CORRESPONDANCE - Année 1749 - Partie 3

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à M. le comte d’Argental  (1)

 

 

         Tout malade que je suis, je vais chercher un … (2), pour tâcher de travailler sous vos yeux (3) avec deux hommes aimables qui vous sont attachés ; nous serons trois qui vous appartiendrons.

 

         M. Roselli (4) a renvoyé le discours à Marmontel, disant qu’il avait des raisons pour ne pas s’en charger. Le Catilina et la Sémiramis sont une grande affaire d’Etat. Ne me mettra-t-on pas à la Bastille ?

 

 

1 – Ce billet, que les éditeurs de Cayrol et A. François ont daté de 1745, ne peut être antérieur à 1749. (G.A.)

 

2 – Mot illisible. (A. François.)

 

3 – Sans doute à Nanine. (G.A.)

 

4 – Acteur de la comédie qui joua dans Aristomène, tragédie de Marmontel, et à qui l’auteur avait sans doute proposé un discours pour la première représentation. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Marmontel

Mercredi au soir.

 

         Voici votre second triomphe (1), mon cher ami, dans un art bien difficile. Vous en avez deux autres par-devers vous à l’Académie. Je vous avertis que je quitte ma place, si je n’ai pas, à la première occasion, le bonheur de vous avoir pour confrère. Je suis arrivé à Paris trop tard pour être témoin de vos succès. La première chose que j’ai faite a été de m’en informer, et la seconde, de vous dire que j’y suis aussi sensible que vous-même. Quelle joie pour notre cher Vauvenargues, s’il vivait : J’ai relu son livre (2) à Versailles ; c’était bien là le germe d’un grand homme que les sots ne connaîtront pas. Vale.

 

 

1 – Aristomène, jouée le 30 Avril. (G.A.)

 

2 – L’Introduction à la connaissance de l’esprit humain. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Helvétius

2 Mai (1).

 

         Our friendship is so well known, my dear young Apollo, that every body resorts to me, in order to obtain your benevolence. I cannot deny a letter of recommandation, tho’ it should be quite of no purpose. I am very far from praying upon you ; but men are desirous of words. Give words to them, if you cannot better.

 

         I long after the pleasure seeing you at Châlons. All the house presents its services to you. − Farewell ? my dear friend.

 

 

1 -  Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

 

TRADUCTION

 

 

           Notre amitié est si connue, mon jeune et cher Apollon, que tout le monde s’adresse à moi pour obtenir votre bienveillance. Je ne peux refuser une lettre de recommandation, quoiqu’elle soit inutile. Je suis donc fort éloigné de vous presser d’y avoir égard ; mais les hommes sont avides de mots. Donnez-leur des mots, si vous n’avez rien de mieux.

 

           Je meurs d’envie de vous voir à Châlons. Toute la maison vous fait mille amitiés. Adieu, mon cher ami.

 

 

 

 

 

à M. de Moncrif

Mercredi (1).

 

         A quelle heure, mon très cher confrère, voulez-vous que nous allions, ce matin, chez monseigneur le cardinal de Rohan ? Il ne faut pas que nous négligions une affaire qui touche à son succès, et qui fera la gloire et l’avantage de l’Académie (2). Elle saura les services que vous lui avez rendus, et vous serez cher à votre corps, comme vous l’êtes à tous vos amis. J’attends vos ordres, mon aimable ami.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

2 – On voulait que le comte de Clermont siégeât à l’Académie, quoique prince du sang, sans aucune distinction ni présence. (A. François.)

 

 

 

 

 

à Madame la comtesse d’Argental

Ce vendredi, mai 1749.

 

 

         Cela n’est pas vrai, madame, vous ne pouvez pas être malade. On n’écrit point de si jolis billets quand on souffre. J’ai bien peur pourtant que cela ne soit trop vrai, et j’en suis au désespoir. Je viendrai ce soir, mort ou vif, savoir de vos nouvelles. Je travaille, mes chers et adorables anges, à mériter un peu tout ce que vous me dites de charmant.

 

         Zaïre-Nanine-Gaussin sort de chez le moribond, qu’elle n’a point rappelé à la vie, toute jolie qu’elle est. Elle jouera Zaïre et puis Bevildera ; point de Sémiramis. J’attendrai, et j’aurai plus de temps pour y mettre la dernière main, si jamais on peut mettre la dernière main à un ouvrage qu’on veut rendre digne des anges de ce monde.

 

         J’ai fait cent vers à Nanine, mais je me meurs.

 

 

 

 

 

à M. Marmontel

 

Vendredi au soir, mai.

 

 

« Je suis très reconnaissant de l’honneur que me veut faire M. Marmontel. Je ne crains que le nom qu’il veut mettre à la tête de son ouvrage (1). On dit qu’il a eu le plus grand succès. Je vous en fais mon compliment à tous deux. »

 

         Ces paroles sont tirées de l’épître de M. le maréchal de Richelieu, libérateur de Gênes, et grand trompeur de femmes, mais essentiel pour les hommes, écrite aujourd’hui de Marly, à votre ami Voltaire.

 

         Ayez la bonté, mon cher et aimable ami, de lui écrire un petit mot de douceur que vous enverrez chez moi, et que je lui ferai tenir. Il n’y a point de plaisirs purs dans la vie. Je ne pourrai voir demain le second jour de votre triomphe. Je suis obligé d’accompagner madame du Châtelet, toute la journée, pour des affaires qui ne souffrent aucun délai. Si vous recevez ma lettre ce soir, vous pourrez m’envoyer votre poulet pour M. de Richelieu, que je ferai partir sur-le-champ. Te amo, tua tueor, te diligo, te plurimum, etc.

 

 

1 – Aristomène fut dédié à Richelieu. (G.A.)

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental

… Mai 1749 (1).

 

 

         Je demande les plus humbles pardons à mes anges ; mais avant qu’on ait remercié le roi (2), les ministres, les commis, serré la main aux valets de chambre, dit des douceurs au suisse, apaisé ses camarades, stipulé avec le sieur Dufour, pris en paiement des billets, remis encore par bonté imbécile une petite partie de la somme, etc., etc., il se passe bien du temps, et on peut revenir souper le mardi à Paris. Cependant, pour vous faire amende honorable, je vais repolir encore un ouvrage que vous aimez (3), et qui, sans vous, n’aurait jamais mérité d’être aimé du public. Je travaille ici pour vous plaire, et c’est ma consolation en me privant du plaisir de vous faire ma cour.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

2 – Le 27 Mai, Voltaire avait été autorisé à vendre sa charge de gentilhomme ordinaire, tout en conservant le titre. (G.A.)

 

3 – Nanine. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le marquis Rouillé du Coudray

 

 

         Voilà ce qu’un citoyen fort zélé, et peut-être un peu bavard, avait griffonné il y a quelques jours (1). Si cela amuse M. du Coudray, s’il daigne en amuser M. le contrôleur-général, le bavard sera très honoré.

 

         M. du Coudray est très humblement supplié de renvoyer le manuscrit à Paris dans la rue Traversine, quand il s’en sera ennuyé.

 

 

1 – Voyez la Lettre sur le vingtième. (G.A.)

 

 

 

 

à M. Diderot

Juin 1749.

 

         Je vous remercie, monsieur, du livre (1) ingénieux et profond que vous avez eu la bonté de m’envoyer ; je vous en présente un (2) qui n’est ni l’un ni l’autre, mais dans lequel vous verrez l’aventure de l’aveugle-né plus détaillée dans cette nouvelle édition que dans les précédentes. Je suis entièrement de votre avis sur ce que vous dites des jugements que formeraient, en pareil cas, des hommes ordinaires qui n’auraient que du bon sens, et des philosophes. Je suis fâché que, dans les exemples que vous citez, vous avez oublié l’aveugle-né, qui, en recevant le don de la vue, voyait les hommes comme des arbres.

 

         J’ai lu avec un extrême plaisir votre livre, qui dit beaucoup, et qui fait entendre davantage. Il y a longtemps que je vous estime autant que je méprise les barbares stupides qui condamnent ce qu’ils n’entendent point, et les méchants qui se joignent aux imbéciles pour proscrire ce qui les éclaire.

 

         Mais je vous avoue que je ne suis point du tout de l’avis de Saunderson, qui nie un Dieu parce qu’il est né aveugle. Je me trompe peut-être, mais j’aurais, à sa place, reconnu un être très intelligent qui m’aurait donné tant de suppléments de la vue ; et, en apercevant par la pensée des rapports infinis dans toutes les choses, j’aurais soupçonné un ouvrier infiniment habile. Il est fort impertinent de prétendre deviner ce qui est, et pourquoi il a fait tout ce qui existe ; mais il me paraît bien hardi de nier qu’il est. Je désire passionnément de m’entretenir avec vous, soit que vous pensiez être un de ses ouvrages, soit que vous pensiez être une portion nécessairement organisée d’une matière éternelle et nécessaire. Quelque chose que vous soyez, vous êtes une partie bien estimable de ce grand tout que je ne connais pas. Je voudrais bien, avant mon départ pour Lunéville, obtenir de vous, monsieur, que vous me fissiez l’honneur de faire un repas philosophique chez moi, avec quelques sages. Je n’ai pas l’honneur de l’être, mais j’ai une grande passion pour ceux qui le sont à la manière dont vous l’êtes. Comptez, monsieur, que je sens tout votre mérite, et c’est pour lui rendre encore plus de justice que je désire de vous voir et de vous assurer à quel point j’ai l’honneur d’être, etc.

 

 

1 – Lettre sur les aveugles, à l’usage de ceux qui voient. (G.A.)

 

2 – Les Eléments de Newton. (G.A.)

 

 

 

 

 

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