DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : G comme GOUT - Partie 1

Publié le par loveVoltaire

G comme GOUT - Partie 1

 

Photo de Khalah

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

G comme GOÛT.

 

 

 

SECTION PREMIÈRE

 

 

 

 

(1)

 

 

 

 

 

         Le goût, ce sens, ce don de discerner nos aliments, a produit dans toutes les langues connues la métaphore qui exprime, par le mot goût, le sentiment des beautés et des défauts dans tous les arts : c’est un discernement prompt, comme celui de la langue et du palais, et qui prévient comme lui la réflexion ; il est, comme lui, sensible et voluptueux à l’égard du bon ; il rejette comme lui, le mauvais avec soulèvement ; il est souvent, comme lui, incertain et égaré, ignorant même si ce qu’on lui présente doit lui plaire, et ayant quelquefois besoin, comme lui, d’habitude pour se former.

 

         Il ne suffit pas, pour le goût, de voir, de connaître la beauté d’un ouvrage ; il faut la sentir, en être touché. Il ne suffit pas de sentir, d’être touché d’une manière confuse ; il faut démêler les différentes nuances. Rien ne doit échapper à la promptitude du discernement ; et c’est encore une ressemblance de ce goût intellectuel, de ce goût des arts, avec le goût sensuel : car le gourmet sent et reconnaît promptement le mélange de deux liqueurs ; l’homme de goût, le connaisseur, verra d’un coup d’œil prompt le mélange de deux styles ; il verra un défaut à côté d’un agrément ; il sera saisi d’enthousiasme à ce vers des Horaces :

 

 

Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ! − Qu’il mourût !

 

 

il sentira un dégoût involontaire au vers suivant :

 

 

Ou qu’un beau désespoir alors le secourût.

 

Acte III, scène VI.

 

 

         Comme le mauvais goût, au physique, consiste à n’être flatté que par des assaisonnements trop piquants et trop recherchés, ainsi le mauvais goût dans les arts est de ne se plaire qu’aux ornements étudiés, et de ne pas sentir la belle nature.

 

         Le goût dépravé dans les aliments est de choisir ceux qui dégoûtent les autres hommes ; c’est une espèce de maladie. Le goût dépravé dans les arts est de se plaire à des sujets qui révoltent les esprits bien faits, de préférer le burlesque au noble, le précieux et l’affecté au beau simple et naturel : c’est une maladie de l’esprit. On se forme le goût des arts beaucoup plus que le goût sensuel ; car dans le goût physique, quoiqu’on finisse quelquefois par aimer les choses pour lesquelles on avait d’abord de la répugnance, cependant la nature n’a pas voulu que les hommes, en général, apprissent à sentir ce qui leur est nécessaire. Mais le goût intellectuel demande plus de temps pour se former. Un jeune homme sensible, mais sans aucune connaissance, ne distingue point d’abord les parties d’un grand chœur de musique ; ses yeux ne distinguent point d’abord dans un tableau les gradations, le clair-obscur, la perspective, l’accord des couleurs, la correction du dessin ; mais peu à peu ses oreilles apprennent à entendre, et ses yeux à voir : il sera ému à la première représentation qu’il verra d’une belle tragédie ; mais il n’y démêlera ni le mérite des unités, ni cet art délicat par lequel aucun personnage n’entre ni ne sort sans raison, ni cet art encore plus grand qui concentre des intérêts divers dans un seul, ni enfin les autres difficultés surmontées. Ce n’est qu’avec de l’habitude et les réflexions qu’il parvient à sentir tout d’un coup avec plaisir ce qu’il ne démêlait pas auparavant. Le goût se forme insensiblement dans une nation qui n’en avait pas, parce qu’on y prend peu à peu l’esprit des bons artistes. On s’accoutume à voir des tableaux avec les yeux de Le Brun, du Poussin, de Le Sueur. On entend la déclamation notée des scènes de Quinaut, avec l’oreille de Lulli ; et les airs et les symphonies, avec celle de Rameau. On lit les livres avec l’esprit des bons auteurs.

 

         Si toute une nation s’est réunie, dans les premiers temps de la culture des beaux-arts, à aimer des auteurs pleins de défauts, et méprisés avec le temps, c’est que ces auteurs avaient des beautés naturelles que tout le monde sentait, et qu’on n’était pas encore à portée de démêler leurs imperfections. Ainsi Lucilius fut chéri des Romains avant qu’Horace l’eût fait oublier ; Régnier fut goûté des Français avant que Boileau parût : et si des auteurs anciens, qui bronchent à chaque pas, ont pourtant conservé leur grande réputation, c’est qu’il ne s’est point trouvé d’écrivain pur et châtié chez ces nations qui leur ait dessillé les yeux, comme il s’est trouvé un Horace chez les Romains, un Boileau chez les Français.

 

         On dit qu’il ne faut point disputer des goûts ; et on a raison, quand il n’est question que du goût sensuel, de la répugnance qu’on a pour une certaine nourriture, de la préférence qu’on donne à une autre : on n’en dispute point, parce qu’on ne peut corriger un défaut d’organes. Il n’en est pas de même dans les arts : comme ils ont des beautés réelles, il y a un bon goût qui les discerne, et un mauvais goût qui les ignore ; et on corrige souvent le défaut d’esprit qui donne un goût de travers. Il y a aussi des âmes froides, des esprits faux, qu’on ne peut ni échauffer ni redresser ; c’est avec eux qu’il ne faut point disputer des goûts, parce qu’ils n’en ont point.

 

         Le goût est arbitraire dans plusieurs choses, comme dans les étoffes, dans les parures, dans les équipages, dans ce qui n’est pas au rang des beaux-arts ; alors il mérite plutôt le nom de fantaisie : c’est la fantaisie plutôt que le goût qui produit tant de modes nouvelles.

 

         Le goût peut se gâter chez une nation ; ce malheur arrive d’ordinaire après les siècles de perfection. Les artistes, craignant d’être imitateurs, cherchent des routes écartées ; ils s’éloignent de la belle nature, que leurs prédécesseurs ont saisie : il y a du mérite dans leurs efforts ; ce mérite couvre leurs défauts. Le public amoureux des nouveautés, court après eux ; il s’en dégoûte, et il en paraît d’autres qui font de nouveaux efforts pour plaire ; ils s’éloignent de la nature encore plus que les premiers : le goût se perd ; on est entouré de nouveautés qui sont rapidement effacées les unes par les autres ; le public ne sait plus où il en est, et il regrette en vain le siècle du bon goût, qui ne peut plus revenir : c’est un dépôt que quelques bons esprits conservent encore loin de la foule.

 

         Il est de vastes pays où le goût n’est jamais parvenu : ce sont ceux où la société ne s’est point perfectionnée ; où les hommes et les femmes ne se rassemblent point ; où certains arts, comme la sculpture, la peinture des êtres animés, sont défendus par la religion. Quand il y a peu de société, l’esprit est rétréci, sa pointe s’émousse, il n’a pas de quoi se former le goût. Quand plusieurs beaux-arts manquent, les autres ont rarement de quoi se soutenir, parce que tous se tiennent par la main et dépendent les uns des autres. C’est une des raisons pourquoi les Asiatiques n’ont jamais eu d’ouvrages bien faits presque en aucun genre, et que le goût n’a été le partage que de quelques peuples de l’Europe.

 

 

 

 

 

SECTION II.

 

 

 

 

         Y a-t-il un bon et un mauvais goût ? oui, sans doute, quoique les hommes diffèrent d’opinions, de mœurs, d’usages.

 

         Le meilleur goût en tout genre est d’imiter la nature avec le plus de fidélité, de force, et de grâce.

 

         Mais la grâce n’est-elle pas arbitraire ? non, puisqu’elle consiste à donner aux objets qu’on représente de la vie et de la douceur.

 

         Entre deux hommes dont l’un sera grossier, l’autre délicat, on convient assez que l’un a plus de goût que l’autre.

 

         Avant que le bon temps fût venu, Voiture, qui, dans sa manie de broder des riens, avait quelquefois beaucoup de délicatesse et d’agrément, écrit au grand Condé sur sa maladie :

 

 

Commencez doncques à songer

Qu’il importe d’être et de vivre ;

Pensez mieux à vous ménager ;

Quel charme a pour vous le danger,

Que vous aimiez tant à le suivre ?

Si vous aviez, dans les combats,

D’Amadis l’armure enchantée,

Comme vous en avez le bras

Et la vaillance tant vantée,

De votre ardeur précipitée,

Seigneur, je ne me plaindrais pas.

Mais en nos siècles où les charmes

Ne font pas de pareilles armes ;

Qu’on voit que le plus noble sang,

Fût-il d’Hector ou d’Alexandre,

Est aussi facile à répandre

Que l’est celui du plus bas rang ;

Que d’une force sans seconde

La Mort sait ses traits élancer ;

Et qu’un peu de plomb peut casser

La plus belle tête du monde (1) ;

Qui l’a bonne y doit regarder.

Mais une telle que la vôtre

Ne se doit jamais hasarder.

Pour votre bien et pour le nôtre,

Seigneur, il vous la faut garder…

Quoi que votre esprit se propose,

Quand votre course sera close,

On vous abandonnera fort.

Et, seigneur, c’est fort peu de chose

Qu’un demi-dieu quand il est mort.

 

 

Epître à monsieur le Prince, sur son retour d’Allemagne en 1768.

 

 

         Ces vers passent encore aujourd’hui pour être pleins de goût, et pour être les meilleurs de Voiture.

 

         Dans le même temps, L’Estoile, qui passait pour un génie ; L’Estoile, l’un des cinq auteurs qui travaillaient aux tragédies du cardinal de Richelieu ; L’Estoile, l’un des juges de Corneille, faisait ces vers qui sont imprimés à la suite de Malherbe et de Racan :

 

 

Que j’aime en tout temps la taverne !

Que librement je m’y gouverne !

Elle n’a rien d’égal à soi.

J’y vois tout ce que j’y demande ;

Et les torchons y sont pour moi

De fine toile de Hollande.

 

 

 

         Il n’est point de lecteur qui ne convienne que les vers de Voiture sont d’un courtisan qui a le bon goût en partage, et ceux de L’Estoile d’un homme grossier sans esprit.

 

         C’est dommage qu’on puisse dire de Voiture : Il eut du goût cette fois-là. Il n’y a certainement qu’un goût détestable dans plus de mille vers pareils à ceux-ci :

 

 

Quand nous fûmes dans Etampe,

Nous parlâmes fort de vous ;

J’en soupirai quatre coups,

Et j’en eus la goutte crampe.

Etampe et crampe vraiment

Riment admirablement.

 

 

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

 

 

Nous trouvâmes près Cercote

(Cas étrange et vrai pourtant)

Des bœufs qu’on voyait broutant

Dessus le haut d’une motte,

Et plus bas quelques cochons

Et bon nombre de moutons, etc.

 

 

VOITURE, chanson sur l’air du Branle de Metz.

 

 

         La fameuse Lettre de la carpe au brochet, et qui lui fit tant de réputation, n’est-elle pas une plaisanterie trop poussée, trop longue, et en quelques endroits trop peu naturelle ? n’est-ce pas un mélange de finesse et de grossièreté, de vrai et de faux ? Fallait-il dire au grand Condé, nommé le brochet dans une société de la cour, qu’à son nom « les baleines du nord suaient à grosses gouttes, » et que les gens de l’empereur pensaient le frire et le manger avec un grain de sel ?

 

         Est-ce un bon goût d’écrire tant de lettres, seulement pour montrer un peu de cet esprit qui consiste en jeux de mots et en pointes ?

 

         N’est-on pas révolté quand Voiture dit au grand Condé, sur la prise de Dunkerque : « Je crois que vous prendriez la lune avec les dents ? »

 

         Il semble que ce faux goût fut inspiré à Voiture par le Marini  (3), qui était venu en France avec la reine Marie de Médicis. Voiture et Costar le citent très souvent dans leurs lettres comme un modèle. Ils admirent sa description de la rose fille d’avril, vierge et reine, assise sur un trône épineux, tenant majestueusement le sceptre des fleurs, ayant pour courtisans et pour ministres la famille lascive des zéphyrs, et portant la couronne d’or et le panneau d’écarlate.

 

 

Bella figlia d’aprile,

Verginella e reina,

Su lo spinoso trono

Del verde cespo assisa,

De’ fior lo scettro in maestà sostiene ;

E corteggiata intorno

Da lasciva famiglia

Di Zefiri ministri,

Porta d’or’ la corona e d’ostro il manto.

 

 

         Voiture cite avec complaisance, dans sa trente-cinquième lettre à Costar, l’atome sonnant du Marini, la voix emplumée, le souffle vivant vêtu de plumes, la plume sonore, le chant ailé, le petit esprit d’harmonie caché dans de petites entrailles, et tout cela pour dire un rossignol :

 

 

Una voce pennuta, un suon volante,

E vestito di penne, un vivo fiato,

Una piuma canora, un canto alato,

Un spiritel che d’armonia composto

Vive in si anguste viscere nascosto.

 

 

         Balzac avait un mauvais goût tout contraire ; il écrivait des lettres familières avec une étrange emphase. Il écrit au cardinal de La Valette que, ni dans le désert de la Libye, ni dans les abîmes de la mer, il n’y eut jamais un si furieux monstre que la sciatique ; et que si les tyrans dont la mémoire nous est odieuse eussent eu tels instruments de leur cruauté, c’eût été la sciatique que les martyrs eussent endurée pour la religion.

 

         Ces exagérations emphatiques, ces longues périodes mesurées, si contraires au style épistolaire, ces déclamations fastidieuses, hérissées de grec et de latin, au sujet de deux sonnets assez médiocres qui partageaient la cour et la ville, et sur la pitoyable tragédie d’Hérode infanticide ; tout cela était d’un temps où le goût n’était pas encore formé. Cinna même et les Lettres provinciales, qui étonnèrent la nation, ne la dérouillèrent pas encore.

 

         Les connaisseurs distinguent surtout dans le même homme le temps où son goût était formé, celui où il acquit sa perfection, celui où il tomba en décadence. Quel homme d’un esprit un peu cultivé ne sentira pas l’extrême différence des beaux morceaux de Cinna, et de ceux du même auteur dans ses vingt dernières tragédies ?

 

 

Dis-moi donc, lorsque Othon s’est offert à Camille,

A-t-il été contraint ? a-t-elle été facile ?

Son hommage auprès d’elle a-t-il eu plein effet ?

Comment l’a-t-elle pris, et comment l’a-t-il fait ?

 

 

 

         Est-il parmi les gens de lettres quelqu’un qui ne reconnaisse le goût perfectionné de Boileau dans son Art poétique, et son goût non encore épuré dans sa Satire sur les embarras de Paris, où il peint des chats dans les gouttières ?

 

 

L’un miaule en grondant comme un tigre en furie,

L’autre roule sa voix comme un enfant qui crie,

Ce n’est pas tout encor, les souris et les rats

Semblent pour m’éveiller s’entendre avec les chats.

 

 

                                                                                     Satire, VI, 7.

 

 

         S’il avait vécu alors dans la bonne compagnie, elle lui aurait conseillé d’exercer son talent sur des objets plus dignes d’elle que des chats, des rats et des souris.

 

         Comme un artiste forme peu à peu son goût, une nation forme aussi le sien. Elle croupit des siècles entiers dans la barbarie ; ensuite il s’élève une faible aurore, enfin le grand jour paraît, après lequel on ne voit plus qu’un long et triste crépuscule.

 

         Nous convenons tous depuis longtemps que, malgré les soins de François Ier pour faire naître le goût des beaux-arts en France, ce bon goût ne put jamais s’établir que vers le siècle de Louis XIV ; et nous commençons à nous plaindre que le siècle présent dégénère.

 

         Les Grecs du Bas-Empire avouaient que le goût qui régnait du temps de Périclès était perdu chez eux. Les Grecs modernes conviennent qu’ils n’en ont aucun.

 

         Quintilien reconnaît que le goût des Romains commençait à se corrompre de son temps.

 

 

         Nous avons vu à l’article ART DRAMATIQUE combien Lope de Véga se plaignait du mauvais goût des Espagnols.

 

         Les Italiens s’aperçurent les premiers que tout dégénérait chez eux, quelque temps après leur immortel Seicento, et qu’ils voyaient périr la plupart des arts qu’ils avaient fait naître.

 

         Addison attaque souvent le mauvais goût de ses compatriotes dans plus d’un genre, soit quand il se moque de la statue d’un amiral en perruque carrée, soit quand il témoigne son mépris pour les jeux de mots employés sérieusement, ou quand il condamne des jongleurs introduits dans les tragédies.

 

         Si donc les meilleurs esprits d’un pays  conviennent que le goût a manqué en certains temps à leur patrie, les voisins peuvent le sentir comme les compatriotes ; et de même qu’il est évident que parmi nous tel homme a le goût bon et tel autre mauvais, il peut être évident aussi que de deux nations contemporaines, l’une a un goût rude et grossier, l’autre fin et naturel.

 

         Le malheur est que, quand on prononce cette vérité, on révolte la nation entière dont on parle, comme on cabre un homme de mauvais goût lorsqu’on veut le ramener.

 

         Le mieux est donc d’attendre que le temps et l’exemple instruisent une nation qui pèche par le goût. C’est ainsi que les Espagnols commencent à réformer leur théâtre, et que les Allemands essayent d’en former un.

 

 

 

 

 

DU GOÛT PARTICULIER D’UNE NATION.

 

 

 

         Il est des beautés de tous les temps et de tous les pays, mais il est aussi des beautés locales. L’éloquence doit être partout persuasive ; la douleur, touchante ; la colère, impétueuse ; la sagesse tranquille ; mais les détails qui pourront plaire à un citoyen de Londres pourront ne faire aucun effet sur un habitant de Paris ; les Anglais tireront plus heureusement leurs comparaisons, leurs métaphores de la marine, que ne feront des Parisiens, qui voient rarement des vaisseaux. Tout ce qui tiendra de près à la liberté d’un Anglais, à ses droits, à ses usages, fera plus d’impression sur lui que sur un Français.

 

         La température du climat introduira dans un pays froid et humide un goût d’architecture, d’ameublements, de vêtements, qui sera fort bon, et qui ne pourra être reçu à Rome, en Sicile.

 

         Théocrite et Virgile ont dû vanter l’ombrage et la fraîcheur des eaux dans leurs églogues : Thomson, dans sa description des saisons, aura dû faire des descriptions toutes contraires.

 

         Une nation éclairée, mais peu sociable, n’aura point les mêmes ridicules qu’une nation aussi spirituelle, mais livrée à la société jusqu’à l’indiscrétion ; et ces deux peuples conséquemment n’auront pas la même espèce de comédie.

 

         La poésie sera différente chez le peuple qui renferme les femmes, et chez celui qui leur accorde une liberté sans bornes.

 

         Mais il sera toujours vrai de dire que Virgile a mieux peint ses tableaux que Thomson n’a peint les siens, et qu’il y a eu plus de goût sur les bords du Tibre que sur ceux de la Tamise ; que les scènes naturelles du Pastor fido sont incomparablement supérieures aux bergeries de Racan ; que Racine et Molière sont des hommes divins à l’égard des auteurs des autres théâtres.

 

 

 

 G comme GOUT - Partie 1

 

 

1 – A paru dans l’Encyclopédie. Voyez GÉNIE. On fit suivre l’article de Voltaire d’un fragment sur le Goût, que Montesquieu avait destiné à l’Encyclopédie. L’on mit cette note : « La gloire de Montesquieu, fondée sur des ouvrages de génie, n’exigeait pas sans doute qu’on publiât ces fragments qu’il nous a laissés ; mais ils seront un témoignage éternel de l’intérêt que les grands hommes de la nation prirent à cet ouvrage ; et l’on dira dans les siècles à venir : Voltaire et Montesquieu eurent part aussi à l’Encyclopédie. » Ensuite venait un article de d’Alembert sur l’application de l’esprit philosophique aux matières de goût, avec une autre note où l’auteur s’excusait d’oser paraître à la suite de deux hommes tels que MM. de Voltaire et de Montesquieu. (G.A.)

 

2 – Voltaire a imité et embelli cette idée dans une épître au roi de Prusse (20 Avril 1741). (K.) − Voici les vers :

 

 

Songez que les boulets ne vous respectent guère,

Et qu’un plomb dans un tube, entassé par des sots,

Peut casser d’un seul coup la tête d’un héros,

Lorsque, multipliant son poids par la vitesse,

Il fend l’air qui résiste et pousse autant qu’il presse. (G.A.)

 

 

3 – Balzac, Voiture, L’Estoile, tous écrivains du commencement du dix-septième siècle. Marini, dit le cavalier Marin, fut appelé d’Italie en France en 1615. (G.A.)

 

 

 

 

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