EPITRE : A M. de Cideville
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A M. DE CIDEVILLE
(1)
– 1731 –
Ceci te doit être remis
Par un abbé de mes amis,
Homme de bien, quoique d’église,
Plein d’honneur, de foi, de franchise.
En lui les dieux n’ont rien omis
Pour en faire un abbé de mise :
Même Phébus le favorise.
Mais dans son cœur Vénus a mis
Un petit grain de gaillardise.
Or, c’est un point qui scandalise
Son curé, plus gaillard que lui,
Qui dès longtemps le tyrannise,
Et nouvellement aujourd’hui
Dans un placard le tympanise.
Sur cela mon abbé prend feu,
Lui fait un bon procès de Dieu,
Le gagne : appel ; or, c’est dans peu
Qu’on doit chez vous juger l’affaire.
Or, puissant est notre adversaire :
Le terrasser n’est pas un jeu.
Tu dois m’entendre, et moi me taire ;
Car c’est trop longtemps tutoyer
Du parlement un conseiller :
Ma muse un peu trop familière
Pourrait à la fin l’ennuyer,
Peut-être même lui déplaire.
Qu’il sache pourtant qu’à Cythère
L’Amitié, l’Amour, et leur mère,
Parlent toujours sans compliment ;
Qu’avec Hortense ma tendresse
N’en use jamais autrement,
Et j’estime autant ma maîtresse
Qu’un conseiller au parlement.
1 – Les vingt-quatre premiers vers de cette épître firent d’abord partie de la lettre à Formont en date de mai 1731. Voyez la CORRESPONDANCE. (G.A.)