JUGEMENT SUR VOLTAIRE de SAINT-MARC GIRARDIN
SAINT-MARC GIRARDIN
JUGEMENT SUR VOLTAIRE
De
SAINT-MARC GIRARDIN
1801-1873
HOMME POLITIQUE ET CRITIQUE LITTÉRAIRE FRANÇAIS.
Jamais personne n’a plus aimé les lettres et ne les a plus cultivées ; jamais personne n’a donné plus d’ascendant à l’esprit ; mais la littérature n’est pas tout pour Voltaire ; il a les goûts et les affections qui honorent les hommes et qui rendent heureux ; il aime la nature, il aime ses amis.
Cette chaleur de sentiment que Voltaire a dans ses affections privées, cette généreuse sincérité de cœur qu’il a avec ses amis, il l’a aussi dans ses opinions politiques et philosophiques, et dans le chef de parti en lui je retrouve l’homme… Voltaire a bien fait aussi quelques sacrifices à son parti ; il a souvent loué des sots qui prenaient la cocarde de la philosophie, et cela devait coûter à son goût et à sa malice naturelle. Mais il n’a jamais sacrifié les bonnes et grandes opinions, même à la faveur des salons et du public. Est-ce que Voltaire n’aimait pas les hommes et le peuple ? Il les aimait beaucoup et très sincèrement, sans affectation, sans charlatanisme ; mais il les jugeait. Il les voulait éclairés et heureux ; il détestait leur ignorance et leur grossièreté.
…En lui le poète et l’écrivain étaient irritables ; le philosophe était patient et presque modeste, plus soucieux du succès de la cause que du succès de son nom… La modestie de Voltaire n’allait pas jusqu’à l’humilité.
Ce qui me frappe dans la politique de Voltaire…, c’est sa sagacité. Cette sagacité vient d’une sorte d’instinct juste et vrai qui lui révèle la marche générale des choses humaines dans son siècle… Il ne se moque pas de l’avenir ; il espère le bien ; il croit à la civilisation.
(Préface des Lettres inédites)