LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 127

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 127

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LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

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ANCIEN TESTAMENT.

 

 

 

(Partie 127)

 

 

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CONTINUATION DE L'HISTOIRE HÉBRAÏQUE.

 

 

 

 

LES MACHABÉES.

 

 

 

 

 

 

 

      II. - Le romanesque auteur commence (Chapitre I.) ses mensonges par dire qu'Alexandre partagea ses États à ses amis de son vivant. Cette erreur, qui n'a pas besoin d'être réfutée, fait juger de la science de l'écrivain.

 

      III. - Presque toutes les particularités rapportées dans ce premier livre des Machabées sont aussi chimériques. Il dit que Judas Machabée, lorsqu'il faisait la guerre de caverne en caverne dans un coin de la Judée, voulut être l'allié des Romains (Chapitre VIII.), "ayant appris qu'il y avait bien loin un peuple romain, lequel avait subjugué les Galates ;" mais cette nation des Galates n'était pas encore asservie ; elle ne le fut que par Cornélius Scipio.

 

     IV. - Il continue et dit qu'Antiochus-le-Grand, dont Antiochus Epiphanes était le fils, avait été captif des Romains. C'est une erreur évidente : il fut vaincu par Lucius Scipio, surnommé l'Asiatique ; mais il ne fut point prisonnier ; il fit la paix, se retira dans ses États de Perse, et paya les frais de la guerre. On voit ici un auteur juif mal instruit de ce qui se passe dans le reste du monde, et qui parle au hasard de ce qu'il ne sait point. Calmet dit, pour rectifier cette erreur : "Ce prince se soumit au vainqueur ni plus ni moins que s'il eût été captif."

 

      V. - L'écrivain des Machabées ajoute que cet Antiochus-le-Grand céda aux Romains les Indes, la Médie et la Lydie. Ceci devient trop fort. Une telle impertinence est inconcevable. C'est dommage que l'auteur juif n'y ait pas ajouté la Chine et le Japon.

 

      VI. - Ensuite, voulant paraître informé du gouvernement de Rome, l dit qu'on y élit tous les ans un souverain magistrat, auquel seul on obéit. L'ignorant ne savait pas même que Rome eût deux consuls.

 

      VII. - Judas Machabée et ses frères, si on en croit l'auteur, envoient une ambassade au sénat romain ; et les ambassadeurs, pour toute harangue, parlent ainsi : "Judas Machabée et ses frères, et les Juifs, nous ont envoyés à vous pour faire avec vous société et paix."

 

      C'est à peu près comme si un chef de parti de la république de Saint-Marin envoyait des ambassadeurs au grand Turc pour faire société avec lui. La réponse des Romains n'est pas moins extraordinaire. S'il y avait eu en effet une ambassade à Rome d'une république palestine bien reconnue, si Rome avait fait un traité solennel avec Jérusalem, Tite-Live et les autres historiens en auraient parlé. L'orgueil juif a toujours exagéré ; mais il n'a jamais été plus ridicule.

 

      VIII. - On voit bientôt après une autre fanfaronnade ; c'est la prétendue parenté des Juifs et des Lacédémoniens. L'auteur suppose qu'un roi de Lacédémone, nommé Arius, avait écrit au grand-prêtre juif, Onias troisième, en ces termes (Chapitre XII.) : "Il a été trouvé dans les Écritures, touchant les Spartiates et les Juifs, qu'ils sont frères, étant tous de la race d'Abraham ; et à présent que nous le connaissons, vous faites bien de nous écrire que vous êtes en paix ; et voici ce que nous avons répondu : Nos vaches et nos moutons et nos champs sont à vous ; nous avons ordonné qu'on vous apprît cela."

 

      On ne peut traiter sérieusement des inepties si hors du sens commun. Cela ressemble à Arlequin qui se dit curé de Domfront ; et quand le juge lui fait voir qu'il a menti : "Monsieur, dit-il, je croyais l'être". Ce n'est pas la peine de montrer qu'il n'y eut jamais de roi de Sparte nommé Arius ; qu'il y eut à la vérité un Aretes du temps d'Onias premier ; et qu'au temps d'Onias troisième, Lacédémone n'avait plus de rois. Ce serait trop perdre son temps de montrer qu'Abraham fut aussi inconnu dans Sparte et dans Athènes que dans Rome (1).

 

      IX. - Nous osons ajouter à ces puérilités si méprisables l'aventure merveilleuse d'Héliodore, racontée dans le second livre, au chapitre III. C'est le seul miracle mentionné dans ce livre ; mais il n'a pas paru croyable aux critiques. Séleucus Philopator, roi de Syrie, de Perse, de la Phénicie et de la Palestine, est averti par un Juif, intendant du temple, qu'il y a dans cette forteresse un trésor immense. Séleucus, qui avait besoin d'argent pour ses guerres, envoie Héliodore, un de ses officiers, demander cet argent, comme le roi de France François 1er a demandé depuis la grille d'argent de Saint-Martin. Héliodore vient exécuter sa commission, et s'arrange avec le grand-prêtre Onias. Comme ils parlaient ensemble dans le temple, on voit descendre du ciel un grand cheval portant un cavalier brillant d'or. Le cheval donne d'abord des ruades avec les pieds de devant à Héliodore ; et deux anges, qui servaient de palefreniers au cheval, armés chacun d'une poignée de verges, fouettent Héliodore à tour de bras. Onias, le grand-prêtre, eut la charité de prier Dieu pour lui. Les deux anges palefreniers cessèrent de frapper. Ils dirent à l'officier : Rends grâces à Onias ; sans ses prières, nous t'aurions fessé jusqu'à la mort. Après quoi ils disparurent.

 

      On ne dit pas si après cette flagellation Onias s'accommoda avec son roi Séleucus, et lui prêta quelques deniers.

 

      Ce miracle a paru d'autant plus impertinent aux critiques, que ni le roi d'Égypte Sésac, ni le roi de l'Asie Nabuchodonosor, ni Antiochus l'Illustre, ni Ptolémée Soter, ni le grand Pompée, ni Crassus, ni la reine Cléopâtre, ni l'empereur Titus, qui tous emportèrent quelque argent du temple juif, ne furent pas cependant fouettés par les anges.

 

      Il est bien vrai qu'un saint moine a vu l'âme de Charles Martel que des diables conduisaient en enfer dans un bateau, et qu'ils fouettaient pour s'être approprié quelque chose du trésor de Saint-Denis. Mais ces cas-là arrivent rarement.

 

      X. - Nous passons une multitude d'anachronismes, de méprises, de transpositions, d'ignorances, et de fables qui fourmillent dans les livres des Machabées, pour venir à la mort d'Antiochus l'Illustre, décrite au chapitre IX du livre second. C'est un entassement de faussetés, d'absurdités et d'injures qui font pitié. Selon l'auteur, Antiochus entre dans Persépolis pour piller la ville et le temple. On sait assez que cette capitale, nommée Persépolis par les Grecs, avait été détruite par Alexandre. Les Juifs, toujours isolés parmi les nations, toujours occupés de leurs seuls intérêts et de leur seul pays, pouvaient bien ignorer les révolutions de la Chine et des Indes : mais pouvaient-ils ne pas savoir que cette ville, appelée Persépolis par les seuls Grecs, n'existait plus ? Son nom véritable était Sestekar. Si c'était un Juif de Jérusalem qui eût écrit les Machabées, il n'eût pas donné au séjour des rois de Perse un nom si étranger. De là on conclut que ces livres n'ont pu être écrits que par un de ces Juifs helléniste d'Alexandrie qui commençait à vouloir devenir orateur. Que de raisons en faveur des savants et des premiers Pères de l'Église qui proscrivent l'histoire de Machabées !

 

      Mais voici bien d'autres raisons de douter. Le premier livre de cette histoire dit qu'Antiochus mourut l'an 189 (2) de l'ère des Séleucides, que les Juifs suivaient comme sujets des rois de Syrie ; et dans le second livre, qui est une lettre prétendue écrite de Jérusalem aux hellénistes d'Alexandrie, l'auteur date de l'an des Séleucides 188. Ainsi il parle de la mort d'Antiochus un an avant qu'elle soit arrivée.

 

      Au premier livre il est dit que ce roi voulut s'emparer des boucliers d'or laissés par Alexandre-le-Grand dans la ville d'Elimaïs sur le chemin d'Ecbatane, qui est la même que Ragès ; qu'il mourut de chagrin dans ces quartiers, en apprenant que les Machabées avaient résisté à ses troupes en Judée.

 

      Au second livre il est dit qu'il tomba de son char, qu'il fut tellement froissé de sa chute que son corps fourmilla de vers ; qu'alors ce roi de Syrie demanda pardon au Dieu des Juifs. C'est là qu'est ce verset si connu, et dont on a tant fait d'usage : "Le scélérat implorait la miséricorde du Seigneur, qui ne devait pas obtenir."

 

      L'auteur ajoute qu'Antiochus promit à Dieu de se faire juif. Ce dernier trait suffit : c'est comme si Charles-Quint avait promis de se faire turc.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Le commentateur Michaëlis prétend que le traducteur grec a confondu Spard (nom qui désigne un peuple du Bosphore) avec Sparte. (G.A.)

 

2 - Erreur de Voltaire. Le texte des Machabées porte la date de 149. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

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