EPITRE : A M. le maréchal de Villars

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A M. LE MARÉCHAL DE VILLARS

 

 

 

– 1721 –

 

 

 

 

 

 

 

Je me flattais de l’espérance

D’aller goûter quelque repos

Dans votre maison de plaisance ;

Mais Vinache (1) a ma confiance,

Et j’ai donné la préférence

Sur le plus grand de nos héros

Au plus grand charlatan de Franco.

Ce discours vous déplaira fort ;

Et je confesse que j’ai tort

De parler du soin de ma vie

A celui qui n’eut d’autre envie

Que de chercher partout la mort.

Mais souffrez que je vous réponde,

Sans m’attirez votre courroux,

Que j’ai plus de raisons que vous

De vouloir rester dans ce monde :

Car si quelque coup de canon,

Dans vos beaux jours brillants de gloire,

Vous eût envoyé chez Pluton,

Voyez la consolation

Que vous auriez dans la nuit noire,

Lorsque vous sauriez la façon

Dont vous aurait traité l’histoire !

 

Paris vous eût premièrement

Fait un service fort célèbre,

En présence du parlement ;

Et quelque prélat ignorant

Aurait prononcé hardiment

Une longue oraison funèbre,

Qu’il n’eût pas faite assurément.

Puis en vertueux capitaine,

On vous aurait proprement mis

Dans l’église de Saint-Denys,

Entre Duguesclin et Turenne.

 

Mais si quelque jour moi chétif,

J’allais passer le noir esquif,

Je n’aurais qu’une vile bière ;

Deux prêtres s’en iraient gaiement

Porter ma figure légère,

Et la loger mesquinement

Dans un recoin du cimetière.

Mes nièces, au lieu de prière,

Et mon janséniste de frère (2),

Riraient à mon enterrement ;

Et j’aurais l’honneur seulement

Que quelque muse médisante

M’affublerait, pour monument,

D’une épitaphe impertinente.

Vous voyez donc très clairement

Qu’il est bon que je me conserve,

Pour être encor témoin longtemps

De tous les exploits éclatants

Que le Seigneur Dieu vous réserve (3).

 

 

 EPITRE-A M. LE MARECHAL DE VILLARDS

 

 

 

1 – Médecin empirique. (1742)

 

2 – L’auteur avait un frère, trésorier de la chambre des comptes qui était en effet un janséniste outré, et qui se brouillait toujours avec son frère toutes les fois que celui-ci disait du bien des jésuites. (1748)

 

3 – M. Sainte-Beuve a reproduit dans ses Causeries du lundi,, la charmante réponse du maréchal à cette épître. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

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