LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 63
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 63)
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RUTH.
(Chapitre II.) Or, il y avait un parent d'Hélimélech, nommé Booz, homme puissant et très riche (1). Ruth la Moabite dit à sa belle-mère : Si vous me le permettez, j'irai glaner dans quelque champ, et je trouverai peut-être quelque père de famille devant qui je trouverai grâce. Noémi lui répondit : Va, ma fille. Ruth s'en alla donc glaner derrière les moissonneurs... Or, il se trouva que le champ où elle glanait appartenait à Booz, parent d'Hélimélech (beau-père de Ruth)... Bozz dit à un jeune homme, chef des moissonneurs : Qui est cette fille ? Lequel répondit : C'est cette Moabite qui est venue avec Noémi du pays des Moabites... Booz dit à Ruth : Écoute, fille, ne va point glaner dans un autre champ ; mais joins-toi à mes moissonneuses ; car j'ai ordonné à mes gens de ne te point faire de peine, et même, quand tu auras soif, bois de l'eau dont boivent mes gens. Ruth tombant sur sa face, et l'adorant à terre, lui dit : D'où vient cela que j'ai trouvé grâce devant tes yeux,et que tu daignes regarder une étrangère ?
Booz lui répondit : On m'a conté tout ce que tu as fait pour ta belle-mère après la mort de ton mari (2), et que tu as quitté tes parents et la terre de Moab où tu es née, pour venir chez un peuple que tu ne connaissais pas...
Quand l'heure de manger sera venue, viens manger du pain et le tremper dans du vinaigre (3).
Ruth s'assit donc à côté des moissonneurs, mangea de la bouillie, fut rassasiée, et emporta les restes ; elle glana encore, et ayant battu ses épis d'orge, elle en tira environ trois boisseaux ; et retournant chargée à Bethléem, elle donna à sa belle-mère les restes de sa bouillie (chapitre III)... Noémi dit à sa fille : Ma fille, Booz est notre proche parent, et cette nuit il vannera son orge ; lave-toi donc, oins-toi, prends tes plus beaux habits, et va-t-en à son aire ; et quand Booz ira dormir, remarque bien l'endroit où il dormira ; découvre sa couverture du côté des pieds, et tu demeureras là ; il te dira ce que tu dois faire.
Ruth lui répondit : Je ferai ce que vous me commandez... Elle alla donc dans l'aire de Booz, et fit comme sa belle-mère avait dit ... : et Booz ayant bu et mangé, étant devenu plus gai, s'alla coucher contre un tas de gerbes ; et Ruth vint tout doucement, et ayant levé la couverture aux pieds, elle se coucha là (4).
1 - On voit, dans tout ce morceau, quelle était cette simplicité de la vie champêtre qu'on menait alors. Mais ce qu'il y a d'étrange et de triste, c'est que cette simplicité s'accorde avec les mœurs féroces dont nous venons de voir tant d'exemples. Ces mêmes peuples chez lesquels il se trouve un aussi bon homme que Booz, et une aussi bonne femme que Ruth, sont pourtant pires que les suivants d'Attila et de Genseric. Tout ce petit pays en deçà et en delà du Jourdain, jusqu'aux terres des opulents Sidoniens enrichis par le commerce, et jusqu'aux villes florissantes de Damas et de Balbec, était habité par des gens très pauvres et très simples. Booz est appelé un homme puissant et riche parce qu'il a quelques arpents de terre qui produisent de l'orge. Il couche dans sa grange sur la paille ; il vanne son orge lui-même, quoique déjà avancé en âge. Nous avons dit bien souvent que ces temps et ces mœurs n'ont rien de commun avec les nôtres, soit en bien, soit en mal. Leur esprit n'est point notre esprit ; leur bon sens n'est point notre bon sens. C'est pour cela même que le Pentateuque, les livres de Josué et des Juges, sont mille fois plus instructifs qu'Homère et Hérodote.
2 - Il n'y a pas, dira-t-on, une grande générosité à un homme puissant et très riche, tel que Booz est représenté, de permettre de glaner et de boire de l'eau à une femme dont on lui a déjà parlé, dont il devait savoir qu'il était parent, quoiqu'elle fût Moabite. Mais une cruche d'eau était un régal dans ce désert auprès de Bethléem ; et nous avons remarqué que plusieurs voyageurs, et même plusieurs Arabes, y sont morts faute d'eau potable. S'il y a quelques ruisseaux, comme le torrent de Cédron auprès de Jérusalem, il est à sec dans le temps de la moisson. Tout ce qui environne Bethélem est une plaine de sable et de cailloux. C'est beaucoup si, à force de culture, elle produit un peu d'orge.
3 - Le meilleur pain qu'on eût dans ce pays-là était fait d'orge et de seigle qu'on cuisait sous la cendre. On le trempait un peu dans de l'eau et du vinaigre ; ce fut la coutume des peuples d'Orient, et même des Grecs et des Romains ; les soldats n'étaient pas nourris autrement. Ruth, qui était venue à pied du pays de Moab, et qui avait passé le grand désert si elle n'avait pas traversé le Jourdain, ne devait pas être accoutumée à une nourriture fort délicate. Pour peu que l'on ait vu les habitants des Pyrénées et des Alpes, pour peu qu'on ait vu les voyageurs qui ont passé par les monts Krapackzs et par le Caucase, on sera convaincu que la moitié des hommes ne se nourrit pas autrement, et que la pauvreté et la grossièreté, mère de la simplicité, ont toujours été leur partage.
4 - Si les critiques trouvent mauvais que Booz, cet homme si puissant et si riche, s'aille coucher contre un tas de gerbes ou sur un tas de gerbes, comme font encore nos manœuvres après la moisson, ils trouvent encore plus mauvais que Ruth aille se coucher tout doucement dans le lit de Booz. Si ce Booz, disent-ils, devait en qualité de parent épouser cette Ruth, c'était à Noémi, sa mère, à faire honnêtement la proposition du mariage : elle ne devait pas persuader à sa bru de faire le métier de coureuse.
De plus, Noémi devait savoir qu'il y avait un parent plus proche que Booz. C'était donc à ce parent plus proche que l'on devait s'adresser.