SIECLE DE LOUIS XIV - CATALOGUE - Écrivains - Partie 26 - R
Photo de PAPAPOUSS
CATALOGUE
DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
QUI ONT PARU DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV,
Pour servir à l’histoire littéraire de ce temps.
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RACINE (Jean)
1639 - 1699
Né à la Ferté-Milon en 1639, élevé à Port-Royal. Il portait encore l’habit ecclésiastique quand il fit la tragédie de Théagène, qu’il présenta à Molière, et celle des Frères ennemis, dont Molière lui donna le sujet. Il est intitulé prieur de l’Epinay dans le privilège de l’Andromaque. Louis XIV fut sensible à son extrême mérite. Il lui donna une charge de gentilhomme ordinaire, le nomma quelquefois des voyages de Marly, le fit coucher dans sa chambre, dans une de ses maladies, et le combla de gratifications. Cependant Racine mourut de chagrin ou de crainte de lui avoir déplu (*). Il n’était pas aussi philosophe que grand poète. On lui a rendu justice fort tard. « Nous avons été touchés, dit Saint-Evremond, de Marianne, de Sophonisbe, d’Alcyonée, d’Andromaque et de Britannicus. » C’est ainsi qu’on mettait non-seulement la mauvaise Sophonisbe de Corneille, mais encore les impertinentes pièces d’Alcyonée et de Marianne (**), à côté de ces chefs-d’œuvre immortels. L’or est confondu avec la boue pendant la vie des artistes, et la mort les sépare.
Il est à remarquer que Racine ayant consulté Corneille sur sa tragédie d’Alexandre, Corneille lui conseilla de ne plus faire de tragédies, et lui dit qu’il n’avait nul talent pour ce genre d’écrire (***). N’oublions pas qu’il écrivit contre les jansénistes, et qu’il se fit ensuite janséniste. Mort en 1699.
* Nous avons déjà dit que c’était là une fable. (G.A.)
** La première est de Du Ryer, la seconde de Tristan. (G.A.)
*** Fontenelle donna le même conseil à Voltaire, après la tragédie de Brutus. Tous deux étaient de bonne foi. Corneille trouvait Racine trop simple, et Fontenelle trouvait Voltaire trop brillant. (K.)
RACINE (Louis)
Fils de l’immortel Jean Racine, a marché sur les traces de son père, mais dans un sentier plus étroit et moins fait pour les Muses. Il entendait la mécanique des vers aussi bien que son père, mais il n’en avait ni l’âme ni les grâces. Il manquait d’ailleurs d’invention et d’imagination. Janséniste comme son père, il ne fit des vers que pour le jansénisme. On en trouve de très beaux dans le poème de la Grâce, et dans celui de la Religion, ouvrage trop didactique et trop monotone, copié des Pensées de Pascal, mais rempli de beaux détails, tels que ces vers du chant second, dans lequel il traduit Lucrèce pour le réfuter :
Cet esprit, ô mortels, qui vous rend si jaloux,
N’est qu’un feu qui s’allume et s’éteint avec nous.
Quand par d’affreux sillons l’implacable vieillesse
A sur un front hideux imprimé la tristesse ;
Que dans un corps courbé sous un amas de jours,
Le sang, comme à regret, semble achever son cours ;
Lorsqu’en des yeux couverts d’un lugubre nuage
Il n’entre des objets qu’une infidèle image ;
Qu’en débris chaque jour le corps tombe et périt :
En ruines aussi je vois tomber l’esprit.
L’âme mourante alors, flambeau sans nourriture,
Jette par intervalle une lueur obscure.
Triste destin de l’homme ! il arrive au tombeau
Plus faible, plus enfant qu’il ne l’est au berceau.
La mort d’un coup fatal frappe enfin l’édifice ;
Dans un dernier soupir, achevant son supplice,
Lorsque, vide de sang, le cœur reste glacé,
Son âme s’évapore, et tout l’homme est passé.
Il s’élève quelquefois dans ce poème contre le Tout est bien des lords Shaftesbury et Bolingbroke, si bien mis en vers par Pope.
Sans doute qu’à ces mots, des bords de la Tamise,
Quelque abstrait raisonneur qui ne se plait de rien,
Dans son flegme anglican répondra : Tout est bien.
Racine, en qualité de janséniste, croyait que presque tout est mal depuis longtemps ; il accuse Pope d’irréligion. Pope était fils d’un papiste, c’est ainsi qu’on appelle en Angleterre les catholiques romains. Pope, élevé dans cette religion qu’il tourne quelquefois en ridicule dans ses épîtres, ne voulut cependant pas la quitter quoiqu’il fût philosophe, ou plutôt parce qu’il était assez philosophe pour croire que ce n’était pas la peine de changer. Il fut très piqué des accusations de Louis Racine. Ramsay entreprit de les concilier. C’était un Ecossais du clan des Ramsay, et qui en avait pris le nom, suivant l’usage de ce pays. Il était venu en France après avoir essayé du presbytérianisme, de l’Eglise anglicane, et du quakerisme, et s’était attaché à l’illustre Fénelon, dont il a depuis écrit la Vie. C’est lui qui est l’auteur des Voyages de Cyrus, très faible imitation du Télémaque. Il imagina d’écrire à Louis Racine une lettre sous le nom de Pope dans laquelle celui-ci semble se justifier.
J’avais vécu une année entière avec Pope ; je savais qu’il était incapable d’écrire en français, qu’il ne parlait point du tout notre langue, et qu’à peine il pouvait lire nos auteurs ; c’était une chose publique en Angleterre. J’avertis Louis Racine que cette lettre était de Ramsay, et non de Pope. Je voulus lui faire sentir le ridicule de cette supercherie : j’en instruisis même le public dans un chapitre sur Pope, qui a été imprimé plusieurs fois du vivant de Pope même. Cependant, après sa mort, l’abbé Ladvocat a imprimé cette lettre, forgée par Ramsay, et l’a imputée à Pope, dans son Dictionnaire historique portatif, où il copie plusieurs articles des premières éditions de cette liste des écrivains du siècle de Louis XIV, mais où il insère des anecdotes entièrement fausses. Il est juste de faire connaître au public la vérité.
RANCÉ (Armand-Jean Le Bouthillier de)
1626 - 1700
Né en 1626, commença par traduire Anacréon, et institua la réforme effrayante de la Trappe, en 1664. Il se dispensa, comme législateur, de la loi qui force ceux qui vivent dans ce tombeau à ignorer ce qui se passe sur la terre. Il écrivit avec éloquence. Quelle inconstance dans l’homme ! Après avoir fondé et gouverné son institut, il se démit de sa place et voulut la reprendre. Mort en1700.
RAPIN (Jean)
1621 - 1687
Né à Tours, en 1621, jésuite, connu par le Poème des Jardins en latin, et par beaucoup d’ouvrages de littérature. Mort en 1687.
RAPIN DE THOYRAS (Paul)
1661 - 1725
Né à Castres en 1661, réfugié en Angleterre, et longtemps officier. L’Angleterre lui fut longtemps redevable de la seule bonne histoire complète qu’on eût faite de ce royaume, et de la seule impartiale qu’on eût d’un pays où l’on n’écrivait que par esprit de parti ; c’était même la seule histoire qu’on pût citer en Europe comme approchante de la perfection qu’on exige de ces ouvrages, jusqu’à ce qu’enfin on ait vu paraître celle du célèbre Hume, qui a su écrire l’histoire en philosophe. Mort à Vésel, en 1725.
RÉGIS (Pierre-Sylvain)
1632 - 1707
Né en Agenois, en 1632. Ses livres de philosophie n’ont plus de cours depuis les grandes découvertes qu’on a faites. Mort en 1707.
REGNARD (Jean-François)
1656 – 1710
Né à Paris, en 1656 (*). Il eût été célèbre par ses seuls voyages. C’est le premier Français qui alla jusqu’en Laponie. Il grava sur un rocher ce vers :
Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis.
Pris sur la mer de Provence par des corsaires, esclave à Alger, racheté, établi en France dans les charges de trésorier de France et de lieutenant des eaux et forêts, il vécut en voluptueux et en philosophe. Né avec un génie vif, gai et vraiment comique, sa comédie du Joueur est mise à côté de celles de Molière. Il faut se connaître peu aux talents et au génie des auteurs pour penser qu’il ait dérobé cette pièce à Dufresny. Il dédia la comédie des Ménechmes à Despréaux, et ensuite il écrivit contre lui, parce que Boileau ne lui rendit pas assez de justice (**). Cet homme si gai mourut de chagrin à cinquante-quatre ans. On prétend même qu’il avança ses jours. Mort en 1710.
* En 1655. (G.A.)
** Il avait écrit déjà contre Boileau avant de faire les Ménechmes. (G.A.)
REGNIER DESMARETS (François-Séraphin)
1632 - 1713
Né à Paris en 1632. Il a rendu de grands services à la langue, et est auteur de quelques poésies françaises et italiennes. Il fit passer une de ses pièces italiennes pour être de Pétrarque. Il n’eût pas fait passer ses vers français sous le nom d’un grand poète. Mort en 1713.
RENAUDOT (Théophraste)
? - 1658
Médecin, très savant en plus d’un genre, le premier auteur des gazettes en France. Mort en 1658.
RENAUDOT (Eusèbe)
1646 - 1720
Né en 1646, très savant dans l’histoire, et dans les langues de l’Orient. On peut lui reprocher d’avoir empêché que le dictionnaire de Bayle ne fût imprimé en France. Mort en 1720.
RETZ
? - ?
Voyez GONDI.
REYNAU (Charles-René)
1656 - 1728
De l’Oratoire, de l’Académie des sciences, né en 1656, auteur de l’Analyse démontrée, publiée en 1708. On l’appela l’Euclide de la haute géométrie. Mort en 1728.