EPITRE : Au roi de Prusse - Fragment
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AU ROI DE PRUSSE.
FRAGMENT.
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Lorsque, pour tenir la balance,
L’Anglais vide son coffre-fort ;
Lorsque l’Espagnol sans puissance
Croit partout être le plus fort ;
Quand le Français vif et volage
Fait au plus vite un empereur (2) ;
Quand Belle-Isle n’est pas sans peur
Pour l’ouvrier et pour l’ouvrage ;
Quand le Batave un peu tardif,
Rempli d’égards et de scrupule,
Avance un pas et deux recule
Pour se joindre à l’Anglais actif ;
Quand le bon homme de saint-père
Du haut de sa sainte Sion
Donne sa bénédiction
A plus d’une armée étrangère,
Que fait mon héros à Berlin ?
Il réfléchit sur la folie
Des conducteurs du genre humain.
Il donne des lois au destin,
Et carrière à son grand génie ;
Il fait des vers gais et plaisants,
Il rit en donnant des batailles ;
On commence à craindre à Versailles
De le voir rire à nos dépens (3).
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1 – Charles de Bavière, élu sous le nom de Charles VII. (G.A.)
2 – Frédéric s’était détaché de la France. (G.A.)
3 – Cette épître débutait autrement dans quelques manuscrits :
Grand roi, la longue maladie
Qui va rongeant l’étui malsain
De mon âme assez engourdie,
Et de plus une comédie
Que je fais pour notre dauphin,
Et que j’ai peur qui ne l’ennuie,
Tout cela retenait ma main ;
Et souvent je donnais en vain
Des secousses à mon génie,
Pour qu’il envoyât dans Berlin
Quelque nouvelle rapsodie.
Quelque rondeau, quelque huitain,
Au vainqueur de la Silésie,
A ce bel esprit souverain,
A ce grand homme un peu malin,
Chez qui j’aurais passé ma vie,
Si j’avais à ma fantaisie
Pu disposer de mon destin.
En vain vous m’appelez volage,
Toujours dans un noble esclavage
Votre muse retient mes pas :
Et je suis serviteur du sage,
Quoique mon cœur ne le soit pas.
Votre esprit sublime et facile,
Vos entretiens et votre style,
Ont pour moi des charmes plus doux
Que votre suprême puissance,
Vos grenadiers, votre opulence,
Et cent villes à vos genoux.
Dussé-je leur faire une offense
Je ne puis rien aimer que vous.
Ceux qui sont nés, etc.