JUGEMENT SUR VOLTAIRE de A. ERDAN
Photo de Hendrik-Jan
JUGEMENT SUR VOLTAIRE
De
Alexandre ERDAN
1826 - 1878
RÉVOLUTIONNAIRE, RÉFUGIÉ POLITIQUE FRANÇAIS.
O grand homme ! Il fallait que les mêmes insultes te fussent prodiguées par les organes les plus élevés de la pensée libre du XIXe siècle. Il fallait que la poésie, la haute et éternelle poésie, celle qui est signée de noms tels que celui d’Hugo, te transformât en croquemitaine, destiné à épouvanter les jeunes filles. Il fallait que tous les partis économiques, politiques, littéraires, même les plus radicaux, te reniassent nommément, heureux quand ils ne te jetaient pas de la boue ! Il fallait que toutes les écoles philosophiques tinssent à honneur de t’excommunier, celle-ci pour ce qu’elle appelait ton inaptitude métaphysique, celle-là pour ce qu’elle signalait comme l’immoralité de tes tendances ; cette autre pour ce qu’elle trouvait d’excessif dans tes négations ; que sais-je ? Tu fus honni, bafoué jusque dans les derniers recoins du monde intellectuel ; et dans ce vaste champ de l’esprit français, qu’a si merveilleusement échauffé et fécondé ton étincelant génie, c’est à peine si ta mémoire a trouvé un sanctuaire dans l’âme de quelque obscur rêveur tel que moi, ému d’une si honteuse ingratitude !
O Voltaire ! Il me semble entendre en ce moment quelqu’une de tes charmantes et sanglantes ironies.
France mystique.