive,

Allait loin de ce temple enlever la captive,

Suivi de tous les siens, il fond sur mes soldats.

Quel est donc ce complot que je ne connais pas ?

Etaient-ils contre moi tous deux d’intelligence ?

Etait-ce là le prix qu’on dût à ma clémence ?

J’y cours ; le téméraire, en sa fougue emporté,

Ose lever sur moi son bras ensanglanté :

Je le presse, il succombe, il est pris avec elle.

Ils périront : voilà tout le fruit de mon zèle ;

Je faisais deux ingrats. Il est trop dangereux

De vouloir quelquefois sauver des malheureux.

J’avais trop de bontés pour un peuple farouche

Qu’aucun frein ne retient, qu’aucun respect ne touche,

Et dont je dois surtout à jamais me venger.

Où ma compassion m’allait-elle engager !

Je trahissais mon sang, je risquais ma couronne ;

Et pour qui ?

 

DICTIME.

 

Je me rends, et je les abandonne.

Si leur faute est commune, ils doivent l’expier :

S’ils sont tous deux ingrats, il les faut oublier.

 

 

TEUCER.

 

Ce n’est pas sans regret ; mais la raison l’ordonne.

 

DICTIME.

 

L’inflexible équité, la majesté du trône,

Ces parvis tout sanglants, ces autels profanés,

Votre intérêt, la loi, tout les a condamnés.

 

TEUCER.

 

D’Astérie en secret la grâce, la jeunesse,

Peut-être malgré moi, me touche et m’intéresse ;

Mais je ne dois penser qu’à servir mon pays ;

Ces sauvages humains sont mes vrais ennemis.

Oui, je réprouve encore une loi trop sévère :

Mais il est des mortels dont le dur caractère,

Insensible aux bienfaits, intraitable, ombrageux,

Exige un bras d’airain toujours levé sur eux.

D’ailleurs ai-je un ami dont la main téméraire

S’armât pour un barbare et pour une étrangère ?

Ils ont voulu périr, c’en est fait ; mais du moins

Que mes yeux de leur mort ne soient pas les témoins.

 

 

 

 

 

 

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