JUGEMENT SUR VOLTAIRE de CHENIER
JUGEMENT SUR VOLTAIRE
DE
Marie-Joseph CHENIER
1764 – 1811
ÉCRIVAIN FRANÇAIS, HOMME POLITIQUE
Voltaire, le talent le plus étendu, le plus varié, non pas seulement de son siècle, mais de tous les âges ; doué d’une activité sans exemple, et d’un zèle dévorant pour la cause de l’humanité, introduisit à la fois l’esprit philosophique dans l’épopée, dans la tragédie, dans l’histoire, dans la critique, dans les romans, dans la poésie légère.
Il employa contre les ennemis de la raison, tantôt le sarcasme ingénieux d’Horace, tantôt l’inépuisable enjouement d’Arioste…, et, durant soixante années, exerça sur l’Europe entière une influence plus grande que celle du pouvoir, que celle même du despotisme, car l’influence était l’opinion : seule autorité sans limites.
On peut lui reprocher d’avoir médiocrement aimé la liberté. On peut aussi lui reprocher d’avoir souvent déifié les tyrans et la tyrannie… En faisant marcher l’esprit de son siècle, Voltaire dépendait lui-même de cet esprit ; ou, peut-être il a cru qu’il devait subir un joug pour qu’on lui permît d’en briser un autre.
(Œuvres complètes.)
Immortel écrivain dont les brillants ouvrages
Enchantent les héros, les belles et les sages,
Qui sais par le plaisir captiver ton lecteur ;
Effroi du sot crédule et du lâche imposteur,
Mais du bon sens, du goût, aimable et sûr arbitre !...
………………………………………………..
Trois mille ans ont passé sur la cendre d’Homère ;
Et depuis trois mille ans Homère respecté
Est jeune encor de gloire et d’immortalité :
Nos Verrès, que du peuple enrichit l’indigence,
Entendent Cicéron provoquer leur sentence ;
Tacite en traits de flamme accuse nos Séjans,
Et son nom prononcé fait pâlir les tyrans.
Le tien des imposteurs restera l’épouvante !
(Epître à Voltaire.)