LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 40
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
________
ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 40)
______
NOMBRE.
Le Seigneur parla ensuite à Mosé, disant (chapitre XXXI, v. 1) : Venge premièrement les enfants d'Israeël des Madianites, et après cela tu mourras, et tu seras réuni à ton peuple aussitôt. Mosé dit au peuple : Faites prendre les armes, afin qu'on venge le Seigneur des Madianites ; prenez mille hommes de chaque tribu. Ils choisirent donc mille hommes de chaque tribu douze mille hommes prêts à combattre. Ils combattirent donc contre les Madianites et tuèrent tous les mâles, et leur roi Evi, Récem, Sur, Hur, et Rébé, et Balaam, fils de Béor ; et ils prirent leurs femmes, leurs petits enfants, leurs troupeaux, tous leurs meubles, et ils pillèrent tout, et ils brûlèrent villes, villages, châteaux...
Et Mosé se mit en colère contre les tribuns et les centurions, et leur dit : Pourquoi avez-vous épargné les femmes ? ne sont-ce pas elles qui ont séduit les enfants d'Israël, selon le conseil de Balaam ? ... Tuez tous les enfants, égorgez toutes les femmes qui ont connu le coït ; mais réservez-vous toutes les filles et toutes les vierges...
Et on trouva que le butin que l'armée avait pris était de six cent soixante et quinze mille brebis, de soixante et douze mille bœufs, soixante et un mille ânes, de trente-deux mille pucelles (1), dont trente-deux furent réservées pour la part du Seigneur.
(Chapitre XXXC, v. 1) Le Seigneur dit encore à Mosé dans les plaines de Moab le long du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho : Ordonne aux enfants d'Israël que des villes qu'ils possèdent, ex possessionibus suis, ils en donnent aux lévites.. et que de ces villes il y en ait six de refue, où les homicides puissent se retirer, et quarante-deux en ouvre, pour les lévites, c'est-à-dire qu'ils aient en tout quarante-huit villes (2).
1 - Les critiques jettent les hauts cris sur cette colère de Mosé, qui n'est pas content qu'on ait tué tous les mâles descendants de la famille d'Abraham comme lui, et chez lesquels il avait pris femme : il veut encore qu'on tue toutes les mères, toutes les femmes qui auront couché avec leur mari, et tous les enfants mâles à la mamelle, s'il en reste encore.
Ils ne peuvent comprendre que dans le camp des Madianites le butin ait été de six cent soixante et quinze mille brebis, de soixante et un mille ânes, de soixante et douze mille bœufs : ils disent qu'on n'aurait pas pu trouver tant d'animaux dans toute l'Égypte. Si on donna trente-deux mille filles aux vainqueurs, ils demandent ce qu'on fit des trente-deux filles réservées pour la part du Seigneur : il n'y eut jamais de religieuses chez les Juifs : la virginité était regardée chez eux comme un opprobre. Comment donc trente-deux pucelles furent-elles la part du Seigneur ? En fit-on un sacrifice ? ces critiques osent l'assurer. Il faut leur pardonner d'être saisis d'horreur à la vue de tant de massacres de femmes et d'enfants. On conçoit difficilement comment il se trouva tant de femmes et d'enfants dans une bataille ; mais rien ne nous apprend que les trente-deux filles offertes au Seigneur aient été immolées. Que devinrent-elles ? le texte ne le dit pas, et nous ne devons pas ajouter une horreur de plus à ces rigueurs qui soulèvent le cœur des incrédules, et qui font détester le peuple juif à ceux mêmes qui lisent l'Écriture avec le plus de respect et de foi.
Le texte dit encore qu'on trouva une immense quantité d'or en bagues, en anneaux, en bracelets, en colliers, et en jarretières. On n'en trouverait certainement pas tant aujourd'hui dans ce désert effroyable : nous avons déjà dit que ces temps-là ne ressemblaient en rien aux nôtres. (Voltaire.) - Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l'article JUIFS, sect. IV. et l'article BETHUSAMÈS.(G.A.)
2 - M. Fréret, et le lord Bolingbrok croient démontrer que ce fut un lévite ignorant et avide qui composa, disent-ils, ce livre dans des temps d'anarchie. Les lévites, disent ces philosophes, n'avaient d'autres possessions que la dîme. "Jamais le peuple juif, dans ses plus grandes prospérités, n'eut quarante-huit villes murées. On ne croit pas même qu'Hérode, leur seul roi véritablement puissant, les possédât. Jérusalem, du temps de David, était l'unique habitation des Juifs qui méritât le nom de ville ; mais c'était alors une bicoque qui n'aurait pas pu soutenir un siège de quatre jours. Elle ne fut bien fortifiée que par Hérode. Ces auteurs, et quelques autres, s'efforcent de faire voir que les Juifs n'eurent aucune ville, ni sous Josué, ni sous les Juges. Comment ce petit peuple errant et vagabond jusqu'à Saûl, aurait-il pu donner quarante-huit villes à des lévites, lui qui fut sept fois réduit en esclavage, de son propre aveu ? Peut-on ne se pas indigner contre le lévite faussaire qui ose dire qu'il faut donner quarante-huit villes à ses compagnons par ordre de Dieu ? Apparemment on devait leur donner ces quarante-huit villes quand les Juifs seraient maîtres du monde entier, et que les rois d'Occident, d'Orient, du Sud, et du Nord, viendraient adorer à Jérusalem, comme il est prédit tant de fois. Ce faussaire prétend encore qu'il devait y avoir six villes de refuge pour les homicides. Voilà assurément une belle police : voilà un bel encouragement aux plus grands crimes. On ne sait ce qui doit révolter davantage, ou de l'absurdité qui fait donner quarante-huit villes dans un désert ou de six villes de refuge dans ce même désert pour y attirer tous les scélérats."
Nos critiques ajoutent encore à ces reproches les contradictions évidentes qui se trouvent dans les mesures de ces villes, rapportées au livre des Nombres.
Nous finissons à regret notre commentaire sur ce livre par cette puissante objection, à laquelle nous croyons pouvoir répondre assez solidement, en disant que ces quarante-huit ville sont annoncée par l'écrivain sacré comme une prédiction de ce qui devait se faire un jour, quand le peuple de Dieu aurait assez de villes pour en céder quarante-huit aux lévites. Nous devons supposer que chaque tribu devait en posséder autant. Ainsi le pays de la Judée aurait eu cinq cent soixante et seize villes considérables. Mais comme les péchés du peuple empêchèrent toujours l'effet des prédictions, celle-ci ne fut pas plus accomplie que les autres ; et loin que les Juifs jouissent de cinq cent soixante et seize villes avec les faubourgs, ce peuple, réduit à deux misérables tribus et demie tout au plus, perdit le peu qu'il avait, et fut, ainsi que les Parsis et les Banjans, et la moitié des Arméniens, réduit à faire le commerce partout, sans avoir d'habitation fixe nulle part.