DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : A comme AME - Section X

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SECTION X.

 

 

DE L’ANTIQUITÉ DU DOGME DE L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME.

 

 

 

 

 

FRAGMENT.

 

 

 

 

 

         Le dogme de l’immortalité de l’âme est l’idée la plus consolante, et en même temps la plus réprimante que l’esprit humain ait pu recevoir. Cette belle philosophie était, chez les Egyptiens, aussi ancienne que leurs pyramides : elle était avant eux connue chez les Perses. J’ai déjà rapporté ailleurs cette allégorie du premier Zoroastre, citée dans le Sadder, dans laquelle Dieu fit voir à Zoroastre un lieu de châtiments, tel que le Dardarot ou le Kéron des Egyptiens, l’Hadès et le Tartare des Grecs, que nous n’avons traduit qu’imparfaitement dans nos langues modernes par le mot, enfer, souterrain. Dieu montre à Zoroastre, dans ce lieu de châtiments, tous les mauvais rois. Il y en avait un auquel il manquait un pied : Zoroastre en demanda la raison ; Dieu lui répondit que ce roi n’avait fait qu’une bonne action en sa vie, en approchant d’un coup de pied une auge qui n’était pas assez près d’un pauvre âne mourant de faim. Dieu avait mis le pied de ce méchant homme dans le ciel ; le reste du corps était en enfer.

 

         Cette fable, qu’on ne peut trop répéter, fait voir de quelle antiquité était l’opinion d’une autre vie. Les Indiens en étaient persuadés, leur métempsycose en est la preuve. Les Chinois révéraient les âmes de leurs ancêtres. Tous ces peuples avaient fondé de puissants empires longtemps avant les Egyptiens. C’est une vérité très importante, que je crois avoir déjà prouvée par la nature même du sol de l’Egypte. Les terrains les plus favorables ont dû être cultivés les premiers ; le terrain d’Egypte était le moins praticable de tous, puisqu’il est submergé quatre mois de l’année : ce ne fut qu’après des travaux immenses, et par conséquent après un espace de temps prodigieux, qu’on vint à bout d’élever des villes que le Nil ne pût inonder.

 

         Cet empire si ancien l’était donc bien moins que les empires de l’Asie ; et dans les uns et dans les autres on croyait que l’âme subsistait après la mort. Il est vrai que tous ces peuples, sans exception, regardaient l’âme comme une forme éthérée, légère, une image du corps ; le mot grec qui signifie souffle ne fut longtemps après inventé que par les Grecs. Mais enfin, on ne peut douter qu’une partie de nous-mêmes ne fût regardée comme immortelle. Les châtiments et les récompenses dans une autre vie étaient le grand fondement de l’ancienne théologie.

 

         Phérécide fut le premier chez les Grecs qui crut que les âmes existaient de toute éternité, et non le premier, comme on l’a cru, qui ait dit que les âmes survivaient aux corps. Ulysse, longtemps avant Phérécide, avait vu les âmes des héros dans les enfers ; mais que les âmes fussent aussi anciennes que le monde, c’était un système né dans l’Orient, apporté dans l’Occident par Phérécide. Je ne crois pas que nous ayons parmi nous un seul système qu’on ne retrouve chez les anciens ; ce n’est qu’avec les décombres de l’antiquité que nous avons élevé tous nos édifices modernes.

 

 

 

 

A comme AME - Section 10

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