LA PUCELLE D'ORLEANS : Chant huitième

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LA PUCELLE.

 

 

 

CHANT HUITIÈME.

 

 

 

 

ARGUMENT.

 

 

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Comment le charmant La Trimouille rencontra un Anglais à Notre-Dame de Lorette, et ce qui s’ensuivit avec sa Dorothée.

 

 

________

 

 

 

Que cette histoire est sage, intéressante !

Comme elle forme et l’esprit et le cœur (1) !

Comme on y voit la vertu triomphante,

Des chevaliers le courage et l’honneur,

Les droits des rois, des belles la pudeur !

C’est un jardin dont tout le tour m’enchante

Par sa culture et sa variété.

J’y vois surtout l’aimable chasteté,

Des belles fleurs la fleur la plus brillante,

Comme un lis blanc que le ciel a planté,

Levant sans tache une tête éclatante.

Filles, garçons, lisez assidûment

De la vertu de divin rudiment :

Il fut écrit par notre abbé Trithême (2),

Savant Picard, de son siècle ornement ;

Il prit Agnès et Jeanne pour son thème

Que je l’admire, et que je me sais gré

D’avoir toujours hautement préféré

Cette lecture honnête et profitable,

A ce fatras d’insipides romans

Que je vois naître et mourir tous les ans,

De cerveaux creux avortons languissants !

De Jeanne d’Arc l’histoire véritable

Triomphera de l’envie et du temps.

Le vrai me plaît, le vrai seul est durable.

 

De Jeanne d’Arc cependant, cher lecteur,

En ce moment je ne puis rendre compte ;

Car Dorothée, et Dunois son vengeur,

Et La Trimouille, objet de son ardeur,

Ont de grands droits ; et j’avouerai sans honte

Qu’avec raison vous vouliez être instruit

Des beaux effets que leur amour produit.

 

Près d’Orléans vous avez souvenance

Que La Trimouille, ornement du Poitou,

Pour son bon roi signalant sa vaillance,

Dans un fossé fut plongé jusqu’au cou (3).

Ses écuyers tirèrent avec peine,

Du sale fond de la fangeuse arène,

Notre héros, en cent endroits froissé,

Un bras démis, le coude fracassé.

Vers les remparts de la ville assiégée

On reportait sa figure affligée ;

Mais de Talbot les efforts vigilants

Avaient fermé les chemins d’Orléans.

On transporta, de crainte de surprise,

Mon paladin par de secrets détours,

Sur un brancard, en la cité de Tours,

Cité fidèle, au roi Charles soumise.

Un charlatan, arrivé de Venise,

Adroitement remit son radius (4),

Dont le pivot rejoignit l’humérus.

Son écuyer lui fit bientôt connaitre

Qu’il ne pouvait retourner vers son maître,

Que les chemins étaient fermés pour lui.

Le chevalier, fidèle à sa tendresse,

Se résolut, dans son cuisant ennui,

D’aller au moins rejoindre sa maîtresse.

 

Il courut donc, à travers cent hasards,

Au beau pays conquis par les Lombards.

En arrivant aux portes de la ville,

Le Poitevin est entouré, heurté,

Pressé des flots d’une foule imbécile,

Qui d’un pas lourd, et d’un œil hébété,

Court à Milan des campagnes voisines ;

Bourgeois, manants, moines, bénédictines,

Mères, enfants ; c’est un bruit, un concours,

Un chamaillis ; chacun se précipite ;

On tombe, on crie : « Arrivons, entrons vite :

Nous n‘aurons pas tels plaisirs tous les jours. »

 

Le paladin sut bientôt quelle fête

Allait chômer ce bon peuple lombard,

Et quel spectacle à ses yeux on apprête.

« Ma Dorothée ! ô ciel ! » Il dit, et part ;

Et son coursier s’élançant sur la tête

Des curieux, le porte en quatre bonds

Dans les faubourgs, dans la ville à la place

Où du bâtard la généreuse audace

A dissipé tous ces monstres félons ;

Où Dorothée, interdite, éperdue,

Osait à peine encor lever la vue.

L’abbé Trithême, avec tout son talent,

N’eût pu jamais nous faire la peinture

De la surprise et du saisissement,

Et des transports dont cette âme si pure

Fut pénétrée en voyant son amant.

Quel coloris, quel pinceau pourrait rendre

Ce doux mélange et si vif et si tendre,

L’impression d’un reste de douleur,

La douce joie où se livrait son cœur,

Son embarras, sa pudeur et sa honte,

Que par degrés la tendresse surmonte ?

Son La Trimouille, ardent, ivre d’amour,

Entre ses bras la tient longtemps serrée,

Faible, attendrie, encor tout éplorée ;

Il embrassait, il baisait tour à tour

Le grand Dunois, et sa maîtresse, et l’âne.

 

 

  Tout le beau sexe, aux fenêtres penché,

Battait des mains, de tendresse touché ;

On voyait fuir tous les gens à soutane

Sur les débris du bûcher renversé,

Qui dans le sang nage au loin dispersé.

Sur ces débris le bâtard intrépide

De Dorothée affermissant les pas,

A l’air, le port, et le maintien d’Alcide,

Qui, sous ses pieds enchaînant le trépas,

Le triple chien, et la triple Euménide,

Remit Alceste à son dolent époux,

Quoique en secret il fût un peu jaloux.

 

Avec honneur la belle Dorothée

Fut en litière à son logis portée,

Des deux héros noblement escortée ;

Le lendemain, le bâtard généreux

Vint près du lit du beau couple amoureux.

 

« Je sens, dit-il, que je suis inutile

Aux doux plaisirs que vous goûtez tous deux ;

Il me convient de sortir de la ville ;

Jeanne et mon roi me rappellent près d’eux ;

Il faut les joindre, et je sens trop que Jeanne

Doit regretter la perte de son âne.

Le grand Denys, le patron de nos lois,

M’a cette nuit présenté sa figure :

J’ai vu Denys tout comme je vous vois.

Il me prêta sa divine monture,

Pour secourir les dames et les rois :

Denys m’enjoint de revoir ma patrie :

Grâces au ciel, Dorothée est servie ;

Je dois servir Charles sept à son tour.

Goûtez les fruits de votre tendre amour.

A mon bon roi je vais donner ma vie ;

Le temps me presse, et mon âne m’attend. »

 

« Sur mon cheval je vous suis à l’instant, »

Lui répliqua l’aimable La Trimouille.

La belle dit : « C’est aussi mon projet ;

Un désir vif dès longtemps me chatouille

De contempler la cour de Charles sept,

Sa cour si belle, en héros si féconde,

Sa tendre Agnès, qui gouverne son cœur,

Sa fière Jeanne, en qui valeur abonde.

Mon cher amant ; mon cher libérateur,

Me conduiraient jusques au bout du monde.

Mais sur le point d’être cuite en ce lieu,

En récitant ma prière secrète.

Je fis tout bas à la Vierge un beau vœu

De visiter sa maison de Lorette,

S’il lui plaisait de me tirer du feu.

Tout aussitôt la mère du bon Dieu

Vous députa sur votre âne céleste ;

Vous me sauvez de ce bûcher funeste,

Je vis par vous : mon vœu doit se tenir,

Sans quoi la Vierge a droit de me punir. »

 

« Votre discours est très juste et très sage,

Dit La Trimouille ; et ce pèlerinage

Est à mes yeux un devoir bien sacré ;

Vous permettrez que je sois du voyage.

J’aime Lorette, et je vous conduirai.

Allez, Dunois, par la plaine étoilée ;

Fendez les airs, volez aux champs de Blois ;

Nous vous joindrons avant qu’il soit un mois.

Et vous, madame, à Lorette appelée,

Venez remplir votre vœu si pieux ;

Moi j’en fais un digne de vos beaux yeux :

C’est de prouver à toute heure, en tous lieux,

A tout venant, par l’épée et la lance,

Que vous devez avoir la préférence

Sur toute fille ou femme de renom,

Que nulle n’est et si sage et si belle. »

Elle rougit. Cependant le grison

Frappe du pied, s’élève sur son aile,

Plane dans l’air, et, laissant l’horizon,

Porte Dunois vers les sources du Rhône.

   

Le Poitevin prend le chemin d’Ancône (5),

Avec sa dame, un bourdon dans la main,

Portant tous deux chapeau de pèlerin,

Bien relevé de coquilles bénies.

A leur ceinture un rosaire pendait

De beaux grains d’or et de perles unies.

Le paladin souvent le récitait,

Disait Ave ; la belle répondait

Par des soupirs et par des litanies ;

Et je vous aime était le doux refrain

Des oremus qu’ils chantaient en chemin.

Ils vont à Parme, à Plaisance, à Modène,

Dans Urbino, dans la tour de Césène,

Toujours logés dans de très beaux châteaux

De princes, ducs, comtes et cardinaux.

Le paladin eut partout l’avantage

De soutenir que dans le monde entier

Il n’est beauté plus aimable et plus sage

Que Dorothée ; et nul n’osa nier

Ce qu’avançait un si grand personnage,

Tant les seigneurs de tout ce beau canton

Avaient d’égards et de discrétion.

 

Enfin portés sur les bords du Musône,

Près Ricanate en la Marche d’Ancône,

Les pèlerins virent briller de loin

Cette maison de la sainte Madone,

Ces murs divins de qui le ciel prend soin ;

Murs convoités des avides corsaires,

Et qu’autrefois des anges tutélaires

Firent voler dans les plaines des airs,

Comme un vaisseau qui fend le sein des mers.

A Loretto les anges s’arrêtèrent (6) ;

Les murs sacrés d’eux-mêmes se fondèrent,

Et ce que l’art a de plus précieux,

De plus brillant, de plus industrieux,

Fut employé depuis par les saints-pères,

Maîtres du monde, et du ciel grands-vicaires,

A l’ornement de ces augustes lieux.

Les deux amants de cheval descendirent,

D’un cœur contrit à deux genoux se mirent ;

Puis chacun d’eux, pour accomplir son vœu,

Offrit des dons pleins de magnificence,

Tous acceptés avec reconnaissance

Par la Madone et les moines du lieu.

 

Au cabaret les deux amants dînèrent ;

Et ce fut là qu’à table ils rencontrèrent

Un brave Anglais, fier, dur et sans souci,

Qui venait voir la sainte Vierge aussi

Par passe-temps, se moquant dans son âme

Et de Lorette, et de sa Notre-Dame !

Parfait Anglais, voyageant sans dessein,

Achetant cher de modernes antiques,

Regardant tout avec un air hautain, 

Et méprisant les saints et leurs reliques.

De tout Français c’est l’ennemi mortel,

Et son nom est Christophe d’Arondel.

Il parcourait tristement l’Italie ;

Et se sentant fort sujet à l’ennui,

Il amenait sa maîtresse avec lui,

Plus dédaigneuse encor, plus impolie,

Parlant fort peu, mais belle, faite au tour,

Douce la nuit, insolente le jour,

A table, au lit, par caprice emportée,

Et le contraire en tout de Dorothée.

Le beau baron, du Poitou l’ornement,

Lui fit d’abord un petit compliment,

Sans recevoir aucune repartie ;

Puis il parla de la vierge Marie ;

Puis il conta comme il avait promis,

Chez les Lombards, à monsieur saint Denys,

De soutenir en tout lieu la sagesse

Et la beauté de sa chère maîtresse.

« Je crois, dit-il au dédaigneux Breton,

Que votre dame est noble et d’un grand nom,

Qu’elle est surtout aussi sage que belle ;

Je crois encor, quoiqu’elle n’ait rien dit,

Que dans le fond elle a beaucoup d’esprit.

Mais Dorothée est fort au-dessus d’elle,

Vous l’avouerez ; on peut, sans l’abaisser,

Au second rang dignement la placer. »

 

Le fier Anglais, à ce discours honnête,

Le regarda des pieds jusqu’à la tête.

« Pardieu, dit-il, il m’importe fort peu

Que vous ayez à Denis fait un vœu ;

Et peu me chaut que votre damoiselle

Soit sage ou folle, et soit ou laide ou belle :

Chacun doit se contenter de son bien

Tout uniment, sans se vanter de rien.

Mais puisqu’ici vous avez l’impudence

D’oser prétendre à quelque préférence

Sur un Anglais, je vous enseignerai

Votre devoir, et je vous prouverai

Que tout Anglais, en affaires pareilles,

A tout Français donne sur les oreilles ;

Que ma maîtresse, en figure, en couleur,

En gorge, en bras, cuisses, taille, rondeur,

Même  en sagesse, en sentiments d’honneur,

Vaut cent fois mieux que votre pèlerine ;

Et que mon roi (dont je fais peu de cas),

Quand il voudra, saura bien mettre à bas

Et votre maître, et sa grosse héroïne. »

« Eh bien, reprit le noble Poitevin,

Sortons de table, éprouvons-nous soudain ;

A vos dépens je soutiendrai peut-être

Mon tendre amour, mon pays et mon maître ;

Mais comme il faut être toujours courtois,

De deux combats je vous laisse le choix,

Soit à cheval, soit à pied ; l’un et l’autre

Me sont égaux : mon choix suivra le vôtre. »

« A pied, mordieu ! dit le rude Breton ;

Je n’aime point qu’un cheval ait la gloire

De partager ma peine et ma victoire.

Point de cuirasse et point de morion ;

C’est, à mon sens, une arme de poltron ;

Il fait trop chaud, j’aime à combattre à l’aise.

Je veux tout nu vous soutenir ma thèse :

Nos deux beautés jugeront mieux des coups. »

 

 

« Très volontiers, » dit d’un ton noble et doux

Le beau Français. Sa chère Dorothée

Frémit de crainte à ce défi cruel,

Quoique en secret son âme fût flattée

D’être l’objet d’un si noble duel.

Elle tremblait que Christophe Arondel

Ne transperçât de quelque coup mortel

La douce peau de son cher La Trimouille,

Que de ses pleurs tendrement elle mouille.

La dame anglaise animait son Anglais

D’un coup d’œil fier et sûr de ses attraits.

Elle n’avait jamais versé de larmes ;

Son cœur altier se plaisait aux alarmes ;

Et les combats des coqs de son pays

Avaient été ses passe-temps chéris.

Son nom était Judith de Rosamore,

Cher à Bristol, et que Cambridge honore  (7).

 

Voilà déjà nos braves paladins

Dans un champ clos, près d’en venir aux mains :

Tous deux charmés, dans leurs nobles querelles,

De soutenir leur patrie et leurs belles.

La tête haute, et le fer de droit fil,

Le bras tendu, le corps en son profil,

En tierce, en quarte, ils joignent leurs épées,

L’une par l’autre à tout moment frappées.

C’est un plaisir de les voir se baisser,

Se relever, reculer, avancer,

Parer, sauter, se ménager des feintes,

Et se porter les plus rudes atteintes.

Ainsi l’on voit dans une belle nuit,

Sous le lion ou sous la canicule,

Tout l’horizon qui s’enflamme et qui brûle

De mille feux dont notre œil s’éblouit :

Un éclair passe, un autre éclair le suit.

 

Le Poitevin adresse une apostrophe

Droit au menton du superbe Christophe,

Puis en arrière il saute allègrement,

Toujours en garde ; et Christophe à l’instant,

Engage en tierce, et serrant la mesure,

Au ferrailleur inflige une blessure

Sur une cuisse ; et de sang empourpré

Ce bel ivoire est teint et bigarré.

 

Ils s’acharnaient à cette noble escrime,

Voulant mourir pour jouir de l’estime

De leur maîtresse ; et pour bien décider

Quelle beauté doit à l’autre céder,

Lorsqu’un bandit des Etats du saint-père

Avec sa troupe entra dans ces cantons

Pour s’acquitter de ses dévotions.

 

Le scélérat se nommait Martinguerre,

Voleur de jour, voleur de nuit, corsaire,

Mais saintement à la Vierge attaché,

Et sans manquer récitant son rosaire,

Pour être pur et net de tout péché.

Il aperçut sur le pré les deux belles,

Et leurs chevaux, et leurs brillantes selles,

Et leurs mulets chargés d’or et d’agnus.

Dès qu’il les vit, on ne les revit plus.

Il vous enlève et Judith Rosamore,

Et Dorothée, et le bagage encore,

Mulets, chevaux, et part comme un éclair.

 

Les champions tenaient toujours en l’air,

A poing fermé, leurs brandissantes lames,

Et ferraillaient pour l’honneur de ces dames.

Le Poitevin s’avise le premier

Que sa maîtresse est comme disparue.

Il voit de loin courir son écuyer,

Il s’ébahit, et son arme pointue

Reste en sa main sans force et sans effet.

Sire Arondel demeure stupéfait.

Tous deux restaient la prunelle effarée,

Bouche béante et la mine égarée,

L’un contre l’autre. « Oh ! oh ! dit le Breton,

Dieu me pardonne, on nous a pris nos belles ;

Nous nous donnons cent coups d’estramaçon

Très sottement ; courons vite après elles,

Reprenons-les, et nous nous rebattrons

Pour leurs beaux yeux quand nous les trouverons. »

L’autre en convient, et, différant la fête,

En bons amis ils se mettent en quête

De leurs maîtresses. A peine ils font cent pas,

Que l’un s’écrie : « Ah ! la cuisse ! ah ! le bras ! »

L’autre criait : « La poitrine et la tête ! »

Et n’ayant plus ces esprits animaux

Qui vont au cœur et qui font les héros,

Ayant perdu cette ardeur enflammée

Avec leur sang au combat consumée,

Tous deux meurtris, faibles, et languissants,

Sur le gazon tombent en même temps,

Et de leur sang ils rougissent la terre.

Leurs écuyers, qui suivaient Martinguerre,

Vont à sa piste, et gagnent le pays.

Les deux héros, sans valets, sans habits,

Et sans argent, étendus dans la plaine,

Manquant de tout, croyaient leur fin prochaine ;

Lorsqu’une vieille, en passant vers ces lieux,

Les voyant nus s’approcha plus près d’eux,

En eut pitié, les fit sur des civières

Porter chez elle, et par des restaurants

En moins de rien leur rendit tous leurs sens,

Leur coloris, et leurs forces premières.

 

La bonne vieille, en ce lieu respecté,

Est en odeur qu’on dit de sainteté.

Devers Ancône il n’est point de béate,

Point d’âme sainte en qui la grâce éclate

Par des bienfaits plus signalés, plus grands.

Elle prédit la pluie et le beau temps,

Elle guérit les blessures légères

Avec de l’huile et de saintes prières ;

Elle a parfois converti des méchants.

 

Les paladins à la vieille contèrent

Leur aventure, et conseil demandèrent.

La décrépite alors se recueillit,

Pria Marie, ouvrit la bouche, et dit :

« Allez en paix, aimez tous deux vos belles,

Mais que ce soit à bonne intention ;

Et gardez-vous de vous tuer pour elles.

Les doux objets de votre affection

Sont maintenant à des épreuves rudes ;

Je plains leurs maux et vos sollicitudes.

Habillez-vous, prenez des chevaux frais,

Ne manquez pas le chemin qu’il faut prendre ;

Le ciel par moi daigne ici vous apprendre,

Pour les trouver qu’il faut courir après. »

 

Le Poitevin admira l’énergie

De ce discours ; et le Breton pensif

Lui dit : « Je crois à votre prophétie ;

Nous poursuivrons le voleur fugitif,

Quand nous aurons retrouvé des montures,

Et des pourpoints, et surtout des armures. »

La vieille dit : « On vous en fournira. »

Un circoncis par bonheur était là,

Enfant barbu d’Isâc et de Juda,

Dont la belle âme, à servir empressée,

Faisait fleurir la gent déprépucée.

Le digne Hébreu leur prêta galamment

Deux mille écus à quarante pour cent,

Selon les us de la race bénite

En Canaan par Moïse conduite ;

Et le profit que le Juif s’arrogea

Entre la sainte et lui se partagea.

 

 

 

 

LA PUCELLE - CHANT HUITIEME-1

 

1 – Expression fort en vogue au dix-huitième siècle, et dont Voltaire s’est bien souvent moqué. (G.A.)

 

2 – L’abbé Trithême n’était point de Picardie ; il était du diocèse de Trèves ; il mourut en 1516. Nous n’oserions assurer que sa famille ne fût pas d’origine picarde ; nous nous en rapportons au savant auteur qui, sans doute, a vu le manuscrit de la Pucelle dans quelque abbaye des bénédictins. (1762.) (Voltaire.)

 

− En tête de quelques manuscrits de la Pucelle, on lisait : «  Ex bibliotheca conventus et nosocomii regalis sancti Joannis-Baptistæ religiosorum parisiensium a charitate nuncupatorum ordinis sancti Joannis de Deo, sub regula sancti Augustini. » (G.A.)

 

3 – Voyez chant IV. (G.A.)

 

4 – Le radius et l’Ulna sont les deux os qui partent du coude et se joignent au poignet ; l’humérus est l’os qui se joint à l’épaule. (1773.) (Voltaire.)

 

5 – C’est dans la Marche d’Ancône qu’est la maison de la Vierge apportée de Nazareth par les anges ; ils la mirent d’abord en dépôt en Dalmatie pendant trois ans et sept mois, et ensuite la posèrent près de Recaniti. Sa statue est de quatre pieds de haut, son visage noir ; elle porte la même tiare que le pape ; on connaît ses miracles et ses trésors. (1774.) (Voltaire.) ― Nous avons déjà dit qu’en 1797 les Français envoyèrent à Paris cette grossière idole en bois de cèdre. A cette même époque on évaluait les trésors de ce pèlerinage à 250 millions de francs. (G.A.)

 

6 – Ils ne s’arrêtèrent pas d’abord à Loretto ; c’est une inadvertance de notre auteur : « Non ego paucis offendar maculis. » Cependant on peut dire pour sa défense, que les anges s’arrêtèrent enfin à Lorette, eux et la maison, après avoir essayé de plusieurs autres pays qui ne plurent point à la sainte Vierge. Cette aventure se passa sous le pontificat de Boniface VIII, dont on dit qu’il usurpa sa place comme un renard, qu’il s’y comporta comme un loup, et qu’il mourut comme un chien. Les historiens qui ont parlé ainsi de Boniface n’avaient pas de pension de la cour de Rome. (1773.) (Voltaire.)

 

7 – Bristol et Cambridge, deux villes célèbres, la première par son commerce, la seconde par son Université, qui a eu de grands hommes. (1762.) (Voltaire.)

 

Publié dans La Pucelle d'Orléans

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