CORRESPONDANCE - Année 1741 - Partie 4

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à M. le comte d’Argental

… Bruxelles (1).

 

 

         Madame du Châtelet fait aux anges les plus tendres compliments. Nous menons ici une vie philosophique bien agréable ; mais je ne suis pas encore philosophe. Adieu, mes adorables anges. Je me mets toujours à l’ombre de vos ailes.

 

         Adoucissez, je vous en prie, Bombarde (2) ; je n’ai jamais mérité qu’il se déclarât contre moi. C’est lui qui a empêché Rameau de mettre Prométhée (3) en musique. Il dit à l’abbé de Voisenon que cet ouvrage ne vaudrait jamais rien, et Voisenon le dit à Rameau. Depuis ce temps-là, l’abbé de Voisenon l’a lu, l’a trouvé très bon, mais il ne l’a donné qu’à Royer (4) ; Je vous avoue que depuis que j’ai achevé ce Prométhée, je le regarde comme un poème digne de votre protection. Valete.

 

 

1 – Nous ne garantissons pas le rang que nous assignons à cette lettre ; mais nous la croyons plutôt du commencement de 1741 que de 1742, date qui lui est donnée par ses éditeurs, MM. de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

2 – Thieriot. (G.A.)

 

3 – L’opéra de Pandore. (A. François)

 

4 – Compositeur médiocre. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Mademoiselle Quinault

Bruxelles, 1er Avril.

 

 

 

         [Sur sa retraite du théâtre et celle de son frère.]

 

 

 

 

 

 

à M. de Mairan

A Bruxelles, le 1er Avril.

 

         Me voici, monsieur, tout à travers du schisme. Je suis toujours le confesseur de votre évangile, au milieu même des tentations. Je vous envoie mon petit grimoire (1) ; vous verrez seulement, par la première partie, si je vous ai bien entendu ; et, en cas que vous trouviez quelques réflexions un peu neuves dans la seconde, vous pourrez montrer mes questions à votre aréopage.

 

         Je serais curieux de savoir si on croit que je suis dans le bon chemin. Voilà tout ce que je prétends. Je ne veux point une approbation, mais une décision. Ai-je tort ? ai-je raison ? ai-je bien ou mal pris vos idées ?

 

         Vous recevrez peut-être la réponse de madame la marquise du Châtelet imprimée, en recevant mon manuscrit. Puisque vous avez eu la patience de lire mon essai sur la métaphysique de Leibnitz (2), vous avez déjà vu que l’amitié ne me donne ni ne m’ôte mes opinions. Ce petit traité, mal imprimé en Hollande, fait partie d’une introduction aux Eléments de Newton qu’on réimprime ; et c’est à madame du Châtelet elle-même que j’adresse et que je dédie cet ouvrage dans lequel je prends la liberté de la combattre. Il me semble que c’est là, pour les gens de lettres, un bel exemple qu’on peut être tendrement et respectueusement attaché à ceux que l’on contredit.

 

         Je me flatte donc que votre petite guerre avec madame du Châtelet ne servira qu’à augmenter l’estime et l’amitié que vous avez l’un pour l’autre. Elle est un peu piquée que vous lui ayez reproché qu’elle n’a pas lu assez votre mémoire. Je voudrais qu’elle fût persuadée des choses que vous y dites autant qu’elle les a lues ; mais songeons, mon cher et aimable philosophe, combien il est difficile à l’esprit humain de renoncer à ses opinions. Il n’y a que l’auteur du Télémaque à qui cela soit arrivé. C’est qu’il aima mieux sacrifier le quiétisme que son archevêché ; et madame du Châtelet ne veut point sacrifier les forces vives, même à vous.

 

         Elle ne peut point convenir qu’il soit possible d’épuiser la force à former des ressorts, et de la reprendre ensuite. Elle trouve là une contradiction qui la frappe. J’ai beau faire ; nous disputons tout le jour, et nous n’avançons point. Voilà pourquoi je veux savoir si son opiniâtreté ne vient pas en partie de ses lumières, et en partie de ce que je soutiens mal votre cause.

 

         Je ne sais par quelle fatalité les dames se sont déclarées pour Leibnitz. Madame la princesse de Colombrano a écrit aussi en faveur des forces vives. Je ne m’étonne  plus que ce parti soit si considérable. Nous ne sommes guère galants ni vous ni moi. Mais vous êtes comme Hercule, qui combattit contre les Amazones sans ménagement, et moi je ne suis dans votre armée qu’un volontaire peu dangereux.

 

         Si nous étions à Paris, la paix serait bientôt faite ; et je me flatte bien que nous dînerions ensemble un jour dans cette belle maison consacrée aux arts, peinte par Lesueur et par Lebrun, et digne de recevoir M. de Mairan.

 

         Adieu, cher ennemi de mes amis ; adieu, mon maître, digne d’être celui de votre illustre et aimable adversaire.

 

P.S. - Depuis cette lettre écrite, je reçois votre billet à l’abbé Moussinot. Ne me répondez point, mon cher philosophe ; le temps est à ménager, quoi qu’en disent les forces-viviers ; mais, si vous croyez que vous me ferez plaisir en montrant à l’Académie de quelle façon je pense ; si on peut voir par mon mémoire que je ne suis pas absolument étranger dans Jérusalem, ayez la bonté de le communiquer ; sinon pereat.

 

         Je me tiens pour répondu ; je ne veux pas un mot. Je vous embrasse, je vous estime, je vous aime autant que vous le méritez.

 

 

1 – Nouvelle copie des Doutes. (G.A.)

 

2 – Première partie des Eléments. (G.A.)

 

 

 

 

à M. Helvétius

A Bruxelles, le 3 Avril.

 

 

         J’ai reçu aujourd’hui, mon cher ami, votre diamant, qui n’est pas encore parfaitement taillé, mais qui sera très brillant.

 

         Croyez-moi, commencez par achever la première Epître (1) ; elle touche à la perfection, et il manque beaucoup à la seconde.

 

         Votre première Epître, je vous le répète, sera un morceau admirable : sacrifiez tout pour la rendre digne de vous ; donnez-moi la joie de voir quelque chose de complet sorti de vos mains. Envoyez-la moi dans un paquet un peu moins gros que celui d’aujourd’hui. Il n’est pas besoin de page blanche. D’ailleurs, quand vous en gardez un double, je puis aisément vous faire entendre mes petites réflexions. J’ai autant d’impatience de voir cette épître arrondie que votre maîtresse en a de vous voir arriver au rendez-vous. Vous ne savez pas combien cette première épître sera belle, et moi je vous dis que les plus belles de Despréaux seront au-dessous ; mais il faut travailler, il faut savoir sacrifier des vers ; vous n’avez à craindre que votre abondance, vous avez trop de sang, trop de substance ; il faut vous saigner et jeûner. Donnez de votre superflu aux petits esprits compassés, qui sont si méthodiques et si pauvres, et qui vont si droit dans un petit chemin ce mois-ci ; je vous donne rendez-vous à Lille ; nous y ferons jouer Mahomet ; La Noue le jouera, et vous en jugerez. Vous seriez bien aimable de vous arranger pour cette partie.

 

         J’ai peur que nous n’ayons pas raison contre Mairan, dans le fond ; mais Mairan a un peu tort dans la forme, et madame du Châtelet méritait mieux. Bonsoir, mon cher poète philosophe ; bonsoir, aimable Apollon.

 

 

 

1 – Voyez les Conseils à Helvétius. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

à M. l’abbé Moussinot

Bruxelles.

 

         M. de Froulai (1) de Tessé, frère de l’ambassadeur de Venise, et bailli de Malte, a une lettre de change de 2,400 livres signée Voltaire ; cela est payable à vue. Je viens d’en donner une autre de 2,000 livres au sieur Desvignes, à quinze jours de vue ; il ne m’en a payé que la moitié. Sans vous commettre en aucune façon, vous pouvez payer moitié, et me donner le loisir de prendre un arrangement certain pour l’autre moitié. Usez donc de votre prudence ordinaire pour ne rien hasarder.

 

         Plus, j’ai donné à M Dagieu, notre ministre à Bruxelles, une lettre de change de 500 et tant de livres ; ma foi, je ne me souviens pas de combien. J’ai la tête si embrouillée, ces jours-ci, de métaphysique, que j’ai oublié cette affaire temporelle. Le fait est qu’un nommé l’Hôte vous présentera cette lettre de change, qu’elle est signée de votre ami, et qu’elle est payable à vue. Ayez la bonté de donner dix écus à *** (2), s’il est toujours dans le même état de misère où son oisiveté et sa vanité ont la mine de le laisser longtemps.

 

         Bonsoir.

 

 

1 – Cousin germain de la marquise du Châtelet. (G.A.)

 

 

2 – M. Clogenson croit qu’il s’agit d’Arnaud. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Thieriot

Bruxelles, ce 6 avril 1740.

 

 

         J’étais instruit du quiproquo avant d’avoir reçu votre lettre, et j’avais heureusement déjà renvoyé à M. des Alleurs l’original de la main de M. de Poniatowski. Ainsi je crois que la petite méprise est entièrement réparée, et que M. des Alleurs verra que ce malentendu vient uniquement du secrétaire et non de vous. Il ne mettra dorénavant sa délicatesse qu’à vous aimer davantage.

 

         J’ignore, comme vous, pour le présent, les arrangements de votre pension. Le roi de Prusse a eu la bonté de m’écrire du 19 Mars (1), du fond de la Silésie ; mais quoique j’eusse trouvé le secret de le faire souvenir en vers de vous et de du Molard, et de quelques petits projets concernant les belles-lettres, il n’est occupé présentement que de récompenser ceux qui ont pris le grand Glogau.

 

         Je suis très sûr que les Muses auront leur tour après Bellone, et que vous aurez infailliblement votre pension. Sa Majesté ne me dit point que M. de Maupertuis soit déjà en Silésie ; apparemment qu’il était parti depuis cette lettre écrite.

 

         Je suis fâché que M. du Molard se soit dégoûté sitôt ; il me semble que sa majesté voulait lui donner une pension de deux mille livres ; mais il y a toujours dans toutes les affaires quelque chose qu’on ne voit point et qui change les choses que l’on voit.

 

         Je m’intéresse tendrement aux vôtres, et je me flatte que votre pension assurée et bien payée vous mettra en état de jouir d’un loisir heureux et de cette indépendance nécessaire au bonheur, surtout à un certain âge, où il faut vivre et penser un peu pour soi.

 

         Je vous enverrai cette édition moitié imprimée, moitié manuscrite. Vous y trouverez quelques changements à la Henriade, et à tous mes autres ouvrages. Je ne sais ce qu’est devenue l’édition que le roi de Prusse avait fait commencer en Angleterre. L’entreprise de la Silésie a tout suspendu.

 

         On dit que les belles-lettres sont encore plus négligées à Paris qu’à Berlin. La comédie est tombée par la retraite de Dufresne et de mademoiselle Quinault. Les petits vers dont vous me parlez, et qui m’échappent quelquefois dans mes lettres, ne ressusciteront pas la littérature : ces bagatelles n’ont de prix qu’autant qu’elles font l’agrément de la société ; mais ce n’est rien pour le public. Il est plus difficile de faire dix vers dans le goût de Boileau, que mille dans celui de Chapelle et de Chaulieu.

 

         On dit qu’on va rejouer l’Enfant prodigue, malgré le mal qu’on vous en a dit. On a réimprimé aussi mes pièces fugitives et mes épîtres (2), mais on n’y a pas mis les corrections d’un homme difficile (3) qui voulait, au lieu de

 

 

Le chien meurt en léchant le maître qu’il chérit,

 

 

mettre :

 

 

Le chien lèche en criant le maître qui le bat.

 

 

         Je crois qu’à présent vous n’êtes plus tant de l’avis de ce juge sévère, qui critique et qui corrige si bien. Je n’ai jamais vu d’homme à humeur qui eût le goût sur. Vous penserez toujours mieux par vous-même que quand vous vous prêterez au jugement des demi-poètes qui critiquent tous les vers, et des demi-philosophes qui veulent douter de tout.

 

         J’ai grand intérêt que vous consultiez toujours avec moi votre propre cœur. Le mien est toujours plein pour vous de la plus véritable amitié, et vous me trouverez toujours tel que j’ai été dans tous les temps. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur ; j’attends pour vous le mois de juin avec plus d’impatience que l’élection d’un empereur ; car peu m’importe qu’il y ait des césars, et il m’importe beaucoup que mon ami soit heureux.

 

 

1 – On n’a pas cette lettre, ni les vers dont Voltaire parle ensuite. (G.A.)

 

2 – Les Discours sur l’Homme. (G.A.)

 

3 – La Popelinière. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental

A Bruxelles, le 7 Avril 1741.

 

 

 

O vous, qui cultivez les vertus du vrai sage,

L’amour des arts et l’amitié,

Vous dont la charmante moitié

Augmente encor vos goûts, puisqu’elle les partage !

De mon esprit lassé qu’énervait sa langueur

Vous avez ranimé la verve dégoûtée ;

Vous rallumez dans moi ce feu de Prométhée

Dont la froide physique avait éteint l’ardeur.

Ranimez donc Paris où les beaux-arts gémissent

Sans récompense et sans appui.

Qu’on pense comme vous, j’y revole aujourd’hui.

 

Mais de la France, hélas ! les jours heureux finissent ;

Apollon négligé fuit en d’autres climats.

De nos maîtres en vain j’avais suivi les pas,

En vain par une heureuse et pénible industrie

J’ai d’un poème épique enrichi ma patrie.

Hélas ! quand je courais la carrière des arts,

La détestable Envie, aux farouches regards,

La Persécution m’accabla de ses armes,

Sur mes lauriers flétris je répandis des larmes,

Je maudis mes travaux, et mon siècle, et les arts ;

Je fuyais une gloire ou funeste ou frivole

Qui trompe ses adorateurs.

Mais vous me rengagez ; un ami me console

Des jaloux, des bigots, et des persécuteurs.

 

 

         C’est vous, mon cher ange gardien, qui m’encourageâtes à donner Alzire ; c’est vous qui avez corrigé Mahomet ; et je ne veux que vos conseils et vos suffrages. Il n’y a plus moyen de le faire jouer à Paris, après le départ de Dufresne ; mais j’ai voulu au moins essayer quel effet il ferait sur le théâtre. J’ai à Lille des parents. La Noue y a établi une troupe assez passable ; il est bon acteur, il ne lui manque que de la figure ; je lui ai confié ma pièce comme à un honnête homme dont je connais la probité. Il ne souffrira pas qu’on en tire une seule copie. Enfin c’est un plaisir que j’ai voulu donner à madame du Châtelet, et que je voudrais bien que vous pussiez partager. Mais commencez par guérir vos yeux et la fièvre de madame d’Argental. Soyez bien sûr que, quoique acteur, j’aime mieux votre santé que mon ouvrage.

 

         On dira que je ne suis plus qu’un auteur de province ; mais j’aime encore mieux juger moi-même de l’effet que fera cet ouvrage, dans une ville où je n’ai point de cabale à craindre, que d’essuyer encore les orages de Paris. J’ai corrigé la pièce avec beaucoup de soin, et j’ai suivi tous vos conseils. La représentation m’éclairera encore, et me rendra plus sévère. C’est une répétition que je fais faire en province, pour donner la pièce à Paris, quand vous le jugerez à propos. Ce sont vos troupes que j’exerce sur la frontière.

 

         Je ne sais qui a pu faire courir le bruit que j’étais brouillé avec le roi de Prusse ; on l’a même imprimé ; la chose n’en est pas moins fausse. S’il m’avait retiré ses bontés, il serait vraisemblable que le tort serait de son côté ; car, quand on se brouille avec un roi, il est à croire que le roi a tort. Mais je ne veux pas laisser à mes ennemis le plaisir de croire que le roi de Prusse ait ce tort-là avec moi. Il me fait l’honneur de m’écrire aussi souvent qu’autrefois, et avec la même bonté.

 

         Il est vrai qu’il a été un peu piqué que je l’aie quitté trop tôt ; mais le motif de mon départ de Berlin a dû augmenter son estime pour moi. Il n’a jamais compté que je pusse quitter madame du Châtelet. Il me connaît trop ; il sait quels droits à l’amitié, et il les respecte.

 

         J’avoue que j’aurais à Berlin un peu plus de considération qu’à Paris ; mais il n’y a pour moi ni Paris ni Berlin, il n’y a que les lieux qu’habite votre amie ; et, si je pouvais vivre entre elle et vous, je n’aurais plus rien à désirer.

 

         Elle répond à M. de Mairan. Cette guerre n’est pas susceptible d’esprit ; cependant elle y en a mis, en dépit du sujet. Elle y a joint de la politesse, car on porte son caractère partout.

 

         Elle fait mille compliments aux anges.

 

 

 

 

 

à M.L.C.L (1)

15 Avril 1741.

 

 

         Monsieur, si vous voulez vous appliquer sérieusement à l’étude de la nature, permettez-moi de vous dire qu’il faut commencer par ne faire aucun système. Il faut se conduire comme les Boyle, les Galilée, les Newton ; examiner, peser, calculer et mesurer, mais jamais deviner. M. Newton n’a jamais fait de système ; il a vu, et il a fait voir ; mais il n’a point mis ses imaginations à la place de la vérité. Ce que nos yeux et les mathématiques nous démontrent, il faut le tenir pour de vrai. Dans tout le reste, il n’y a qu’à dire : j’ignore.

 

         Il est incontestable que les marées suivent exactement le cours du soleil et de lune ; il est mathématiquement démontré que ces deux astres pèsent sur notre globe, et en quelles portions ils pèsent ; de là Newton a non seulement calculé l’action du soleil et de la lune sur les marées de la terre, mais encore l’action de la terre et du soleil sur les eaux de la lune (supposé qu’il y en ait). Il est étrange, à la vérité, qu’un homme ait pu faire de telles découvertes : mais cet homme s’est servi du flambeau des mathématiques, qui est la grande lumière des hommes.

 

         Gardez-vous donc bien, monsieur, de vous laisser séduire par l’imagination. Il faut la renvoyer à la poésie, et la bannir de la physique : imaginer un feu central pour expliquer le flux de la mer, c’est comme si on résolvait un problème avec un madrigal.

 

         Qu’il y ait du feu dans tous les corps, c’est une vérité dont il n’est pas permis de douter : il y en a dans la glace même, et l’expérience le démontre ; mais qu’il y ait une fournaise précisément dans le centre de la terre, c’est une chose que personne ne peut savoir, et que par conséquent on ne peut admettre en physique.

 

         Quand même ce feu existerait, il ne rendrait raison ni des grandes marées, ni pourquoi les marées retardent avec la lune des équinoxes et des solstices, ni de celles des pleines lunes, ni pourquoi les mers qui ne communiquent point à l’Océan n’ont aucune marée, etc. Donc il n’y aurait pas la moindre raison d’admettre ce prétendu foyer pour cause du gonflement des eaux.

 

         Vous demandez, monsieur, ce que deviennent les eaux des fleuves portées à la mer. Ignorez-vous qu’on a calculé combien l’action du soleil, à un degré de chaleur donné, dans un temps donné, élève d’eau pour la résoudre ensuite en pluies par le secours des vents ?

 

         Vous dites, monsieur, que vous trouvez très mal imaginé ce que plusieurs auteurs avancent, que les neiges et les pluies suffisent à la formation des rivières ; comptez que cela n’est ni bien ni mal imaginé, mais que c’est une vérité reconnue par le calcul. Vous pouvez consulter sur cela Mariotte et les Transactions d’Angleterre.

 

         En un mot, monsieur, s’il m’est permis de répondre à l’honneur de votre lettre par des conseils, lisez les bons auteurs qui n’ont que l’expérience et le calcul pour guides ; et ne regardez tout le reste que comme des romans indignes d’occuper un homme qui veut s’instruire. J’ai l’honneur d’être, etc.

 

 

1 - Lettre imprimée dans la Bibliothèque française. (G.A.)

 

 

 

CORRESPONDANCE 1741 - Partie 4

 

 

 

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