LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 68
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 68)
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ROIS.
LIVRE PREMIER.
(Chapitre VIII, v. 1.) Il arriva que Samuel, étant devenu vieux, établit ses enfants juges sur Israël... ; mais ils ne se promenèrent point dans ses voies ; ils déclinèrent vers l'avarice ; ils reçurent des présents ; ils pervertirent la justice (1).
Ainsi donc tous les anciens d'Israël assemblés vinrent vers Samuel à Ramatha, et lui dirent : Voilà que tu es vieux ; tes enfants ne se promènent point dans tes voies ; donne-nous donc un melch, un roitelet, comme en ont tous nos voisins, afin qu'il nous juge.
Ce discours déplut dans les yeux de Samuel, parce qu'ils avaient dit : Donne-nous un roitelet, et Samuel pria au Seigneur.
Et le Seigneur lui dit : Tu entends la voix de ce peuple qui t'a parlé ; ce n'est point toi qu'il rejette, c'est moi ; ils ne veulent plus que je règne sur eux (2).
C'est ainsi qu'ils ont toujours fait depuis que je les ai tirés d'Égypte ; ils m'ont délaissé ; ils ont servi d'autres dieux ; ils t'en font autant.
A présent,rends-toi à leur voix ; mais apprends-leur et prédis-leur quels seront les usages de ce roi qui règnera sur eux.
Samuel rapporta donc le discours de Dieu au peuple qui lui avait demandé un roi, et lui dit :Voyez quel sera l'usage du roi qui vous commandera.
Il prendra vos fils pour en faire ses charretiers, et il en fera des cavaliers, et il en fera des tribuns et des centurions, et des laboureurs de ses champs, et des moissonneurs de ses blés, des forgerons pour lui fairedes armes et des chariots ; et il fera de vos filles ses parfumeuses, ses cuisinières, et ses boulangères ; et il prendra vos meilleurs champs, vos meilleures vignes, et vos meilleurs plants d'oliviers (3), et les donnera à ses valets. Il prendra la dîme de vos blés et de vos vignes pour donner à ses eunuques, et il prendra vos serviteurs et vos servantes, et vos jeunes gens et vos ânes, et les fera travailler pour lui (4).
Et vous crierez alors contre la face de votre roi ; et le Seigneur ne vous exaucera point, parce que c'est vous-mêmes qui avez demandé un roi.
Or le peuple ne voulut point entendre ce discours de Samuel, et lui dit : Non, nous aurons un roi sur nous ; nous serons comme les autres peuples, et notre roi marchera à notre tête, et il combattra nos combats pour nous.
Samuel, ayant entendu les paroles du peuple, les rapporta aux oreilles du Seigneur ; et le Seigneur lui dit : Fais ce qu'ils te disent, établis un roi sur eux. Et Samuel dit aux enfants d'Israël : Que chacun s'en retourne dans sa bourgade.
1 - Il est manifeste que les enfants de Samuel furent aussi corrompus que les enfants d'Héli, son prédécesseur : cependant Samuel conserva toujours son pouvoir sur le peuple.
2 - Ce peuple lui demande enfin un roi ; et Samuel fait dire expressément à Dieu : "Ce n'est point toi qu'il rejette, c'est moi." On fait sur cette parole de Dieu une difficulté : il est certain, dit le docteur Arbuthnol, que Dieu pouvait gouverner aussi aisément son peuple par un roi que par un prêtre ; ce roi pouvait lui être aussi subordonné que Samuel ; la théocratie pouvait également subsister. M. Huet, petit-neveu de l'évêque d'Avranches que nous connaissons sous le nom de Hut, établi en Angleterre, dit dans son livre intitulé The man after God's own heart, qu'il est évident que Samuel voulait toujours gouverner ; qu'il fut très fâché de voir que le peuple voulait un roi ; que toute sa conduite dénote un fourbe ambitieux et méchant. Il n'est pas permis d'avoir cette idée d'un prophète, d'un homme de Dieu. M. Huet le juge selon nos lois modernes ; il le faut juger selon les lois juives, ou plutôt ne le point juger. Nous en parlerons ailleurs. (Voltaire.) - Arbuthnot, dont il est parlé ici, était un médecin écossais, mort en 1735. Voyez, sur M. Hut, l'article DAVID dans le Dictionnaire philosophique, et le drame de SAUL au Théâtre. (G.A.)
3 - Cette énumération de toutes les tyrannies qu'un roi peut exercer sur son peuple semble prouver que M. Huet pourrait être excusable de penser que Samuel voulait inspirer au peuple de l'horreur pour la royauté, et du respect pour le pouvoir sacerdotal. C'est, dit Arbuthnot, le premier exemple des querelles entre l'empire et le sacerdoce. Samuel, dit-il, conatur evincere reges fieri non jure divino, sed jure diabolico.
Il est vrai que dans une histoire profane la conduite du prêtre Samuel pourrait être un peu suspecte ; mais elle ne peut l'être dans un livre canonique.
4 - Pour donner à ses eunuques, semble marquer qu'il y avait déjà des eunuques dans la terre de Canaan, ou que du moins les princes voisins faisaient châtrer des hommes pour garder leurs femmes et leurs concubines. Cet usage barbare est bien plus ancien, s'il est vrai que les pharaons d'Égypte eurent des eunuques du temps de Joseph.
Ceux qui pensent que tous les livres de la sainte Écriture jusqu'au livre des Rois inclusivement, ne furent écrits que du temps d'Esdras, disent que les rois de Babylone furent les premiers qui firent châtrer des hommes, après qu'on eut châtré des animaux pour rendre leur chair plus tendre et plus délicate. Les empereurs chrétiens ne prirent cette coutume que du temps de Constantin.