EPITRE : La clémence de Louis XIV et de Louis XV
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LA CLÉMENCE DE LOUIS XIV ET DE LOUIS XV
DANS LA VICTOIRE.
(1745)
(1)
Devoir des rois, leçon des sages,
Vertu digne des immortels,
Clémence, de quelles images
Dois-je décorer tes autels ?
Dans les débris du Capitole
Irai-je chercher ton symbole ?
Rome seule a-t-elle un Titus ?
Les Trajans et les Marc-Aurèles
Sont-ils les stériles modèles
Des inimitables vertus ?
Ce monarque brillant, illustre,
Digne en effet du nom de grand,
Louis, ne dut-il tant de lustre
Qu’aux triomphes du conquérant ?
Il le doit à ces arts utiles
Dont Colbert enrichit nos villes,
Aux bienfaits versés avec choix,
A ses vaisseaux maîtres de l’onde,
A la paix qu’il donnait au monde,
Aux exemples qu’il donne aux rois.
Imitez, maîtres de la terre,
Et sa justice et sa bonté ;
Que les maux cruels de la guerre
Soient ceux de la nécessité ;
Que dans les horreurs du carnage
Le vainqueur généreux soulage
L’ennemi que son bras détruit.
Héros entourés de victimes,
Vos exploits sont autant de crimes,
Si la paix n’en est pas le fruit.
La Paix est fille de la Guerre.
Ainsi les rapides éclairs
Par les vents et par le tonnerre
Epurent les champs et les airs ;
Ainsi les alcyons paisibles,
Après les tempêtes horribles,
Sur les eaux chantent leurs amours ;
Ainsi quand Nimègue étonnée
Vit par Louis la paix donnée,
L’Europe entière eut de beaux jours.
Telle est la brillante carrière
Qu’ouvrit le dernier de nos rois ;
Son fils la remplit tout entière
Par sa clémence et ses exploits :
Comme lui bienfaiteur du monde,
Son cœur est la source féconde
De la publique utilité ;
Comme lui conquérant et sage,
Il sait combattre avec courage,
Et secourir avec bonté.
Adorateurs de la Clémence
Transportez-vous à Fontenoy.
Le jour luit, le combat commence ;
Bellone admire votre roi.
Voyez cette phalange altière,
Dans sa marche tranquille et fière,
En tous nos rangs porter la mort :
Et Louis, plus inébranlable,
Par son courage inaltérable
Changer et maîtriser le sort.
Ce jour est le jour de la gloire,
Il est celui de la vertu :
Louis, au sein de la victoire,
Pleure son rival abattu.
Les succès n’ont rien qui l’enivre,
Il sait qu’un héros ne doit vivre
Que pour le bonheur des humains ;
Parmi les feux qui l’environnent,
Sous les lauriers qui le couronnent,
L’olive est toujours dans ses mains.
Guerriers frappés de son tonnerre
Et secourus par ses bienfaits,
Dans les bras sanglants de la Guerre
Il daigne demander la paix.
Par quelles maximes funestes
Préférez-vous aux dons célestes
Les fléaux qu’il veut détourner ?
O victimes de sa justice,
Quoi ! vous voulez qu’il vous punisse,
Quand il ne veut que pardonner !
1 – Voyez le commencement du chapitre XVI du Précis du Siècle de Louis XV. On y trouve la raison de cette ode. (G.A.)