SIECLE DE LOUIS XIV - CATALOGUE - Écrivains - Partie 22 - M
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CATALOGUE
DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
QUI ONT PARU DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV,
Pour servir à l’histoire littéraire de ce temps.
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MÉNAGE (Gilles)
1613 - 1692
Né en 1613. Il a prouvé qu’il est plus aisé de faire des vers en italien qu’en français. Ses vers italiens sont estimés, même en Italie ; et notre langue doit beaucoup à ses recherches. Il était savant en plus d’un genre. Sa Requête des dictionnaires l’empêcha d’entrer à l’Académie. Il adressa au cardinal Mazarin, sur son retour en France, une pièce latine, où l’on trouve ce vers :
E puto tam viles despicis ipse togas.
Le parlement, qui, après avoir mis à prix la tête du cardinal, l’avait complimenté, se crut désigné par ce vers, et voulait sévir contre l’auteur ; mais Ménage prouva au parlement que toga signifiait un habit de cour ; mort en 1692. La Monnoye a augmenté et rectifié le Menagiana.
MÉNESTRIER (Claude-François)
1631 - 1705
Né en 1631, a beaucoup servi à la science du blason, des emblèmes et des devises : mort en 1705.
MÉRY (Jean)
1645 - 1722
Né en Berry, en 1645, l’un de ceux qui ont le plus illustré la chirurgie. Il a laissé des observations utiles. Mort en 1722.
MÉZERAI (François-Eudes de)
1610 - 1683
Né à Argetan, en Normandie, en 1610. Son Histoire de France est très connue ; ses autres écrits le sont moins. Il perdit ses pensions, pour avoir dit ce qu’il croyait la vérité. D’ailleurs plus hardi qu’exact, et inégal dans son style. Son nom de famille était Eudes ; il était frère du P. Eudes, fondateur de la congrégation très répandue et très peu connue des eudistes : mort en 1683.
MIMEURE (le marquis de)
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Menin de Monseigneur, fils de Louis XIV. On a de lui quelques morceaux de poésies qui ne sont pas inférieures à celles de Racan et de Maynard : mais comme ils parurent dans un temps où le bon était très rare, et le marquis de Mimeure dans un temps où l’art était perfectionné, ils eurent beaucoup de réputation, et à peine fut-il connu. Son Ode à Vénus, imitée d’Horace, n’est pas indigne de l’original.
MOLIÈRE (Jean-Baptiste Poquelin de)
1620 - 1673
Né à Paris en 1620, le meilleur des poètes comiques de toutes les nations. Cet article a engagé à relire les poètes comiques de l’antiquité. Il faut avouer que si l’on compare l’art et la régularité de notre théâtre avec ces scènes décousues des anciens, ces intrigues faibles, cet usage grossier de faire annoncer par des acteurs, dans des monologues froids et sans vraisemblance, ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils veulent faire ; il faut avouer, dis-je, que Molière a tiré la comédie du chaos, ainsi que Corneille en a tiré la tragédie, et que les Français ont été supérieurs en ce point à tous les peuples de la terre. Molière avait d’ailleurs une autre sorte de mérite, que ni Corneille, ni Racine, ni Boileau, ni La Fontaine, n’avaient pas. Il était philosophe, et il l’était dans la théorie et dans la pratique. C’est à ce philosophe que l’archevêque de Paris, Harlay, si décrié pour ses mœurs, refusa les vains honneurs de la sépulture : il fallut que le roi engageât ce prélat à souffrir que Molière fût enterré secrètement dans le cimetière de la petite chapelle de Saint-Joseph, rue Montmartre. Mort en 1673.
On s’est piqué à l’envi dans quelques dictionnaires nouveaux de décrier les vers de Molière, en faveur de sa prose, sur la parole de l’archevêque de Cambrai, Fénelon, qui semble, en effet, donner la préférence à la prose de ce grand comique, et qui avait ses raisons pour n’aimer que la prose poétique ; mais Boileau ne pensait pas ainsi. Il faut convenir qu’à quelques négligences près, négligences que la comédie tolère, Molière est plein de vers admirables, qui s’impriment facilement dans la mémoire. Le Misanthrope, les Femmes savantes, le Tartufe, sont écrits comme les satires de Boileau. L’Amphitryon est un recueil d’épigrammes et de madrigaux, faits avec un art qu’on n’a point imité depuis. La bonne poésie est à la bonne prose ce que la danse est à une simple démarche noble, ce que la musique est au récit ordinaire, ce que les couleurs d’un tableau sont à des dessins au crayon. De là vient que les Grecs et les Romains n’ont jamais eu de comédie en prose (*)
*Voyez, dans les Mélanges, la VIE DE MOLIÈRE, par Voltaire. (G.A.)
MONGAULT (L’abbé de)
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La meilleure traduction qu’on ait faite des Lettres de Cicéron est de lui. Elle est enrichie de notes judicieuses et utiles. Il avait été précepteur du fils du duc d’Orléans, régent du royaume, et mourut, dit-on, de chagrin de n’avoir pu faire auprès de son élève la même fortune que l’abbé Dubois. Il ignorait apparemment que c’est par le caractère, et non par l’esprit, que l’on fait fortune.
MONTESQUIEU (Charles de Secondat, baron de la Brède et de)
1689 - 1755
Président au parlement de Bordeaux, né en 1689, donna à l’âge de trente-deux ans les Lettres persanes, ouvrage de plaisanterie, plein de traits qui annoncent un esprit plus solide que son livre. C’est une imitation du Siamois de Dufresny et de l’Espion turc (*) ; mais imitation qui fait voir comment ces originaux devaient être écrits. Ces ouvrages d’ordinaire ne réussissent qu’à la faveur de l’air étranger ; on met avec succès dans la bouche d’un Asiatique la satire de notre pays, qui serait bien moins accueillie dans la bouche d’un compatriote : ce qui est commun par soi-même devient alors singulier. Le génie qui règne dans les Lettres persanes ouvrit au président de Montesquieu les portes de l’Académie française, quoique l’Académie fût maltraitée dans son livre ; mais en même temps la liberté avec laquelle il parle du gouvernement, et des abus de la religion, lui attira une exclusion de la part du cardinal de Fleury. Il prit un tour très adroit pour mettre le ministre dans ses intérêts ; il fit faire en peu de jours une nouvelle édition de son livre (**), dans laquelle on retrancha ou on adoucit tout ce qui pouvait être condamné par un cardinal et par un ministre. M. de Montesquieu porta lui-même l’ouvrage au cardinal, qui ne lisait guère, et qui en lut une partie. Cet air de confiance, soutenu par l’empressement de quelques personnes de crédit, ramena le cardinal, et Montesquieu entra dans l’Académie.
Il donna ensuite le traité sur la Grandeur et la décadence des Romains, matière usée, qu’il rendit neuve par des réflexions très fines et des peintures très fortes : c’est une histoire politique de l’empire romain. Enfin on vit son Esprit des lois. On a trouvé dans ce livre beaucoup plus de génie que dans Grotius et dans Puffendorf. On se fait quelque violence pour lire ces auteurs ; on lit l’Esprit des lois autant pour son plaisir que pour son instruction. Ce livre est écrit avec autant de liberté que les Lettres persanes ; et cette liberté n’a pas peu servi au succès : elle lui attira des ennemis qui augmentèrent sa réputation, par la haine qu’ils inspiraient contre eux : ce sont ces hommes nourris dans les factions obscures des querelles ecclésiastiques, qui regardent leurs opinions comme sacrées, et ceux qui les méprisent comme sacrilèges. Ils écrivirent violemment contre le président de Montesquieu ; ils engagèrent la Sorbonne à examiner son livre, mais le mépris dont ils furent couverts arrêta la Sorbonne. Le principal mérite de l’Esprit des lois est l’amour des lois qui règne dans cet ouvrage ; et cet amour des lois est fondé sur l’amour du genre humain. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que l’éloge qu’il fait du gouvernement anglais est ce qui a plu davantage en France. La vive et piquante ironie qu’on y trouve contre l’inquisition a charmé tout le monde, hors les inquisiteurs. Ses réflexions, presque toujours profondes, sont appuyées d’exemples tirés de l’histoire de toutes les nations. Il est vrai qu’on lui a reproché de prendre souvent des exemples dans de petites nations sauvages et presque inconnues, sur les relations trop suspectes des voyageurs. Il ne cite pas toujours avec beaucoup d’exactitude ; il fait dire, par exemple, à l’auteur du Testament politique attribué au cardinal de Richelieu, « que s’il se trouve dans le peuple quelque malheureux honnête homme, il ne faut pas s’en servir. » Le Testament politique dit seulement, à l’endroit cité, qu’il vaut mieux se servir des hommes riches et bien élevés, parce qu’ils sont moins corruptibles. Montesquieu s’est trompé dans d’autres citations, jusqu’à dire que François Ier (qui n’était pas né lorsque Christophe Colomb découvrit l’Amérique) avait refusé les offres de Christophe Colomb. Le défaut continuel de méthode dans cet ouvrage, la singulière affectation de ne mettre souvent que trois ou quatre lignes dans un chapitre, et encore de ne faire de ces quatre lignes qu’une plaisanterie, ont indisposé beaucoup de lecteurs ; on s’est plaint de trouver trop souvent des saillies où l’on attendait des raisonnements ; on a reproché à l’auteur d’avoir trop donné d’idées douteuses pour des idées certaines : mais, s’il n’instruit pas toujours son lecteur, il le fait toujours penser ; et c’est là un très grand mérite. Ses expressions vives et ingénieuses, dans lesquelles on trouve l’imagination de Montaigne, son compatriote, ont contribué surtout à la grande réputation de l’Esprit des lois ; les mêmes choses dites par un homme savant, et même plus savant que lui, n’auraient pas été lues. Enfin, il n’y a guère d’ouvrages où il y ait plus d’esprit, plus d’idées profondes, plus de choses hardies, et où l’on trouve plus à s’instruire, soit en approuvant ses opinions, soit en les combattant. On doit le mettre au rang des livres originaux qui ont illustré le siècle de Louis XIV (***), et qui n’ont aucun modèle dans l’antiquité.
Il est mort en 1755, en philosophe, comme il avait vécu (****).
* Par Marana. (G.A.)
** On ne connaît pas cette édition. (G.A.)
*** On remarquera ici comme Voltaire prolongea le siècle de Louis XIV par delà le règne, puisque Montesquieu n’écrivit son premier livre qu’en1721. (G.A.)
**** Voltaire répond là à un conte de jésuite sur cette mort. (G.A.)
MONTFAUCON (Bernard de)
1655 - 1741
Né en 1655, bénédictin, l’un des plus savants antiquaires de l’Europe. Mort en 1741.
MONTFAUCON DE VILLARS (l’abbé)
1635 - 1675
Né en 1635, célèbre par le Comte de Gabalis. C’est une partie de l’ancienne mythologie des Perses. L’auteur fut tué en 1675, d’un coup de pistolet. On dit que les sylphes l’avaient assassiné pour avoir révélé leurs mystères.
MONTPENSIER (Anne-Marie-Louis d’Orléans)
1627 - 1693
Connue sous le nom de Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, née à Paris en 1627. Ses Mémoires sont plus d’une femme occupée d’elle, que d’une princesse témoin de grands événements ; mais il s’y trouve des choses très curieuses ; on a aussi quelques petits romans d’elle, qu’on ne lit guère. Les princes, dans leurs écrits, sont au rang des autres hommes. Si Alexandre et Sémiramis avaient fait des ouvrages ennuyeux, ils seraient négligés. On trouve plus aisément des courtisans que des lecteurs. Morte en 1693.
MONTREUIL (Matthieu de) (*)
1621 - 1692
Né à Paris, en 1621, l’un de ces écrivains agréables et faciles dont le siècle de Louis XIV a produit un grand nombre, et qui n’ont pas laissé de réussir dans le genre médiocre. Il y a peu de vrais génies ; mais l’esprit du temps et l’imitation ont fait beaucoup d’auteurs agréables. Mort à Aix, en 1692.
* Ou Montereul. (G.A.)
MORÉRI (Louis)
1643 - 1680
Né en Provence, en 1643. On ne s’attendait pas que l’auteur du Pays d’amour, et le traducteur de Rogriguez, entreprît dans sa jeunesse le premier dictionnaire de faits qu’on eût encore vu. Ce grand travail lui coûta la vie. L’ouvrage réformé et très augmenté porte encore son nom, et n’est plus de lui. C’est une ville nouvelle bâtie sur le plan ancien. Trop de généalogies suspectes ont fait tort surtout à cet ouvrage si utile. Mort en 1680. On a fait des suppléments remplis d’erreurs.
MORIN (Michel-Jean-Baptiste)
1583 - 1656
Né en Beaujolais, en 1583, médecin, mathématicien, et, par les préjugés du temps, astrologue Il tira l’horoscope de Louis XIV. Malgré cette charlatanerie, il était savant. Il proposa d’employer les observations de la lune à la détermination des longitudes en mer ; mais cette méthode exigeait dans les tables des mouvements de cette planète de degré d’exactitude que les travaux réunis des premiers géomètres de ce siècle ont pu à peine leur donner. Voyez l’article CASSINI. Mort en 1656.
MORIN (Jean)
1591 - 1663
Né à Blois, en 1591, très savant dans les langues orientales et dans la critique. Mort à l’Oratoire, en 1659.
MORIN (Simon)
1623 - 1663
Né en Normandie, en 1623. On ne parle ici de lui que pour déplorer sa fatale folie et celle de Desmarets Saint-Sorlin, son accusateur. Saint-Sorlin fut un fanatique qui en dénonça un autre. Morin, qui ne méritait que les Petites-Maisons, fut brûlé vif en 1663, avant que la philosophie eût fait assez de progrès pour empêcher les savants de dogmatiser, et les juges d’être si cruels.
MOTTEVILLE (Françoise Bertaut de)
1615 - 1689
Née en 1615, en Normandie. Cette dame a écrit des Mémoires qui regardent particulièrement la reine Anne, mère de Louis XIV. On y trouve beaucoup de petits faits, avec un grand air de sincérité. Morte en 1689.