DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : A comme ANNALES

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A comme ANNALES.

 

 

 

 

 

 

         Que de peuples ont subsisté longtemps et subsistent encore sans annales ! Il n’y en avait dans l’Amérique entière, c’est-à-dire dans la moitié de notre globe, qu’au Mexique et au Pérou ; encore n’étaient-elles pas fort anciennes. Et des cordelettes nouées ne sont pas des livres qui puissent entrer dans de grands détails.

 

         Les trois quarts de l’Afrique n’eurent jamais d’annales : et encore aujourd’hui chez les nations les plus savantes, chez celles même qui ont le plus usé de l’art d’écrire, on peut compter toujours, du moins jusqu’à présent, quatre-vingt-dix-neuf parties du genre humain sur cent qui ne savent pas ce qui s’est passé chez elles au-delà de quatre générations, et qui à peine connaissent le nom d’un bisaïeul. Presque tous les habitants des bourgs et des villages sont dans ce cas ; très peu de familles ont des titres de leurs possessions. Lorsqu’il s’élève des procès sur les limites d’un champ ou d’un pré, le juge décide suivant le rapport des vieillards : le titre est la possession. Quelques grands évènements se transmettent des pères aux enfants, et s’altèrent entièrement en passant de bouche en bouche ; ils n’ont point d’autres annales.

 

         Voyez tous les villages de notre Europe si policée, si éclairée, si remplie de bibliothèques immenses, et qui semble gémir aujourd’hui sous l’amas énorme des livres. Deux  hommes tout au plus par village, l’un portant l’autre, savent lire et écrire. La société n’y perd rien. Tous les travaux s’exécutent, on bâtit, on plante, on sème, on recueille, comme on faisait dans les temps les plus reculés. Le laboureur n’a pas seulement le loisir de regretter qu’on ne lui ait pas appris à consumer quelques heures de la journée dans la lecture. Cela prouve que le genre humain n’avait pas besoin de monuments historiques pour cultiver les arts véritablement nécessaires à la vie.

 

         Il ne faut pas s’étonner que tant de peuplades manquent d’annales, mais que trois ou quatre nations en aient conservé qui remontent à cinq mille ans ou environ, après tant de révolutions qui ont bouleversé la terre. Il ne reste pas une ligne des anciennes annales égyptiennes, chaldéennes, persanes, ni de celles des Latins et des Etrusques. Les seules annales un peu antiques sont les indiennes, les chinoises, les hébraïques (1).

 

         Nous ne pouvons appeler annales des morceaux d’histoire vagues et décousus, sans aucune date, sans suite, sans liaison, sans ordre ; ce sont des énigmes proposées par l’antiquité à la postérité qui n’y entend rien.

 

 A comme ANNALES

 

 

 

1 – Voyez l’article HISTOIRE.

 

 

 

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