MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Chapitre XXXIV
Photo de PAPAPOUSS
MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS.
________
CHAPITRE XXXIV.
Ignorances éternelles.
La nature de nos sensations, de nos idées, de notre mémoire, ne nous est-elle pas plus inconnue encore ? Comment se peut-il faire qu'un animal sente ? Quel rapport y a-t-il entre la matière connue et le sentiment ?
Comment une idée se place-t-elle dans notre cervelle ? Peut-on avoir une sensation sans avoir l'idée, la conscience, le témoignage interne qu'on éprouve cette sensation ?
Comment cet animal, à qui j'ai coupé la tête, a-t-il encore des sensations, privé du cerveau d'où partent les nerfs qui sont l'origine de tout sentiment ?
Pourquoi, vivant sans tête des semaines entières, sent-il encore les piqûres que je lui fais ? pourquoi se réfugie-t-il dans son enveloppe à la moindre sensation désagréable que je lui cause ?
Qu'est-ce-que la mémoire ? et dans quel magasin retrouve-t-on quelquefois, sans le vouloir, une foule d'idées et de mots dont on n'avait plus aucun souvenir ?
Comment les animaux ont-ils en songe des sensations et des idées qu'ils n'avaient point eues en veillant ?
Par quel accord incompréhensible la volonté fait-elle obéir incontinent certains muscles, certains viscères, tandis qu'il y en a d'autres sur lesquels elle n'aura jamais le moindre empire ? Enfin pourquoi a-t-on l'existence ? Pourquoi est-il quelque chose ?
Si, après ces réflexions, on ne sait pas douter, il faut qu'on soit bien fier.