THEÂTRE : LE DROIT DU SEIGNEUR - Partie 10

Publié le par loveVoltaire

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Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

LE DROIT DU SEIGNEUR.

 

 

 

 

 

______

 

 

 

ACTE TROISIÈME.

 

 

SCÈNE II.

 

_______

 

 

LE MARQUIS, LE CHEVALIER, LE BAILLI,

à la tête des habitants.

 

 

_______

 

 

 

LE MARQUIS.

 

J’en suis touché. Bonjour, enfants, bonjour.

 

LE BAILLI.

 

Nous venons tous avec conjouissance

Nous présenter devant votre excellence,

Comme les Grecs jadis devant Cyrus…

Comme les Grecs…

 

LE MARQUIS.

 

Les Grecs sont superflus.

Je suis Picard ; je revois avec joie

Tous mes vassaux.

 

LE BAILLI.

 

Les Grecs de qui la proie…

 

LE CHEVALIER.

 

Ah ! finissez. Notre gros Mathurin,

La belle Acanthe est votre proie enfin ?

 

MATHURIN.

 

Oui-dà, monsieur ; la fiançaille est faite,

Et nous prions que monseigneur permette

Qu’on nous finisse.

 

COLETTE.

 

Oh ! tu ne l’auras pas ;

Je te le dis, tu me demeureras.

Oui, monseigneur, vous me rendrez justice ;

Vous ne souffrirez pas qu’il me trahisse ;

Il m’a promis…

 

MATHURIN.

 

Bon ! j’ai promis en l’air.

 

LE MARQUIS.

 

Il faut, bailli, tirer la chose au clair.

A-t-il promis ?

 

LE BAILLI.

 

La chose est constatée.

Colette est folle, et je l’ai déboutée.

 

COLETTE.

 

Ça n’y fait rien, et monseigneur saura

Qu’on force Acanthe à ce beau marché-là,

Qu’on la maltraite, et qu’on la violente,

Pour épouser.

 

LE MARQUIS.

 

Est-il vrai, belle Acanthe ?

 

ACANTHE.

 

Je dois d’un père, avec raison chéri,

Suivre les lois ; il me donne un mari.

 

MATHURIN.

 

Vous voyez bien qu’en effet elle m’aime.

 

LE MARQUIS.

 

Sa réponse est d’une prudence extrême :

Eh bien ! chez moi la noce se fera.

 

LE CHEVALIER.

 

Bon, bon, tant mieux.

 

LE MARQUIS, à Acanthe.

 

Votre père verra

Que j’aime en lui la probité, le zèle,

Et les travaux d’un serviteur fidèle.

Votre sagesse à mes yeux satisfaits

Augmente encor le prix de vos attraits.

Comptez, amis, qu’en faveur de la fille,

Je prendrai soin de toute la famille.

 

COLETTE.

 

Et de moi donc ?

 

LE MARQUIS.

 

De vous, Colette, aussi.

Cher chevalier, retirons-nous d’ici ;

Ne troublons point leur naïve allégresse.

 

LE BAILLI.

 

Et votre droit, monseigneur ; le temps presse.

 

MATHURIN.

 

Quel chien de droit ! Ah ! me voilà perdu.

 

COLETTE.

 

Va, tu verras.

 

BERTHE.

 

Mathurin, que crains-tu ?

 

LE MARQUIS.

 

Vous aurez soin bailli, en homme sage,

D’arranger tout suivant l’antique usage :

D’un si beau droit je veux m’autoriser

Avec décence, et n’en point abuser.

 

LE CHEVALIER.

 

Ah ! quel Caton ! mais mon Caton, je pense,

La suit des yeux, et non sans complaisance.

Mon cher cousin…

 

LE MARQUIS.

 

Et bien ?

 

LE CHEVALIER.

 

Gageons tous deux

Que vous allez devenir amoureux.

 

LE MARQUIS.

 

Moi ? mon cousin !

 

LE CHEVALIER.

 

Oui, vous.

 

LE MARQUIS.

 

L’extravagance !

 

LE CHEVALIER.

 

Vous le serez ; j’en ris déjà d’avance.

Gageons, vous dis-je, une discrétion.

 

LE MARQUIS.

 

Soit.

 

LE CHEVALIER.

 

Vous perdrez.

 

LE MARQUIS.

 

Soyez bien sûr que non.

 

 

LE DROIT DU SEIGNEUR - 10

 

 

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