LA HENRIADE : Chant troisième - Partie 2

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CHANT TROISIÈME.

 

 

 

Suite

 

 

 LA HENRIADE - CHANT TROIS-1

 

 

 

Je cherchai dans Coutras ce superbe Joyeuse (1).

Vous savez sa défaite et sa fin malheureuse :

Je dois vous épargner des récits superflus. »

 

« Non, je ne reçois point vos modestes refus ;

Non, ne me privez point, dit l’auguste princesse,

D’un récit qui m’éclaire autant qu’il m’intéresse ;

N’oubliez point ce jour, ce grand jour de Coutras,

Vos travaux, vos vertus, Joyeuse, et son trépas :

L’auteur de tant d’exploits doit seul me les apprendre,

Et peut-être je suis digne de les entendre. »

Elle dit. Le héros, à ce discours flatteur,

Sentit couvrir son front d’une noble rougeur ;

Et réduit, à regret, à parler de sa gloire,

Il poursuivit ainsi cette fatale histoire :

 

« De tous les favoris qu’idolâtrait Valois (2),

Qui flattaient sa mollesse et lui donnaient des lois,

Joyeuse, né d’un sang chez les Français insigne,

D’une faveur si haute était le moins indigne :

Il avait des vertus ; et si de ses beaux jours

La Parque, en ce combat, n’eût abrégé le cours,

Sans doute aux grands exploits son âme accoutumée

Aurait de Guise, un jour, atteint la renommée.

Mais, nourri jusqu’alors au milieu de la cour,

Dans le sein des plaisirs, dans les bras de l’amour,

Il n’eut à m’opposer qu’un excès de courage,

Dans un jeune héros dangereux avantage.

Les courtisans en foule, attachés à son sort,

Du sein des voluptés s’avançaient à la mort.

Des chiffres amoureux, gages de leurs tendresses,

Traçaient sur leurs habits les noms de leurs maîtresse ;

Leurs armes éclataient du feu des diamants,

De leurs bras énervés, frivoles ornements.

Ardents, tumultueux, privés d’expérience,

Ils portaient au combat leur superbe imprudence :

Orgueilleux de leur pompe, et fiers d’un camp nombreux,

Sans ordre ils s’avançaient d’un pas impétueux.

 

D’un éclat différent mon camp frappait leur vue :

Mon armée, en silence à leurs yeux étendue,

N’offrait de tous côtés que farouches soldats,

Endurcis aux travaux, vieillis dans les combats,

Accoutumés au sang, et couverts de blessures :

Leur fer et leurs mousquets composaient leurs parures.

Comme eux vêtu sans pompe, armé de fer comme eux,

Je conduisais aux coups leurs escadrons poudreux ;

Comme eux, de mille morts affrontant la tempête,

Je n’étais distingué qu’en marchant à leur tête.

Je vis nos ennemis vaincus et renversés,

Sous nos coups expirants, devant nous dispersés :

A regret dans leur sein j’enfonçais cette épée,

Qui du sang espagnol eût été  mieux trempée.

 

Il le faut avouer, parmi ces courtisans

Que moissonna le fer en la fleur de leurs ans ;

Aucun ne fut percé que de coups honorables :

Tous fermes dans leur poste, et tous inébranlables,

Ils voyaient devant eux avancer le trépas,

Sans détourner les yeux, sans reculer d’un pas.

Des courtisans français (3) tel est le caractère :

La paix n’amollit point leur valeur ordinaire ;

De l’ombre du repos ils volent aux hasards ;

Vils flatteurs à la cour, héros aux champs de Mars.

 

Pour moi, dans les horreurs d’une mêlée affreuse,

J’ordonnais, mais en vain, qu’on épargnât Joyeuse :

Je l’aperçus bientôt porté par des soldats,

Pâle, et déjà couvert des ombres du trépas.

Telle une tendre fleur, qu’un matin voit éclore

Des baisers de Zéphire et des pleurs de l’Aurore,

Brille un moment aux yeux et tombe, avant le temps,

Sous le tranchant du fer, ou sous l’effort des vents.

 

Mais pourquoi rappeler cette triste victoire ?

Que ne puis-je plutôt ravir à la mémoire

Les cruels monuments de ces affreux succès :

Mon bras n’est encor teint que du sang des Français :

Ma grandeur, à ce prix, n’a point pour moi de charmes,

Et mes lauriers sanglants sont baignés de mes larmes.

 

Ce malheureux combat ne fit qu’approfondir

L’abîme dont Valois voulait en vain sortir.

Il fut plus méprisé, quand on vit sa disgrâce ;

Paris fut moins soumis, la Ligue eut plus d’audace,

Et la gloire de Guise, aigrissant ses douleurs,

Ainsi que ses affronts redoubla ses malheurs.

Guise (4), dans Vimory, d’une main plus heureuse,

Vengea sur les Germains la perte de Joyeuse,

Accabla, dans Auneau, mes alliés surpris,

Et, couvert de lauriers, se montra dans Paris.

Ce vainqueur y parut comme un dieu tutélaire.

Valois fit triompher son superbe adversaire,

Qui, toujours insultant à ce prince abattu,

Semblait l’avoir servi moins que l’avoir vaincu.

 

La honte irrite enfin le plus faible courage :

L’insensible Valois ressentit cet outrage ;

Il voulut, d’un sujet réprimant la fierté,

Essayer dans Paris sa faible autorité :

Il n’en était plus temps ; la tendresse et la crainte

Pour lui dans tous les cœurs était alors éteinte :

Son peuple audacieux, prompt à se mutiner,

Le prit pour un tyran dès qu’il voulut régner.

On s’assemble, on conspire, on répand des alarmes ;

Tout bourgeois est soldat, tout Paris est en armes ;

Mille remparts naissants, qu’un instant a formés,

Menacent de Valois les gardes enfermés.

 

Guise (5), tranquille et fier au milieu de l’orage,

Précipitait du peuple ou retenait la rage,

De la sédition gouvernait les ressorts,

Et faisait à son gré mouvoir ce vaste corps.

Tout le peuple au palais courait avec furie :

Si Guise eût dit un mot, Valois était sans vie ;

Mais, lorsque d’un coup d’œil il pouvait l’accabler,

Il parut satisfait de l’avoir fait trembler ;

Et, des mutins lui-même arrêtant la poursuite,

Lui laissa par pitié le pouvoir de la fuite.

Enfin Guise attenta, quel que fût son projet,

Trop peu pour un tyran, mais trop pour un sujet.

Quiconque a pu forcer son monarque à le craindre

A tout à redouter, s’il ne veut tout enfreindre.

Guise, en ses grands desseins dès ce jour affermi,

Vit qu’il n’était plus temps d’offenser à demi,

Et qu’élevé si haut, mais sur un précipice,

S’il ne montait au trône, il marchait au supplice.

Enfin, maître absolu d’un peuple révolté,

Le cœur plein d’espérance et de témérité,

Appuyé des Romains, secouru des Ibères,

Adoré des Français, secondé de ses frères,

Ce sujet (6) orgueilleux crut ramener ces temps

Où de nos premiers rois les lâches descendants,

Déchus presque en naissant de leur pouvoir suprême,

Sous un froc odieux cachaient leur diadème,

Et, dans l’ombre d’un cloître en secrets gémissants,

Abandonnaient l’empire aux mains de leurs tyrans.

 

Valois, qui cependant différait sa vengeance,

Tenait alors dans Blois les états de la France.

Peut-être on vous a dit quels furent ces états :

On proposa des lois qu’on n’exécuta pas ;

De mille députés l’éloquence stérile

Y fit de nos abus un détail inutile ;

Car de tant de conseils l’effet le plus commun

Est de voir tous nos maux sans en soulager un.

 

Au milieu des états, Guise avec arrogance

De son prince offensé vint braver la présence,

S’assit auprès du trône, et sûr de ses projets,

Crut dans ces députés voir autant de sujets.

Déjà leur troupe indigne, à son tyran vendue,

Allait mettre en ses mains la puissance absolue,

Lorsque, las de le craindre, et las de l’épargner,

Valois voulut enfin se venger et régner.

Son rival, chaque jour, soigneux de lui déplaire,

Dédaigneux ennemi, méprisait sa colère,

Ne soupçonnant pas même, en ce prince irrité,

Pour un assassinat assez de fermeté.

Son destin l’aveuglait, son heure était venue :

Le roi le fit lui-même immoler à sa vue.

De cent coups de poignard indignement percé (7),

Son orgueil, en mourant, ne fut point abaissé ;

Et ce front, que Valois craignait encor peut-être,

Tout pâle et tout sanglant semblait braver son maître.

C’est ainsi que mourut ce sujet tout-puissant,

De vices, de vertus assemblage éclatant.

Le roi, dont il ravit l’autorité suprême,

Le souffrît lâchement, et s’en vengea de même.

 

Bientôt ce bruit affreux se répand dans Paris.

Le peuple épouvanté remplit l’air de ces cris.

Les vieillards désolés, les femmes éperdues,

Vont du malheureux Guise embrasser les statues.

Tout Paris croit avoir, en ce pressant danger,

L’Eglise à soutenir, et son père à venger.

De Guise, au milieu d’eux, le redoutable frère,

Mayenne, à la vengeance anime leur colère ;

Et, plus par intérêt que par ressentiment,

Il allume en cent lieux ce grand embrasement.

 

Mayenne (8), dès longtemps nourri dans les alarmes,

Sous le superbe Guise avait porté les armes.

Il succède à sa gloire, ainsi qu’à ses desseins ;

Le sceptre de la Ligue a passé dans ses mains.

Cette grandeur sans borne, à ses désirs si chère,

Le console aisément de la perte d’un frère (9) :

Il servait à regret ; et Mayenne aujourd’hui

Aime mieux le venger que de marcher sous lui.

Mayenne a, je l’avoue, un courage héroïque ;

Il sait, par une heureuse et sage politique,

Réunir sous ses lois mille esprits différents,

Ennemis de leur maître, esclaves des tyrans :

Il connaît leurs talents, il sait en faire usage ;

Souvent du malheur même il tire un avantage.

Guise avec plus d’éclat éblouissait les yeux,

Fut plus grand, plus héros, mais non plus dangereux.

Voilà quel est Mayenne, et quelle est sa puissance.

Autant la Ligue altière espère en sa prudence,

Autant le jeune Aumale (10) au cœur présomptueux

Répand dans les esprits son courage orgueilleux.

D’Aumale est du parti le bouclier terrible ;

Il a jusqu’aujourd’hui le titre d’invincible :

Mayenne, qui le guide au milieu des combats,

Est l’âme de la Ligue, et l’autre en est le bras.

 

Cependant des Flamands l’oppresseur politique,

Ce voisin dangereux, ce tyran catholique ;

Ce roi, dont l’artifice est le plus grand soutien ;

Ce roi, votre ennemi, mais plus encor le mien,

Philippe (11), de Mayenne embrassant la querelle,

Soutient de nos rivaux la cause criminelle ;

Et Rome (12), qui devait étouffer tant de maux,

Rome de la discorde allume les flambeaux :

Celui qui des chrétiens se dit encor le père

Met aux mains de ses fils un glaive sanguinaire.

 

Des deux bouts de l’Europe, à mes regards surpris,

Tous les malheurs ensemble accourent dans Paris.

Enfin, roi sans sujets, poursuivi sans défense,

Valois s’est vu forcé d’implorer ma puissance.

Il m’a cru généreux, et ne s’est point trompé :

Des malheurs de l’Etat mon cœur s’est occupé ;

Un danger si pressant a fléchi ma colère ;

Je n’ai plus, dans Valois, regardé qu’un beau-frère :

Mon devoir l’ordonnait, j’en ai subi la loi ;

Et roi j’ai défendu l’autorité d’un roi.

Je suis venu vers lui sans traité, sans otage (13) :

Votre sort, ai-je dit, est dans votre courage ;

Venez mourir ou vaincre aux remparts de Paris.

Alors un noble orgueil a rempli ses esprits :

Je ne me flatte point d’avoir pu dans son âme

Verser, par mon exemple, une si belle flamme ;

Sa disgrâce a sans doute éveillé sa vertu :

Il gémit du repos qui l’avait abattu.

Valois avait besoin d’un destin si contraire ;

Et souvent l’infortune aux rois est nécessaire. »

 

Tels étaient de Henri les sincères discours.

Des Anglais cependant il presse le secours :

Déjà du haut des murs de la ville rebelle

La voix de la victoire en son camp le rappelle ;

Mille jeunes Anglais vont bientôt, sur ses pas,

Fendre le sein des mers, et chercher les combats.

 

Essex (14) est à leur tête, Essex dont la vaillance

A des fiers Castillans confondu la prudence,

Et qui ne croyait pas qu’un indigne destin

Dût flétrir les lauriers qu’avait cueillis sa main.

Henri ne l’attend point : ce chef que rien n’arrête,

Impatient de vaincre, à son départ s’apprête.

« Allez, lui dit la reine ; allez digne héros ;

Mes guerriers sur vos pas traverseront les flots.

Non, ce n’est point Valois, c’est vous qu’ils veulent suivre ;

A vos soins généreux mon amitié les livre :

Au milieu des combats vous les verrez courir,

Plus pour vous imiter que pour vous secourir.

Formés par votre exemple au grand art de la guerre,

Ils apprendront sous vous à servir l’Angleterre.

Puisse bientôt la Ligue expirer sous vos coups !

L’Espagne sert Mayenne, et Rome est contre vous :

Allez vaincre l’Espagne, et songez qu’un grand homme

Ne doit point redouter les vains foudres de Rome.

Allez des nations venger la liberté ;

De Sixte et de Philippe (15) abaissez la fierté.

 

Philippe, de son père héritier tyrannique,

Moins grand, moins courageux, et non moins politique,

Divisant ses voisins pour leur donner des fers,

Du fond de son palais croit dompter l’univers.

 

Sixte (16), au trône élevé du sein de la poussière,

Avec moins de puissance, a l’âme encor plus fière :

Le pâtre de Montalte est le rival des rois ;

Dans Paris comme à Rome il veut donner des lois ;

Sous le pompeux éclat d’un triple diadème,

Il pense asservir tout, jusqu’à Philippe même.

Violent, mais adroit, dissimulé, trompeur,

Ennemi des puissants, des faibles oppresseur,

Dans Londres, dans ma cour, il a formé des brigues,

Et l’univers, qu’il trompe, est plein des ses intrigues.

 

Voilà les ennemis que vous devez braver.

Contre moi l’un et l’autre osèrent s’élever :

L’un, combattant en vain l’Anglais et les orages,

Fit voir à l’Océan (17) sa fuite et ses naufrages ;

Du sang de ses guerriers ce bord est encor teint :

L’autre se tait dans Rome, et m’estime, et me craint.

 

Suivez donc, à leurs yeux, votre noble entreprise.

Si Mayenne est compté, Rome sera soumise ;

Vous seul pouvez régler sa haine ou ses faveurs.

Inflexible aux vaincus, complaisante aux vainqueurs,

Prête à vous condamner, facile à vous absoudre,

C’est à vous d’allumer ou d’éteindre sa foudre. »

 

 LA HENRIADE - CHANT TROIS - Partie 2

 

1 – Anne, duc de Joyeuse, donna la bataille de Coutras contre Henri IV, alors roi de Navarre, le 20 Octobre 1587. On comparait son armée à celle de Darius, et l’armée de Henri IV à celle d’Alexandre. Joyeuse fut tué dans la bataille par deux capitaines d’infanterie nommés Bordeaux et Descentiers. (1730.) (Voltaire.)

 

2 – Il avait épousé la sœur de la femme de Henri III. Dans son ambassade à Rome, il fut traité comme frère du roi. Il avait un cœur digne de sa grande fortune. Un jour, ayant fait attendre trop longtemps les deux secrétaires d’Etat dans l’antichambre du roi, il leur en fit ses excuses en leur abandonnant un don de cent mille écus que le roi venait de lui faire. (1730.) (Voltaire.)

 

3 – Ce vers rappelle celui de Zaïre, si souvent répété en plaisantant : (G.A.)

 

Des chevaliers français tel est le caractère.

 

4 – Dans le même temps que l’armée du roi était battue à Coutras, le duc de Guise faisait des actions d’un très habile général contre une armée nombreuse de reîtres venus au secours de Henri IV, et après les avoir harcelés et fatigués longtemps, il les défit au village d’Auneau. (1730.) (Voltaire.)

 

5 – Le duc de Guise, à cette journée des Barricades, se contenta de renvoyer à Henri III ses gardes, après les avoir désarmés. (1730.)

 

6 – Le cardinal de Guise, l’un des frères du duc de Guise, avait dit plus d’une fois qu’il ne mourrait jamais content qu’il n’eût tenu la tête du roi entre ses jambes, pour lui faire une couronne de moine. Madame de Montpensier, sœur des Guises, voulait qu’on se servît de ses ciseaux pour ce saint usage. Tout le monde connaît la devise de Henri III ; c’étaient trois couronnes avec ces mots : Manet ultima cœlo, auxquels les ligueurs substituèrent ceux-ci : Manet ultima claustro. On connaît aussi ces deux vers latins, qu’on afficha aux portes du Louvre :

 

Qui dedit ante duas, nuam abstulit ; altera nutat ;

Tertia tonsoris est facienda manu.

 

En voici une traduction que l’auteur a lue dans les manuscrits de feu M. le président de Mesmes (1723.) (Voltaire.) :

 

Valois, qui les dames n’aime,

Deux couronnes posséda :

Bientôt sa prudence extrême

Des deux l’une lui ôta.

L’autre va tombant de même,

Grâce à ses heureux travaux.

Une paire de ciseaux

Lui baillera la troisième.

 

7 – Le duc de Guise fut tué le vendredi 23 Décembre 1588, à huit heures du matin. Les historiens disent qu’il lui prit une faiblesse dans l’antichambre du roi, parce qu’il avait passé la nuit avec une femme de la cour : c’était madame de Noirmoutier, selon la tradition. Tous ceux qui ont écrit la relation de cette mort disent que ce prince, dès qu’il fut entré dans la chambre du conseil, commença à soupçonner son malheur par les mouvements qu’il aperçut. D’Aubigné rapporte qu’il rencontra d’abord dans cette chambre d’Espinac, archevêque de Lyon, son confident. Celui-ci, qui en même temps se douta de quelque chose, lui dit, en présence de Larchant, capitaine des gardes, à propos d’un habit neuf que le duc portait : « Cet habit est bien léger au temps qui court ; vous en auriez dû prendre un plus fourré. » Ces paroles, prononcées avec un air de crainte, confirmèrent celles du duc. Il entra cependant par une petite allée dans la chambre du roi, qui conduisait à un cabinet dont le roi avait fait condamner la porte. Le duc, ignorant que la porte fût murée, lève, pour entrer, la tapisserie qui la couvrait : dans le moment, plusieurs de ces Gascons qu’on nommait les Quarante-cinq le percent avec des poignards que le roi leur avait distribués lui-même.

 

Les assassins étaient La Bastide, Monsivry, Saint-Malin, Saint-Gaudin, Saint-Caputel, Halfrenas, Herbelade, avec Lognac, leur capitaine. Monsivry fut celui qui donna le premier coup ; il fut suivi de Lognac, de La Bastide, de Saint-Malin, etc., qui se jetèrent en même temps sur le duc.

 

On montre encore dans le château de Blois une pierre de la muraille contre laquelle il s’appuya en tombant, et qui fut la première teinte de son sang. Quelques Lorrains, en passant par Blois, ont baisé cette pierre ; et, la râclant avec un couteau, en ont emporté précieusement la poussière.

 

On ne parle point, dans le poème, de la mort du cardinal de Guise qui fut aussi tué à Blois ; il est aisé d’en voir la raison : c’est que le détail de l’histoire ne convient point à l’unité du poème, parce que l’intérêt diminue à mesure qu’il se partage.

 

C’est par cette raison que l’on n’a point parlé du prince de Condé dans la bataille de Coutras, afin de n’arrêter les yeux du lecteur que sur Henri IV. (1723.) (Voltaire.)

 

8 – Le duc de Mayenne, frère puîné du Balafré, tué à Blois, avait été longtemps jaloux de la réputation de son aîné. Il avait toutes les grandes qualités de son frère, à l’activité près. (1730.) (Voltaire.)

 

9 – On lit dans la grande histoire de Mézeray, que le duc de Mayenne fut soupçonné d’avoir écrit une lettre au roi où il l’avertissait de se défier de son frère. Ce seul soupçon suffit pour autoriser le caractère qu’on donne ici au duc de Mayenne, caractère naturel à un ambitieux, et surtout à un chef de parti. (1723.) (Voltaire.)

 

10 – Le chevalier d’Aumale, frère du duc d’Aumale, de la maison de Lorraine, jeune homme impétueux, qui avait des qualités brillantes, qui était toujours à la tête des sorties pendant le siège de Paris, et inspirait aux habitants sa valeur et sa confiance. (1730.) (Voltaire.)

 

11 – Philippe II, roi d’Espagne, fils de Charles-Quint. On l’appelait le démon du Midi, DÆMONIUM MERIDIANUM, parce qu’il troublait toute l’Europe, au midi de laquelle l’Espagne est située. Il envoya de puissants secours à la Ligue, dans le dessein de faire tomber la couronne de France à l’infante Claire-Eugénie, ou à quelque prince de sa famille. (1730.) (Voltaire.)

 

12 – La cour de Rome, gagnée par les Guises, et soumise alors à l’Espagne, fit ce qu’elle put pour ruiner la France. Grégoire XIII secourut la Ligue d’hommes et d’argent ; et Sixte-Quint commença son pontificat par les excès les plus grands, et heureusement les plus inutiles, contre la maison royale, comme on peut voir aux remarques sur le premier chant. (1730.) (Voltaire.)

 

13 – Henri IV, alors roi de Navarre, eut la générosité d’aller à Tours voir Henri III, suivi d’un page seulement, malgré les défiances et les prières de ses vieux officiers, qui craignaient pour lui une seconde Saint-Barthélemy. (1730.) (Voltaire.)

 

14 – Robert d’Evreux, comte d’Essex, fameux par la prise de Cadix sur les Espagnols, par la tendresse d’Elisabeth pour lui, et par sa mort tragique arrivée en 1601. Il avait pris Cadix sur les Espagnols, et les avait battus plus d’une fois sur mer. La reine Elisabeth l’envoya effectivement en France en 1590, au secours de Henri IV, à la tête de cinq mille hommes. (1730.) (Voltaire.)

 

15 – Sixte-Quint, pape, avait osé excommunier le roi de France et surtout Henri IV, alors roi de Navarre.

 

Philippe II, roi d’Espagne, grand protecteur de la Ligue. (1723.) (Voltaire.)

 

16 – Sixte-Quint, né aux Grottes, dans la Marche d’Ancône, d’un pauvre vigneron nommé Peretti ; homme dont la turbulence égala la dissimulation. Etant cordelier, il assomma de coups le neveu de son provincial, et se brouilla avec tout l’ordre. Inquisiteur à Venise, il y mit le trouble, et fut obligé de s’enfuir. Etant cardinal, il composa en latin la bulle d’excommunication lancée par le pape Pie V contre la reine Elisabeth. Cependant il estimait cette reine, et l’appelait UN GRAND CERVELLO DI PRINCIPESSA. (1730.) (Voltaire.)

 

17 – Cet événement était tout récent ; car Henri IV est supposé voir secrètement Elisabeth en 1589 ; et c’était l’année précédente que la grande flotte de Philippe II, destinée pour la conquête de l’Angleterre, fut battue par l’amiral Drake, et dispersée par la tempête. (1730.)

 

On a fait, dans un journal de Trévoux, une critique spécieuse de cet endroit. Ce n’est pas, dit-on, à la reine Elisabeth de croire que Rome est complaisante pour les puissances, puisque Rome avait osé excommunier son père.

 

Mais le critique ne songeait pas que le pape n’avait excommunié le roi d’Angleterre, Henri VII, que parce qu’il craignait davantage l’empereur Charles-Quint (1737.). Ce n’est pas la seule faute qui soit dans cet extrait de Trévoux, dont l’auteur est désavoué et condamné par la plupart de ses confrères, a mis dans ses censures peut-être plus d’injures que de raisons. (1746.) (Voltaire.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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