ZAIRE - Partie 11

Publié le par loveVoltaire

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 Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

Z A Ї R E

 

 

 

 

 

ACTE CINQUIÈME.

 

 

SCÈNE I.

 

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OROSMANE, CORASMIN, UN ESCLAVE.

 

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OROSMANE.

 

On l’a fait avertir, l’ingrate va paraître.

Songe que dans tes mains est le sort de ton maître ;

Donne-lui le billet de ce traître chrétien ;

Rends-moi compte de tout, examine-la bien :

Porte-moi sa réponse. On approche… c’est elle.

 

(A Corasmin.)

 

Viens, d’un malheureux prince ami tendre et fidèle,

Viens m’aider à cacher ma rage et mes ennuis.

 

 

 

 

SCÈNE II.

 

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ZAÏRE, FATIME, L’ESCLAVE.

 

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ZAÏRE.

 

Eh ! qui veut me parler dans l’état où je suis ?

A tant d’horreurs, hélas ! qui pourra me soustraire ?

Le sérail est fermé ! Dieu ! si c’était mon frère !

Si la main de ce Dieu, pour soutenir ma foi,

Par des chemins cachés le conduisait vers moi !

Quel esclave inconnu se présente à ma vue ?

 

L’ESCLAVE.

 

Cette lettre, en secret dans mes mains parvenue,

Pourra vous assurer de ma fidélité.

 

ZAÏRE.

 

Donne.

 

(Elle lit.)

 

FATIME, à part, pendant que Zaïre lit.

 

Dieu tout-puissant ! éclate en ta bonté ;

Fais descendre ta grâce en ce séjour profane ;

Arrache ma princesse au barbare Orosmane !

 

ZAÏRE, à Fatime.

 

Je voudrais te parler.

 

FATIME, à l’esclave.

 

Allez, retirez-vous ;

On vous rappellera, soyez prêt ; laissez-nous.

 

 

 

 

 

SCÈNE III.

 

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ZAÏRE, FATIME.

 

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ZAÏRE.

 

Lis ce billet : hélas ! dis-moi ce qu’il faut faire ;

Je voudrais obéir aux ordres de mon frère.

 

FATIME.

 

Dites plutôt, madame, aux ordres éternels

D’un Dieu qui vous demande au pied de ses autels.

Ce n’est point Nérestan, c’est Dieu qui vous appelle.

 

 

ZAÏRE.

 

Je le sais, à sa voix je ne suis point rebelle,

J’en ai fait le serment : mais puis-je m’engager,

Moi, les chrétiens, mon frère, en un si grand danger ?

 

FATIME.

 

Ce n’est point leur danger dont vous êtes troublée ;

Votre amour parle seul à votre âme ébranlée.

Je connais votre cœur ; il penserait comme eux,

Il hasarderait tout, s’il n’était amoureux.

Ah ! connaissez du moins l’erreur qui vous engage.

Vous tremblez d’offenser l’amant qui vous outrage !

Quoi ! ne voyez-vous pas toutes ses cruautés

Et l’âme d’un Tartare à travers ses bontés ?

Ce tigre encor farouche au sein de sa tendresse,

Même en vous adorant, menaçait sa maîtresse…

Et votre cœur encor ne s’en peut détacher ?

Vous soupirez pour lui ?

 

ZAÏRE.

 

Qu’ai-je à lui reprocher ?

C’est moi qui l’offensais, moi qu’en cette journée

Il a vu souhaiter ce fatal hyménée ;

Le trône était tout prêt, le temple était paré,

Mon amant m’adorait, et j’ai tout différé.

Moi, qui devais ici trembler sous sa puissance,

J’ai de ses sentiments bravé la violence ;

J’ai soumis son amour, il fait ce que je veux,

Il m’a sacrifié ses transports amoureux.

 

FATIME.

 

Ce malheureux amour, dont votre âme est blessée,

Peut-il en ce moment remplir votre pensée !

 

ZAÏRE.

 

Ah ! Fatime, tout sert à me  désespérer :

Je sais que du sérail rien ne peut me tirer :

Je voudrais des chrétiens voir l’heureuse contrée,

Quitter ce lieu funeste à mon âme égarée ;

Et je sens qu’à l’instant, prompte à me démentir,

Je fais des vœux secrets pour n’en jamais sortir.

Quel état ! Quel tourment ! Non, mon âme inquiète

Ne sait ce qu’elle doit, ni ce qu’elle souhaite ;

Une terreur affreuse est tout ce que je sens.

Dieu ! détourne de moi ces noirs pressentiments .

Prends soin de nos chrétiens, et veille sur mon frère !

Prends soin du haut des cieux d’une tête si chère !

Oui, je le vais trouver, je lui vais obéir :

Mais dès que de Solyme il aura pu partir,

Par son absence alors à parler enhardie,

J’apprends à mon amant le secret de ma vie :

Je lui dirai le culte où mon cœur est lié :

Il lira dans ce cœur, il en aura pitié.

Mais dussé-je au supplice être ici condamnée,

Je ne trahirai point le sang dont je suis née.

Va, tu peux amener mon frère dans ces lieux.

Rappelle cet esclave.

 

 

 

 

 

SCÈNE IV.

 

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ZAÏRE.

 

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ZAÏRE.

 

O Dieu de mes aïeux !

Dieu de tous mes parents, de mon malheureux père,

Que ta main me conduise, et que ton œil m’éclaire !

 

 

 

 

 

SCÈNE V.

 

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ZAÏRE, L’ESCLAVE.

 

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ZAÏRE.

 

Allez dire au chrétien qui marche sur vos pas

Que mon cœur aujourd’hui ne le trahira pas ;

Que Fatime en ces lieux va bientôt l’introduire.

 

 

(à part.)

 

Allons, rassure-toi, malheureuse Zaïre !

 

 

 

 

 

SCÈNE VI.

 

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OROSMANE, CORASMIN, L’ESCLAVE.

 

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OROSMANE.

 

Que ces moments, grand Dieu, sont lents pour ma fureur !

 

(A l’esclave.)

 

Eh bien ! que t’a-t-on dit ? réponds, parle.

 

L’ESCLAVE.

 

Seigneur,

On n’a jamais senti de si vives alarmes.

Elle a pâli, tremblé, ses yeux versaient des larmes ;

Elle m’a fait sortir, elle m’a rappelé,

Et d’une voix tremblante, et d’un cœur tout troublé,

Près de ces lieux, seigneur, elle a promis d’attendre

Celui qui cette nuit à ses yeux doit se rendre.

 

OROSMANE.

 

(A l’esclave.)                                  (A Corasmin.)

 

Allez, il me suffit. Ote-toi de mes yeux,

Laisse-moi : tout mortel me devient odieux.

Laisse-moi seul, te dis-je, à ma fureur extrême :

Je hais le monde entier, je m’abhorre moi-même.

 

 

 

 

 

SCÈNE VII.

 

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OROSMANE.

 

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OROSMANE.

 

Où suis-je ? ô ciel ! où suis-je ? où porté-je mes vœux ?

Zaïre, Nérestan… couple ingrat, couple affreux !

Traitres, arrachez-moi ce jour que je respire,

Ce jour souillé par vous ! Misérable Zaïre,

Tu ne jouiras pas… Corasmin, revenez.

 

 

 

 

 

SCÈNE VIII.

 

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OROSMANE, CORASMIN.

 

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OROSMANE.

 

Ah ! trop cruel ami, quoi ! vous m’abandonnez !

Venez ; a-t-il paru, ce rival, ce coupable ?

 

CORASMIN.

 

Rien ne paraît encore.

 

 

OROSMANE.

 

O nuit ! nuit effroyable !

Peux-tu prêter ton voile à de pareils forfaits ?

Zaïre !... l’infidèle !... après tant de bienfaits !

J’aurais d’un œil serein, d’un front inaltérable,

Contemplé de mon rang la chute épouvantable.

J’aurais su, dans l’horreur de la captivité,

Conserver mon courage et ma tranquillité ;

Mais me voir à ce point trompé par ce que j’aime !

 

CORASMIN.

 

Eh ! que prétendez-vous dans cette horreur extrême ?

Quel est votre dessein ?

 

OROSMANE.

 

N’entends-tu pas des cris ?

 

CORASMIN.

 

Seigneur …

 

OROSMANE.

 

Un bruit affreux a frappé mes esprits.

On vient.

 

CORASMIN.

 

Non, jusqu’ici nul mortel ne s’avance ;

Le sérail est plongé dans un profond silence ;

Tout dort ; tout est tranquille ; et l’ombre de la nuit…

 

OROSMANE.

 

Hélas ! le crime veille, et son horreur me suit.

A ce coupable excès porter sa hardiesse !

Tu ne connaissais pas mon cœur et ma tendresse !

Combien je t’adorais ! quels feux ! Ah ! Corasmin,

Un seul de ses regards aurait fait mon destin :

Je ne puis être heureux, ni souffrir que par elle.

Prends pitié de ma rage. Oui, cours… Ah ! la cruelle.

 

CORASMIN.

 

Est-ce vous qui pleurez ? vous, Orosmane ? ô cieux !

 

OROSMANE.

 

Voilà les premiers pleurs qui coulent de mes yeux.

Tu vois mon sort, tu vois la honte où je me livre :

Mais ces pleurs sont cruels, et la mort va les suivre ;

Plains Zaïre ; plains-moi ; l’heure approche ; ces pleurs

Du sang qui va couler sont les avant-coureurs.

 

CORASMIN.

 

Ah ! je tremble pour vous.

 

OROSMANE.

 

Frémis de mes souffrances,

Frémis de mon amour, frémis de mes vengeances.

Approche,  viens, j’entends… Je ne me trompe pas.

 

CORASMIN.

 

Sous les murs du palais quelqu’un porte ses pas.

 

OROSMANE.

 

Va saisir Nérestan ; va, dis-je, qu’on l’enchaîne :

Que tout chargé de fers à mes yeux on l’entraîne !

 

 

 

ZAIRE - Acte cinquième - partie 1

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