ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS -RODOLPHE II - Partie 52.3
Photo de PAPAPOUSS
RODOLPHE II.
QUARANTE-QUATRIÈME EMPEREUR.
(Partie 3)
1586. Le fanatisme délivre Philippe II du prince d'Orange, ce que dix ans de guerre n'avaient pu faire. Cet illustre fondateur de la liberté des Provinces-Unies est assassiné par Balthazar Gérard, Franc-Comtois ; il l'avait déjà été auparavant par un nommé Jaurigni (1), Biscayen ; mais il était guéri de sa blessure. Salcède avait conspiré contre sa vie, et on observa que Jaurigni et Gérard avaient communié pour se préparer à cette action. Philippe II anoblit tous les descendants de la famille de l'assassin : singulière noblesse ! L'intendant de la Franche-Comté, M. de Vanolles, les a remis à la taille (2).
Maurice, son second fils, succède, à l'âge de dix-huit ans, à Guillaume-le-Taciturne. C'est lui qui devint le plus célèbre général de l'Europe. Les princes protestants d'Allemagne ne le secoururent pas, quoique ce fût l'intérêt de leur religion ; mais ils envoyèrent des troupes en France au roi de Navarre, qui fut depuis Henri IV. C'est que le parti des calvinistes de France était assez riche pour soudoyer ses troupes, et que Maurice ne l'était pas.
1587. Le prince Maurice continue toujours la guerre dans les Pays-Bas contre Alexandre Farnèse. Il fait quelques levées aux dépens des états chez les protestants d'Allemagne : c'est tout le secours qu'il en tire.
Un nouveau trône s'offrit alors à la maison d'Autriche mais cet honneur ne devint qu'une nouvelle preuve du peu de crédit de Rodolphe.
Le roi de Pologne, Étienne Battori, vayvode de Transylvanie, étant mort le 13 décembre 1586, le czar de Russie, Fœdor, se met sur les rangs ; mais il est unanimement refusé. Une faction élit Sigismond, roi de Suède, fils de Jean III et d'une princesse du sang des Jagellons. Une autre faction proclame Maximilien, frère de l'empereur. Tous deux se rendent en Pologne, à la tête de quelques troupes. Maximilien est défait ; il se retire et son compétiteur est couronné.
1588. Maximilien est vaincu une seconde fois par le général de la Pologne, Zamoski. Il est enfermé dans un château après de Lublin ; et tout de ce fait en sa faveur l'empereur Rodolphe, son frère, c'est de prier Philippe II d'engager le pape Sixte V à écrire en faveur du prisonnier.
1589. Maximilien est enfin élargi, après avoir renoncé au royaume de Pologne. Il voit le roi Sigismond avant de partir. On remarque qu'il ne lui donna point le titre de majesté, parce qu'en Allemagne on ne le donnait qu'à l'empereur.
1590. Le seul événement qui peut regarder l'empire, c'est la guerre des Pays-Bas, qui désole les frontières du côté du Rhin et de la Vestphalie. Les cercles de ces provinces se contentent de s'en plaindre aux deux partis. L'Allemagne était alors dans une langueur que le chef avait communiquée aux membres.
1591. Henri IV, qui avait son royaume de France à conquérir, envoie le vicomte de Turenne en Allemagne, négocier des troupes avec les princes protestants : l'empereur s'y oppose en vain ; l'électeur de Saxe, Christiern, excité par le vicomte de Turenne, prêta de l'argent et des troupes ; mais il mourut lorsque cette armée était en chemin, et il n'en arriva en France qu'une petite partie. C'est tout ce qui se passait alors de considérable en Allemagne.
1592. La nomination à l'évêché de Strasbourg cause une guerre civile comme à Cologne, mais pour un autre sujet. La ville de Strasbourg était protestante. L'évêque catholique, résidant à Saverne, était mort. Les protestants élisent Jean-George de Brandebourg, luthérien. Les catholiques nomment le cardinal de Lorraine. L'empereur Rodolphe donne en vain l'administration à l'archiduc Ferdinand, l'un de ses frères, avec une commission pour apaiser ce différend. Ni les catholiques ni les protestants ne le reçoivent. Le cardinal de Lorraine soutien son droit avec dix mille hommes. Les cantons de Berne, de Zurich, et de Bâle, donnent des troupes à l'évêque protestant ; elles sont joints par un prince d'Anhalt, qui revenait de France, où il avait servi inutilement Henri IV. Ce prince d'Anhalt défait le cardinal de Lorraine. Cette affaire est mise en arbitrage l'année suivante ; et il fut enfin convenu, en 1603, que le cardinal de Lorraine resterait évêque de Strasbourg, mais en payant cent trente mille écus d'or au prince de Brandebourg, Jean-George. On ne peut guère acheter un évêché plus cher.
1593. Une affaire plus considérable réveillait l'indifférence de Rodolphe. Amurat III rompait la trêve ; et les Turcs, ravageaient déjà la Haute-Hongrie. Il n'y eut que le duc de Bavière et l'archevêque de Saltzbourg qui fournirent d'abord des secours. Ils joignirent leurs troupes à celles des États héréditaires de l'empereur.
Ferdinand, frère de Rodolphe, avait un fils nommé Charles d'Autriche, qu'il avait eu d'une premier mariage avec la fille d'un sénateur d'Augsbourg. Ce fils n'était point reconnu prince, mais il méritait de l'être. Il commandait un corps considérable. Un comte Montécuculli en commandait un autre ; ceux qui ont porté ce nom ont été destinés à combattre heureusement pour la maison d'Autriche. Les Serin (3), les Nadasti, les Palfi, étaient à la tête des milices hongroises Les Turcs furent vaincus dans plusieurs combats ; la Haute-Hongrie fut en sûreté, mais Bude resta toujours aux Ottomans.
1594. Les Turcs étaient en campagne, et Rodolphe tenait une diète à Augsbourg, au mois de juin, pour s'opposer à eux. Croirait-on qu'il fut ordonné de mettre un tronc à la porte de toutes les églises d'Allemagne pour recevoir des contributions volontaires ? C'est la première fois qu'on a demandé l'aumône pour faire la guerre. Cependant les troupes impériales et hongroises, quoique mal payées, combattirent toujours avec courage. L'archiduc Mathias voulut commander l'armée, et la commanda. L'archiduc Maximilien, qui gouvernait la Carinthie et la Croatie au nom de l'empereur son frère, se joint à lui ; mais ils ne peuvent empêcher les Turcs de prendre la ville de Javarin.
1595. Par bonheur pour les impériaux, Sigismond Battori, vayvode de Transylvanie, secoue le joug des Ottomans pour prendre celui de Vienne. On voit souvent ces princes passer tour à tour d'un parti à l'autre ; destinée des faibles, obligés de choisir entre deux protecteurs très puissants. Battori s'engage à prêter foi et hommage à l'empereur pour la Transylvanie, et pour quelques places de Hongrie dont il était en possession. Il stipule que, s'il meurt sans enfants mâles, l'empereur, comme roi de Hongrie, se mettra en possession de son État ; et on lui promet en récompense Christine, fille de l'archiduc Charles, le titre d'illustrissimus, et l'ordre de la Toison-d'Or.
La campagne fut heureuse ; mais les troncs établis à la porte des églises pour payer l'armée n'étant pas assez remplis, les troupes impériales se révoltèrent, et pillèrent une partie du pays qu'elles étaient venues défendre.
1596. L'archiduc Maximilien commande cette année contre les Turcs. Mahomet III, nouveau sultan, vient en personne dans la Hongrie. Il assiège Agria, qui se rend à composition ; mais la garnison est massacrée en sortant de la ville. Mahomet, indigné contre l'aga des janissaires, qui avait permis cette perfidie, lui fait trancher la tête.
Mahomet défait Maximilien dans une bataille, le 26 octobre.
Pendant que l'empereur Rodolphe reste dans Vienne, s'occupe à distiller, à tourner, à chercher la pierre philosophale, que Maximilien, son frère est battu par les Turcs, que Mathias songe déjà à profiter de l'inaction de Rodolphe pour s'élever, Albert, l'un de ses frères qui était cardinal, et dont on n'avait point entendu parler encore était depuis peu gouverneur de la partie des Pays-Bas restée à Philippe II. Il avait succédé dans ce gouvernement à un autre de ses frères, l'archiduc Ernest, qui venait de mourir après l'avoir possédé deux années sans avoir rien fait de mémorable. Il n'en fut pas de même du cardinal Albert d'Autriche. Il faisait la guerre à Henri IV, que Philippe II avait toujours inquiété depuis la mort de Henri III. Il prit Calais et Ardres.
Henri IV, à peine vainqueur de la Ligue, demande du secours aux princes protestants ; il n'en obtient pas, et se défend lui-même.
1597. Les Turcs sont toujours dans la Hongrie. Les paysans de l'Autriche, foulés par les troupes impériales, se soulèvent, et mettent eux-mêmes le comble à la désolation de ce pays. On est obligé d'envoyer contre eux une partie de l'armée. C'était une bien favorable occasion pour les Turcs ; mais, par une fatalité singulière, la Haute-Hongrie a presque toujours été le terme de leurs progrès, et cette année, les révoltes des janissaires firent la salut de l'armée impériale.
1598. Le comté de Simmeren retombe par la mort du dernier comte à l'électeur palatin.
Le roi d'Espagne Philippe II, meurt à soixante et douze ans, après quarante-deux de règne. Il avait troublé une partie de l'Europe sans que jamais ni son oncle Ferdinand, ni son cousin Maximilien, ni son neveu Rodolphe, eussent servi à ses desseins, ni qu'il eût contribué à leur grandeur. Il avait donné, avant sa mort, les Pays-Bas à l'infante Isabelle, sa fille ; ce fut sa dot en épousant le cardinal archiduc Albert. C'était priver son fils Philippe III et la couronne d'Espagne d'une belle province ; mais les troubles qui la déchiraient la rendaient onéreuse à l'Espagne ; et ce pays devait revenir à la couronne espagnole, en cas que l'archiduc Albert n'eût point d'enfants mâles, ce qui arriva en effet.
Il s'agissait de chasser les Turcs de la Haute-Hongrie. La diète accorde vingt mois romains pendant trois ans pour cette guerre.
Le même Sigismond Battori, qui avait quitté les Turcs, et fait hommage de la Transylvanie à l'empereur, se repent de ces deux démarches. On lui avait donné en échange de sa souveraineté et de la Valachie les mêmes terres qu'à la reine, mère d'Étienne-Jean Sigismond, c'est-à-dire Oppeln et Ratibor en Silésie. Il ne fut pas plus content de son marché que cette reine. Il quitte la Silésie ; il rentre dans ses États ; mais, toujours inconstant et faible, il les cède à un cardinal, son cousin. Ce cardinal, André Battori, se met aussitôt sous la protection des Turcs, reçoit du sultan une veste, comme un gage de la faveur qu'il demande. Semblable à Martinusius, il se met comme lui à la tête d'une armée ; mais il est tué en combattant contre les impériaux.
1 – Ou mieux, Jaureguy. (G.A.)
2 – Voyez l'Essai, chapitre CLXIV (G.A.)
3 – Ou mieux, Zrini. (G.A.)