CORRESPONDANCE - Année 1746 - Partie 6

Publié le par loveVoltaire

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à M. de Vauvenargues

Mai 1746.

 

         Quoi ! la maladie m’empêche d’aller voir le plus aimable de tous les hommes, et ne m’empêche pas d’aller à Versailles ! Je rougis et je gémis de cette cruelle contradiction, et je ne peux me consoler qu’en me plaignant à vous de moi-même. Vous m’avez laissé des choses admirables dans lesquelles je vois que vous m’aimez. Je vous jure que je vous le rends bien. Je sens combien il est doux d’être aimé d’un génie tel que le vôtre. Je vous supplie, monsieur, si vous voyez MM. les Observateurs (1), de leur dire que je viens de m’apercevoir d’une faute énorme du copiste dans la petite lettre au roi de Prusse. (2).

 

 

Comme un carré long est une contradiction.

 

 

Il faut :

 

Comme un carré plus long que large est une contradiction.

 

 

         Adieu. Que j’ai de choses à vous dire et à entendre !

 

 

1 – Marmontel et Bauvin. (G.A.)

 

2 – Lettre du 23 Janvier 1738. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame la comtesse de Verteillac

A Paris, ce 21 Mai 1746.

 

 

         Je n’ai entendu parler, madame, ni de marquis Scipion Maffei, ni de sa Mérope (1).Je viendrai recevoir vos ordres dès que ma santé me permettra de sortir. Il y a longtemps que vous savez quelle est mon ambition de vous faire ma cour. Cette passion a été jusqu’ici malheureuse, mais je me flatte qu’enfin la persévérance sera récompensée. J’ai l’honneur, etc.

 

 

1 – L’ambassadeur Tron avait apporté de Vérone des Mérope italiennes pour être distribuées de la part de Maffei. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. de Vauvenargues

Paris, ce 26 Mai 1746. (1)

 

 

         Nos amis (2), monsieur, peuvent continuer leurs feuilles. M. de Boze (3) fermera les yeux, mais il faut les fermer aussi avec lui, et ignorer qu’il veut ignorer cette contrebande de journal. Le chevalier de Quinsonas a abandonné son Spectateur (4). Il ne s’agit plus, pour les Observateurs, que de trouver un libraire accommodant et honnête homme, ce qui est plus difficile que de faire un bon journal. Qu’ils se conduisent avec prudence, et tout ira bien. Je vous attends à deux heures et demie.

 

 

1 – Ou plutôt, 28 Mai. (G.A.)

 

2 – Marmontel et Bauvin. (G.A.)

 

3 – Inspecteur de la librairie. (G.A.)

 

4 – Quinsonas n’était que collaborateur au Spectateur littéraire, fondé par Favier. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. de Vauvenargues

Ce lundi, 28 Mai (1).

 

 

         J’ai peur d’être né dans le temps de la décadence des lettres et du goût ; mais vous êtes venu empêcher la prescription, et vous me tiendrez lieu du siècle qui me manque. Bonjour, aimable et homme de génie ; vous me ranimez, et je vous en ai bien de l’obligation. Je vous soumettrai mes sentiments et mes ouvrages. Votre société m’est aussi chère que votre goût m’est précieux.

 

 

1 – Ou plutôt, 30 Mai. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame la Comtesse de Verteillac

A Paris, ce 30 Mai 1746.

 

 

         Il est très vrai, madame, que, si mon goût décidait de ma conduite, il y a longtemps que je vous aurais fait ma cour. Je n’ai reçu que des paquets de M. le cardinal Querini, et il y a plus de trois ans que je n’ai des nouvelles de M. Maffei. J’ai reçu une Mérope, mais c’est une traduction hollandaise  (1) de ma tragédie jouée à Amsterdam. Voilà, madame, toutes les nouvelles que j’ai des Mérope. J’ai demandé aux gens de madame du Châtelet et aux miens s’ils n’avaient point reçu de paquet ; on ne m’a donné aucun éclaircissement. J’aurai l’honneur de venir vous assurer de mon profond respect.

 

 

1 – Par Jean Feitama. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. de Vauvenargues

Mai 1746.

 

 

         Je vais lire vos portraits (1). Si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. Je vous embrasse tendrement.

 

 

1 – Ses Caractères, qui font partie de ses Œuvres posthumes. Le manuscrit que l’on possède est corrigé de la main de Voltaire. (G.A.)

 

 

 

 

 

au Cardinal Querini

1 Giugno 1746.

 

         Eminenza, sono strinto ora, con un forte e dolce nodo, a l’eminenza vostra. Mentre che ella e aggregata all’ Accademia della Crusca, ricevo il medesimo onore ; ed il discepolo viene introdotto sotto il patrocinio del maestro. L’Accademia ha voluto, in una volta, acquistare un compagno paesano, ed un servidore forestiero.

 

         Il signore principe di Craon mi ha fatto l’ onore d’informarmi della singolare bontà dell’ Accademia verso di me, e ne ho risentito tanto più di giubilo, e di riconoscenza, quanto più questa pregiatissima grazia m’intitola ai vostri nuovi favori.

 

         Spero che vostra eminenza avrà ricevuto le mie lettere del passato mese, colla lettera di ringraziamento al suo degno nipote che misi nel di lei piego.

 

         Se ben mi rammento, presi l’ardire, nella mia ultima scritta (1), di richiederla d’un favore. La pregai, come la prego ancora umilmente, e colle più vive premure, di degnarsi darmi alcuni rischiarimenti sopra la difficoltà mossa tra noi intorno ai nostri Commedianti, che rappresentano, in presenza del re e di tutta la corte, tragedie e commedie scritte con la più severa decensa, adornate di tutti i principj della vera virtù, e soldamorale. Non pare nè giusto nè convenevole che quelli che vengono pagati dal re, per rappresentare tali onorevoli componimenti, restino indegnamente onfusi con quelli antichi istrioni barbari, che andavano sfacciatamente tratrenendo la più infima plebe colle più vilit brutture. Eglino meritavano la scomunica delle Chiesa, et la secera correzione dei magistrati ; ma, essendo i temi ed i costumi felicemente cambiati, sembra offi convenevole ai più savj personnagi che si faccia la giusta distingzione tra quelli che meritano il nome d’infami, e questi che sono degni d’essere assunti nel numero de’ piu degni cittadini. Supplico vostra eminza di degnarsi dirmi come s’usi con loro in Roma, e qual sia il di lei parere sopra tal caso. Aggiungero questo nuovo favore a tanti che si è compiacciuta di compartirmi.

 

 

1 – Voltaire avait adressé ces questions à Cerati, le 6 Avril. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame la comtesse de Vertaillac

A Paris, ce 3 Juin 1746.

 

 

         Vous jugez bien, madame, que, si j’avais reçu le paquet, il y a cinq mois, il y aurait cinq mois que j’aurais eu l’honneur de vous le porter. J’ai eu celui d’aller chez vous et chez M. l’ambassadeur de Venise. Je fais toutes les diligences possibles pour savoir si le paquet n’aurait point été porté à Versailles où je demeurais pour lors, chez M. le duc de Richelieu. Vous sentez, madame, combien je regretterais la perte d’un manuscrit de M. de Maffei, et combien je sentirais cette perte redoublée par celle que vous feriez. Madame du Châtelet a fait chercher, ces jours-ci, dans son appartement de Versailles, et assurément on ne négligera rien pour retrouver une chose si intéressante. J’ai l’honneur d’être avec respect.

 

 

 

 

 

à M***   (1)

 

A L’OCCASION DE LA LETTRE DE M. D’ARGENSON A M. VAN HOEY,

AMBASSADEUR DES PROVINCES-UNIES (2)

 

Juin.

 

 

         Le roi mon maître, monsieur, qui ne prend de parti dans les querelles de l’Europe que celui du bien public et de la paix nécessaire qu’il désire, a lu avec beaucoup d’attention la lettre que le roi de France a fait écrire par son ministre à l’ambassadeur des états-généraux au sujet du prince Charles-Edouard, et de ses partisans qui ont succombé par le sort de la guerre, après des prodiges de valeur. Le roi mon maître en eût écrit autant, s’il en eût été requis, quoiqu’il ne soit pas lié par le sang à la maison de Stuart, et le mérite du prince Edouard peut suffire pour engager tout monarque, ami du courage et de la clémence, à faire une telle démarche.

 

         Nous avons été étrangement surpris dans notre cour que plusieurs personnes à Paris aient trouvé dans cette lettre, écrite au nom du roi de France, trop peu de hauteur, et que le conseil de Londres l’ait jugée trop audacieuse.

 

         Notre cour, qui ne se détermine ni par les cabales qui peuvent partager Paris, ni par l’esprit qui anime la cour de Saint-James, a pensé unanimement que cette déclaration des sentiments du roi de France est digne à la fois d’un roi très chrétien qui fait la guerre en voulant la paix, et qui a la vertu de représenter à son ennemi même ce que les rois doivent à l’humanité. Non seulement nous avons regardé cette démarche comme une action de générosité, mais comme une ouverture d’accommodement. Nous sommes persuadés ici de deux choses, que le ministère de France veut sincèrement la paix et qu’il fera toujours la guerre avec vigueur.

 

         Il serait bien temps que cette guerre, dont nous ne laissons pas de ressentir les effets par l’interruption de notre commerce, pût finir ; nous l’avons espéré quand nous avons vu que la plus grande partie des Provinces-Unies la désirait de bonne foi, et que le roi  de France avait poussé ce grand ouvrage jusqu’à signer avec le roi de Sardaigne un traité qui devait contenter plus d’une partie intéressée, et produire sûrement le bien général. Dieu n’a pas permis que des intentions si nobles et une politique si admirable aient eu leur effet ; mais il est bien difficile qu’à la fin elles ne réussissent pas ; car j’ose dire qu’un roi puissant et bien servi, qui désire réellement la paix, ne peut longtemps la désirer en vain. Il serait bien étrange que le roi très-chrétien la proposât dans Anvers, à la tête de plus de cent mille hommes, et ne l’obtînt pas. Mais alors qui devrions-nous bénir, qui devrions-nous condamner ? A qui imputer le malheur de l’Europe, et sur qui en tomberont les calamités ? etc.

 

         Au reste, monsieur, soyez persuadé que ce sont les ennemis de cette paix qui font courir tous les petits bruits dont vous me parlez, qui accréditent des rumeurs ridicules, et qui chargent un ministère si bien intentionné de leurs propres discours, et de leurs expressions basses et indécentes. Nous recevons ici toutes ces petites calomnies avec le mépris qu’elles méritent.

 

 

1 – Editeurs de Cayrol et A. François. − Cette lettre diplomatique a été écrite après la bataille de Culloden, qui ruina les espérances de Charles-Edouard. Une note placée au commencement de la page porte : « Lettre de M***, chambellan du roi de P…., à M***. » On sait que Voltaire servit plus d’une fois de sa plume et par des démarches secrètes la politique généreuse du ministère de cette époque. (A. François.) − Il faudrait réunir cette lettre aux Pièces officielles. (G.A.)

 

2 – Voyez la lettre à d’Argenson du 15 Avril. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le marquis d’Argenson

A Paris, samedi, 10 Juin 1746 (1).

 

 

         Je vous ai envoyé ce matin le petit billet, je voulais avoir l’honneur de vous voir. Vous ne me faites rien dire. Sachez que j’ai dit à madame de Pompadour que vous pourriez bien la venir voir aujourd’hui. Voulez-vous que j’aie l’honneur de vous y accompagner ? Je vous dirais en chemin bien des choses ; mais vous en avez trop à faire. Comptez que personne ne vous est plus solidement attaché que madame du C… et V…

 

         La paix, monseigneur, la paix, et vous êtes un grand homme, même parmi les sots.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

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