COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 21
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COMMENTAIRE
SUR L'ESPRIT DES LOIS.
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- Partie 21 -
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COMMENTAIRE
SUR QUELQUES PRINCIPALES MAXIMES
DE L'ESPRIT DES LOIS.
XL.
"Je ne dis point ici des choses vagues... Les lois que nos pères firent dans le feu, dans l'action, dans l'impétuosité, dans l'orgueil de la victoire, ils les adoucirent. Leurs lois étaient dures, ils les rendirent impartiales. Les Bourguignons, les Goths, et les Lombards, voulaient toujours que les Romains fussent le peuple vaincu. Les lois d'Euric, de Gondebaud, de Rotharis, firent du Barbare et du Romain des concitoyens." (Page 156, livre X, chapitre III.)
Euric, ou plutôt Evaric, était un Goth que les vieilles chroniques peignent comme un monstre. Gondebaud fut un Bourguignon barbare battu par un Franc barbare. Rotharis, le Lombard, autre scélérat de ce temps-là, était un bon arien qui, régnant en Italie, où l'on savait encore écrire, fit mettre par écrit quelques-unes de ses volontés despotiques. Voilà d'étranges législateurs à citer. Et Montesquieu appelle ces gens-là nos pères !
XLI.
"Les Français ont été chassés neuf fois de l'Italie, à cause, disent les historiens, de leur insolence à l'égard des femmes et des filles, etc." (Page 613, livre X, chapitre XI.)
Cela a été dit, mais cela est-il bien vrai ? S'agissait-il de femmes et de filles dans la guerre de 1741, quand les Français et les Espagnols furent obligés de se retirer (1) ? Ce n'était pas assurément pour des femmes et pour des filles que François Ier fut prisonnier à la bataille de Pavie. Louis XII ne perdit point Naples et le Milanais pour des femmes et pour des filles.
On prétendit, au treizième siècle, que Charles d'Anjou perdit la Sicile parce qu'un Provençal avait levé la jupe d'une dame le jour de Pâques, quoique l'assassinat de Conradin et du duc d'Autriche en fût la véritable cause. Et de là on a conclu que la galanterie des Français les a empêchés d'être maîtres de l'Italie. Voilà comme certains préjugés populaire s'établissent.
1 - Voyez le Précis du Siècle de Louis XV. (G.A.)
XLII.
"Si l'on veut lire l'admirable ouvrage de Tacite sur les mœurs des Germains, on verra que c'est d'eux que les Anglais ont tiré l'idée de leur gouvernement politique. Ce beau système a été trouvé dans les bois." (Page 184, livre XI, chapitre VI.)
Est-il possible qu'en effet la chambre des pairs, celle des communes, la cour d'équité, la cour de l'amirauté, viennent de la forêt Noire ? J'aimerais autant dire que les sermons de Tillotson et de Smalridge furent autrefois composés par les sorcières tudesques qui jugeaient des succès de la guerre par la manière dont coulait le sang des prisonniers qu'elles immolaient. Les manufactures de draps d'Angleterre n'ont-elles pas été trouvées aussi dans les bois où les Germains aimaient mieux vivre de rapine que de travailler, comme le dit Tacite ?
Pourquoi n'avoir pas trouvé plutôt la diète de Ratisbonne que le parlement d'Angleterre dans les forêts d'Allemagne ? Ratisbonne doit avoir profité plutôt que Londres d'un système trouvé en Germanie.