TRAITÉ DE MÉTAPHYSIQUE - Partie 1

Publié le par loveVoltaire

TRAITÉ DE MÉTAPHYSIQUE -  Partie 1

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TRAITÉ DE MÉTAPHYSIQUE

 

 

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AVERTISSEMENT POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

 

 

 

 

Toute la métaphysique voltairienne se trouve exposée méthodiquement et sans aucun déguisement dans les ouvrages qui suivent. Nous classons ces écrits selon la date de leur composition, afin que le lecteur se rende bien compte des opinions philosophiques que Voltaire a progressivement adoptées. Le Voltaire de Ferney conclut, en effet, sur bien des questions différemment du Voltaire de Cirey ; mais les affirmations dernières du philosophe sensualiste, loin d’être des variations folles, ne sont que les justes conséquences de ses premiers principes. Le Dieu que reconnaît Voltaire n’est ni vengeur ni rémunérateur ; c’est une intelligence toujours active d’où la matière émane et qu’il ne tient pas même pour infinie ; la matière est éternelle ; l’âme n’est pas une substance, mais une faculté ; l’homme n’est pas absolument libre, etc. On voit combien les opinions du patriarche s’accordent peu avec celles des philosophes éclectiques qui furent en si grand renom dans la première moitié de ce siècle. – (G.A.)

 

 

 

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TRAITÉ DE MÉTAPHYSIQUE.

 

COMPOSÉ EN 1734.

 

 

 

 

[Après la mort de madame du Châtelet, on brûla au château de Cirey une grande partie des papiers de la marquise. Le valet de chambre, Longchamp, chargé d’attiser le feu où on les jetait, parvint à soustraire un cahier de papier à lettres, manuscrit d’une écriture fort menue, dit-il. C’était le Traité des métaphysiques que voici. Voltaire l’avait composé dans les premiers temps de son séjour à Cirey, lorsqu’il s’y tenait caché à cause des poursuites dont il était l’objet pours ses Lettres anglaises. C’est là le début de ses études avec Emilie. Il l’instruit en philosophie, comme il devait plus tard lui enseigner l’histoire. Le livre achevé, il l’offrit à sa chère marquise avec cet envoi :

 

L’auteur de la métaphysique

Que l’on apporte à vos genoux,

Mérita d’être cuit dans la place publique,

Mais il ne brûla que pour vous.

 

Disciple de Locke et de Bolingbroke, Voltaire se montra déjà plus hardi que ses maîtres dans ce premier ouvrage, où il cherche à se rendre compte à lui-même de son existence, et à se faire des principes certains.] (G.A.)

 

 

 

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INTRODUCTION.

 

 

DOUTES SUR L’HOMME.

 

 

 

 

          Peu de gens s’avisent d’avoir une notion bien entendue de ce que c’est que l’homme. Les paysans d’une partie de l’Europe n’ont guère d’autre idée de notre espèce que celle d’un animal à deux pieds, ayant une peau bise, articulant quelques paroles, cultivant la terre, payant sans savoir pourquoi, certains tributs à un autre animal qu’ils appellent roi, vendant leurs denrées le plus cher qu’ils peuvent, et s’assemblant certains jours de l’année pour chanter des prières dans une langue qu’ils n’entendent point.

 

          Un roi regarde assez toute l’espèce humaine comme des êtres faits pour obéir à lui et à ses semblables. Une jeune Parisienne qui entre dans le monde, n’y voit que ce qui peut servir à sa vanité ; et l’idée confuse qu’elle a du bonheur, et le fracas de tout ce qui l’entoure, empêchent son âme d’entendre la voix de tout le reste de la nature. Un jeune Turc, dans le silence du sérail, regarde les hommes comme des êtres supérieurs, obligés par une certaine loi à coucher tous les vendredis avec leurs esclaves et son imagination ne va pas beaucoup au-delà Un prêtre distingue l’univers entier en ecclésiastiques et en laïques ; et il regarde sans difficulté la portion ecclésiastique comme la plus noble, et faite pour conduire l’autre, etc., etc.

 

          Si on croyait que les philosophes eussent des idées plus complètes de la nature humaine, on se tromperait beaucoup : car si vous en exceptez Hobbes, Locke, Descartes, Bayle, et un très petit nombre d’esprits sages, tous les autres se font une opinion particulière sur l’homme, aussi resserrée que celle du vulgaire, et seulement plus confuse. Demandez au P. Malebranche ce que c’est que l’homme ; il vous répondra que c’est une substance faite à l’image de Dieu, fort gâtée depuis le péché originel, cependant plus unie à Dieu qu’à son corps, voyant tout en Dieu, pensant, sentant tout en Dieu.

 

          Pascal regarde le monde entier comme un assemblage de méchants et de malheureux, créés pour être damnés ; parmi lesquels cependant Dieu a choisi de toute éternité quelques âmes, c’est-à-dire une sur cinq ou six millions, pour être sauvée.

 

          L’un dit : L’homme est une âme unie à un corps ; et quand le corps est mort, l’âme vit toute seule pour jamais.

 

          L’autre assure que l’homme est un corps qui pense nécessairement ; et ni l’un ni l’autre ne prouvent ce qu’ils avancent. Je voudrais, dans la recherche de l’homme, me conduire comme je fais dans l’étude de l’astronomie : ma pensée se transporte quelquefois hors du globe de la terre, de dessus laquelle tous les mouvements célestes paraissent irréguliers et confus. Et après avoir observé le mouvement des planètes comme si j’étais dans le soleil, je compare les mouvements apparents que je vois sur la terre avec les mouvements véritables que je verrais si j’étais dans le soleil. De même je vais tâcher, en étudiant l’homme, de me mettre d’abord hors de sa sphère et hors d’intérêt, et de me défaire de tous les préjugés d’éducation, de patrie, et surtout des préjugés de philosophe.

 

          Je suppose, par exemple, que, né avec la faculté de penser et de sentir que j’ai présentement, et n’ayant point la forme humaine, je descende du globe de Mars ou de Jupiter. Je peux porter une vue rapide sur tous les siècles, tous les pays, et par conséquent sur toutes les sottises de ce petit globe.

 

          Cette supposition est aussi aisée à faire, pour le moins, que celle que je fais quand je m’imagine être dans le soleil pour considérer de là les seize planètes qui roulent régulièrement dans l’espace autour de cet astre.

 

 

 

 

 

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