MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Chapitre XIII
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MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS.
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CHAPITRE XIII.
Amas de coquilles.
Mille endroits sont remplis de mille débris de testacées, de crustacés, de pétrifications. Mais remarquons, encore une fois, que ce n'est presque jamais ni sur la croupe ni dans les flancs de cette continuité de montagnes dont la surface du globe est traversée ; c'est à quelques lieues de ces grands corps, c'est au milieu des terres, c'est dans des cavernes, dans des lieux où il est très vraisemblable qu'il y avait de petits lacs qui ont disparu, de petites rivières dont le cours est changé, des ruisseaux considérables dont la source est tarie. Vous y voyez des débris de tortues, d'écrevisses, de moules, de colimaçons, de petits crustacés de rivière, de petites huîtres semblables à celles de Lorraine : mais de véritables corps marins, c'est ce que vous ne voyez jamais. S'il y en avait, pourquoi n'aurait-on jamais vu d'os de chiens marins, de requins, de baleines ?
Vous prétendez que la mer a laissé dans nos terres des marques d'un très long séjour. Le monument le plus sûr serait assurément quelques amas de marsouins au milieu de l'Allemagne ; car vous en voyez des milliers se jouer sur la surface de la mer Germanique dans un temps serein. Quand vous les aurez découverts et que je les aurai vus à Nuremberg et à Francfort, je vous croirai ; mais, en attendant, permettez-moi de ranger la plupart de ces suppositions avec celle du vaisseau pétrifié trouvé dans le canton de Berne à cent pieds sous terre, tandis qu'une de ses ancres était sur le mont Saint-Bernard.
J'ai vu quelquefois des débris de moules et de colimaçons qu'on prenait pour des coquilles de mer.
Si on songeait seulement que dans une année pluvieuse il y a plus de limaçons dans dix lieues du pays que d'hommes sur la terre (1), on pourrait se dispenser de chercher ailleurs l'origine de ces fragments de coquillages dont les bords du Rhône et ceux d'autres rivières sont tapissés dans l'espace de plusieurs milles. Il y a beaucoup de ces limaçons dont le diamètre est de plus d'un pouce. Leur multitude détruit quelquefois les vignes et les arbres fruitiers. Les fragments de leurs coques endurcies sont partout. Pourquoi donc imaginer que des coquillages des Indes sont venus s'amonceler dans nos climats quand nous en avons chez nous par millions ? Tous ces petits fragments de coquilles, dont on a fait tant de bruit pour accréditer un système, sont pour la plupart si informes, si usés, si méconnaissables, qu'on pourrait également parier que ce sont des débris d'écrevisses ou de crocodiles, ou des ongles d'autres animaux. Si on trouve une coquille bien conservée dans le cabinet d'un curieux, on ne sait d'où elle vient ; et je doute qu'elle puisse servir de fondement à un système de l'univers.
Je ne nie pas, encore une fois, qu'on ne rencontre à cent milles de la mer quelques huîtres pétrifiées, des conques, des univalves, des productions qui ressemblent parfaitement aux productions marines ; mais est-on bien sûr que le sol de la terre ne peut enfanter ces fossiles ? La formation des agates arborisées ou herborisées ne doit-elle pas nous faire suspendre notre jugement ?
Un arbre n'a point produit l'agate qui représente parfaitement un arbre ; la mer peut aussi n'avoir point produit ces coquilles fossiles qui ressemblent à des habitations de petits animaux marins. L'expérience suivante en peut rendre témoignage.
1 – Voici une assertion plus que hasardée. (DELAVAUT.)