COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 12

Publié le par loveVoltaire

COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 12

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COMMENTAIRE

 

SUR L'ESPRIT DES LOIS.

 

 

 

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- Partie 12 -

 

 

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COMMENTAIRE

 

SUR QUELQUES PRINCIPALES MAXIMES

 

DE L'ESPRIT DES LOIS.

 

 

 

 

XXI.

 

 

 

 

 

 

      "Pour aimer la frugalité, il faut en jouir. Ce ne seront point ceux qui sont corrompus par les délices qui aimeront la vie frugale. Et si cela avait été naturel et ordinaire, Alcibiade n'aurait pas fait l'admiration de l'univers." (Pages 48 et 49, livre V, chapitre IV.)

 

      Je ne prétends point faire des critiques grammaticales à un homme de génie ; mais j'aurais souhaité qu'un écrivain si spirituel et si mâle se fût servi d'une autre expression que celle de jouir de la frugalité. J'aurais désiré bien davantage qu'il n'eût point dit qu'Alcibiade fut admiré de l'univers pour s'être conformé dans Lacédémone à la sobriété des Spartiates.Il ne faut point, à mon avis, prodiguer ainsi les applaudissement de l'univers. Alcibiade était un simple citoyen, riche, ambitieux, vain, débauché, insolent, d'un caractère versatile. Je ne vois rien d'admirable à faire quelque temps mauvaise chère avec les Lacédémoniens, lorsqu'il est condamné dans Athènes par un peuple plus vain, plus insolent et plus léger que lui, sottement superstitieux, jaloux, inconstant, passant chaque jour de la témérité à la consternation, digne enfin de l'opprobre dans lequel il croupit lâchement depuis tant de siècles sur les débris de la gloire de quelques grands hommes et de quelques artistes industrieux. Je vois dans Alcibiade un brave étourdi qui ne mérite certainement pas l'admiration de l'univers, pour avoir corrompu la femme d'Agis, son hôte et son protecteur, pour s'être fait chasser de Sparte, pour s'être réduit à mendier un nouvel asile chez un satrape de Perse, et pour y périr entre les bras d'une courtisane. Plutarque et Montesquieu ne m'en imposent point ; j'admire trop Caton et Marc-Aurèle pour admirer Alcibiade.

 

      Je passe une douzaine de pages sur la monarchie, le' despotisme, et la république, parce que je ne veux me brouiller ni avec le Grand-Turc, ni avec le Grand-Mogol, ni avec la milice d'Alger. Je ferai seulement deux légère remarques historiques sur les deux chapitres que voici.

 

 

 

 

 

 

XXII.

 

 

 

 

 

 

      Chapitre XII, livre V. "Qu'on n'aille point chercher de la magnanimité dans les États despotiques. Le prince n'y donnerait point une grandeur qu'il n'a pas lui-même. Chez lui il n'y a pas de gloire." (Page 65.)

 

     Ce chapitre est court ; en est-il plus vrai ? On ne peut, ce me semble, refuser la magnanimité à un guerrier juste, généreux, clément, libéral. Je vois trois grands vizirs, Kiuperli ou Kuprogli, qui ont eu ces qualités. Si celui qui prit Candie, assiégée pendant dix années, n'a pas encore la célébrité des héros du siège de Troie, il avait plus de vertu, et sera plus estimé des vrais connaisseurs qu'un Diomède, et qu'un Ulysse. Le grand vizir Ibrahim (1), qui dans la dernière révolution s'est sacrifié pour conserver l'empire à son maître Achmet III, et qui a attendu à genoux la mort pendant six heures, avait certes de la magnanimité.

 

 

 

 

 

1 - Ibrahim-Molla, étranglé en 1713. Voyez l'Histoire de Charles XII, livre VII. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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