DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : A comme ANECDOTE sur le testament attribué à Richelieu

Publié le par loveVoltaire

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A comme ANECDOTES,

 

SUR LE TESTAMENT ATTRIBUÉ AU CARDINAL DE RICHELIEU

 

 

(1)

 

 

 

 

 

         Le Père Griffet veut à toute force que le cardinal de Richelieu ait fait un mauvais livre : à la bonne heure ; tant d’hommes d’Etat en ont fait ! Mais c’est une belle passion de combattre si longtemps pour tâcher de prouver que, selon le cardinal de Richelieu, les Espagnols nos alliés, gouvernés si heureusement par un Bourbon, « sont tributaires de l’enfer, et rendent les Indes tributaires de l’enfer. » Le Testament du cardinal de Richelieu n’était pas d’un homme poli.

 

 

·        « Que la France avait plus de bons ports sur la Méditerranée que toute la monarchie espagnole. » ― Ce testament était exagérateur.

 

·        « Que pour avoir cinquante mille soldats il en faut lever cent mille. » ― Ce testament jette l’argent par les fenêtres.

 

·        « Que lorsqu’on établit un nouvel impôt, on augmente la paie des soldats. » ― Ce qui n’est jamais arrivé ni en France, ni ailleurs.

 

·        « Qu’il faut faire payer la taille aux parlements et aux autres cours supérieures. » ― Moyen infaillible pour gagner leurs cœurs, et pour rendre la magistrature respectable.

 

·        « Qu’il faut forcer la noblesse de servir, et l’enrôler dans la cavalerie. » ― Pour mieux conserver tous ses privilèges.

 

·        « Que de trente millions à supprimer, il y en a près de sept dont le remboursement ne devant être fait qu’au denier cinq, la suppression se fera en sept années et demie de jouissance. » ― De façon que, suivant ce calcul, cinq pour cent en sept ans et demi feraient cent francs, au lieu qu’ils ne font que trente-sept et demi : et si on entend par le denier cinq la cinquième partie du capital, les cent francs seront remboursés en cinq années juste. Le compte n’y est pas, le testateur calcule assez mal.

 

·        « Que Gênes était la plus riche ville d’Italie. » ― Ce que je lui souhaite.

 

·        « Qu’il faut être bien chaste. » ― Le testateur ressemblait à certains prédicateurs. Faites ce qu’ils disent, et non ce qu’ils font.

 

·        « Qu’il faut donner une abbaye à la Sainte-Chapelle de Paris. » ― Chose importante dans la crise où l’Europe était alors, et dont il ne parle pas.

 

·        « Que le pape Benoît XI embarrassa beaucoup les cordeliers, piqués sur le sujet de la pauvreté, savoir des revenus de saint François, qui s’animèrent à tel point, qu’ils lui firent la guerre par livres. » ― Chose plus importante encore, et plus savante, surtout quand on prend Jean XXII pour Benoît XI, et quand, dans un testament politique, on ne parle ni de la manière dont il faut conduire la guerre contre l’Empire et l’Espagne, ni des moyens de faire la paix, ni des dangers présents, ni des ressources, ni des alliances, ni des généraux, ni des ministres qu’il faut employer, ni même du dauphin, dont l’éducation importait tant à l’Etat ; enfin d’aucun objet du ministère.

 

 

Je consens de tout mon cœur qu’on charge, puisqu’on le veut, la mémoire du cardinal de Richelieu de ce malheureux ouvrage rempli d’anachronismes, d’ignorances, de calculs ridicules, de faussetés reconnues, dont tout commis un peu intelligent aurait été incapable ; qu’on s’efforce de persuader que le plus grand ministre a été le plus ignorant et le plus ennuyeux, comme le plus extravagant de tous les écrivains. Cela peut faire quelque plaisir à tous ceux qui détestent sa tyrannie.

 

     Il est bon même, pour l’histoire de l’esprit humain, qu’on sache que ce détestable ouvrage fut loué pendant plus de trente ans, tandis qu’on le croyait d’un grand ministre.

 

     Mais il ne faut pas trahir la vérité pour faire croire que le livre est du cardinal de Richelieu. Il ne faut pas dire « qu’on a trouvé une suite du premier chapitre du Testament politique, corrigée en plusieurs endroits de la main du cardinal de Richelieu, » parce que cela n’est pas vrai. On a trouvé au bout de cent ans un manuscrit intitulé : Narration succincte ; cette narration succincte n’a aucun rapport au Testament politique. Cependant on a eu l’artifice de la faire imprimer comme un premier chapitre du Testament avec des notes.

 

     A l’égard des notes, on ne sait de quelles mains elles sont.

 

     Ce qui est très vrai, c’est que le Testament prétendu ne fit du bruit dans le monde que trente-huit ans après la mort du cardinal ; qu’il ne fut imprimé que quarante-deux ans après cette mort ; qu’on n’en a jamais vu l’original signé de lui ; que le livre est très mauvais, et qu’il ne mérite guère qu’on en parle.

 

 ANECDOTE TESTAMENT RICHELIEU

 

 

1 – Nous avons déjà dit que Voltaire ne voulut jamais reconnaître que Richelieu fût l’auteur du Testament politique. Nous ne relèverons plus cette erreur. (G.A.)

 

 

 

 

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