POESIE : Inscription pour la statue de Louis XV, à Reims
Photo de PAPAPOUSS
INSCRIPTION
POUR LA STATUE DE LOUIS XV, A REIMS.
− 1763 −
Peuple fidèle et juste, et digne d’un tel maître,
L’un par l’autre chéri, vous méritez de l’être.
[On trouvera deux autres inscriptions pour la même statue dans la lettre à d’Argental du 18 Septembre 1763, et dans celle à Damilaville, du 21 Septembre de la même année.] (G.A.)
à M. le comte d’Argental
18 Septembre 1763.
[…] Mes anges, je vous fais juges de ma dispute avec Thieriot : le sculpteur Pigalle a fait une belle statue de Louis XV pour la ville de Reims ; il m’a mandé qu’il avait suivi le petit avis que j’avais donné dans le Siècle de Louis XIV, de ne point entourer d’esclaves la base des statues des rois, mais de figurer des citoyens heureux, qui doivent être en effet le plus bel ornement de la royauté.
Il m’a demandé une inscription en vers français, attendu qu’il s’agit d’un roi de France, et non d’un empereur romain. Voici mes vers :
Esclaves qui tremblez sous un roi conquérant,
Que votre front touche la terre !
Levez-vous, citoyens, sous un roi bienfaisant ;
Enfants, bénissez votre père.
Thieriot veut de la prose ; mais de la prose française me paraît très fade pour le style lapidaire.
M. l’abbé de Chauvelin m’a envoyé vingt-quatre estampes de son petit monument érigé dans son abbaye pour la santé du roi. L’inscription latine est des plus longues ; ce n’était pas ainsi que les Romains en usaient.
à M. Damilaville
21 Septembre 1763.
[…] Je conviens que ce vers
En faisant des heureux, un roi l’est à son tour,
figurerait très bien au bas de la statue de Louis XV ; mais je ne saurais me résoudre ni à me citer, ni à me piller. Si vous n’êtes pas content des quatre vers que je vous ai envoyés, aimeriez-vous mieux ces deux-ci :
Il chérit ses sujets comme il est aimé d’eux :
C’est un père entouré de ses enfants heureux ?
ou bien :
Heureux père entouré de ses enfants heureux ?
Je ne suis point de l’avis de frère Thieriot, qui veut de la prose : notre prose française est l’antipode du style lapidaire. Je ne haïrais pas les deux vers, et surtout le dernier, et surtout Heureux père, etc. Ils jurent un peu avec les remontrances des parlements ; mais je crois que le roi en serait assez content.
à M. le comte d’Argental
Septembre 1763.
[…] Je songe qu’une inscription ne peut être salée, c’est un grand malheur ; elle ne doit point être, à mon gré, en prose latine pour un roi de France : elle ne peut être en prose française : le style lapidaire ne convient point à notre langue chargée d’articles, qui rendent sa marche languissante ; il faut deux vers, mais deux vers français détachés sont toujours froids ; c’est alors que la rime paraît dans toute sa misère. Pourriez-vous souffrir ce distique :
Il chérit ses sujets comme il est aimé d’eux :
C’est un père entouré de ses enfants heureux ?
Ou bien :
Heureux père, entouré de ses enfants heureux ?.
Ainsi fut représenté Louis XV, dit le " Bien-aimé ", surnom donné par un prédicateur messin du haut de la chaire de la cathédrale de Metz.
La statue de louis XV fut détruite pendant la Révolution Française en 1792.