ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES QUINT - Partie 49.6
Photo de PAPAPOUSS
(Partie 6)
CHARLES-QUINT,
QUARANTIÈME EMPEREUR.
Par ces arrangements et par ces concessions, il est évident que Charles-Quint n'aspirait point à être roi du continent chrétien, comme le fut Charlemagne : il aspirait à en être le principal personnage, à y avoir la première influence, à retenir le droit de suzeraineté sur l'Italie. S'il eût voulu tout avoir pour lui seul, il aurait épuisé son royaume d'Espagne d'hommes et d'argent pour venir s'établir dans Rome, et gouverner la Lombardie comme une de ses provinces : il ne le fit pas ; car voulant trop avoir pour lui, il aurait eu trop à craindre.
Les Toscans, voyant leur liberté sacrifiée à l'union de l'empereur et du pape, ont le courage de la défendre contre l'un et l'autre ; mais leur courage est inutile contre la force. Florence assiégée se rend à composition.
Alexandre de Médicis est reconnu souverain, et il se reconnaît vassale de l'empire.
Charles-Quint dispose des principautés en juge et en maître ; il rend Modène et Reggio au duc de Ferrare, malgré les prières du pape ; il érige Mantoue en duché. C'est dans ce temps qu'il donne Malte aux chevaliers de Saint-Jean, qui avaient perdu Rhodes : la donation est du 24 mars. Il leur fit ce présent comme roi d'Espagne, et non comme empereur. Il se vengeait autant qu'il le pouvait des Turcs, en leur opposant ce boulevard qu'ils n'ont jamais pu détruire.
Après avoir ainsi donné des États, il va essayer de donner la paix à l'Allemagne ; mais les querelles de religion furent plus difficiles à concilier que les intérêts de princes.
Confession d'Augsbourg qui a servi de règle aux protestants et de ralliement à leur parti. Cette diète d'Augsbourg commence le 20 juin. Les protestants présentent leur confession de foi en latin et en allemand le 26.
Strasbourg, Memmingen, Lindau et Constance, présentent la leur séparément, et on la nomme la Confession des quatre villes ; elles étaient luthériennes comme les autres, et différaient seulement en quelques points.
Zuingle envoie aussi sa confession, quoique ni lui ni le canton de Verne ne fussent ni luthériens ni impériaux.
On dispute beaucoup. L'empereur donne un décret, le 22 septembre, par lequel il enjoint aux protestants de ne plus rien innover, de laisser une pleine liberté dans leurs États à la religion catholique et de se préparer à présenter leurs griefs au concile qu'il compte convoquer dans six mois.
Les quatre villes s'allient avec les trois cantons, Berne, Zurich et Bâle, qui doivent leur fournir des troupes en cas qu'on veuille gêner leur liberté.
La diète fait le procès au grand maître de l'ordre Teutonique, Albert de Brandebourg, qui, devenu luthérien, comme on l'a vu, s'était emparé de la Prusse ducale, et en avait chassé les chevaliers catholiques. Il est mis au ban de l'empire, et n'en garde pas moins la Prusse.
La diète fixe la chambre impériale dans la ville de Spire ; c'est par là qu'elle finit ; et l'empereur en indique une autre à Cologne pour y faire élire son frère Ferdinand roi des Romains.
Ferdinand est élu le 5 janvier (1) par tous les électeurs, excepté par celui de Saxe, Jean-le-Constant, qui s'y oppose inutilement.
Alors les princes protestants et les députés des villes luthériennes s'unissent dans Smalcalde, ville du pays de Hesse. La ligue est signée au mois de mars (2) pour leur défense commune. Le zèle pour leur religion, et surtout la crainte de voir l'empire électif devenir une monarchie héréditaire, furent les motifs de cette ligue entre Jean, duc de Saxe, Philippe, landgrave de Hesse, le duc de Virtemberg, le prince d'Anhalt, le comte de Mansfeld, et les villes de leur communion.
1531 – François Ier, qui faisait brûler les luthériens chez lui, s'unit avec ceux d'Allemagne, et s'engage à leur donner de prompts secours. L'empereur alors négocie avec eux ; on ne poursuit que les anabaptistes, qui s'étaient établis dans la Moravie. Leur nouvel apôtre Hutter, qui allait faire partout des prosélytes, est pris dans le Tyrol, et brûlé dans Inspruck.
Ce Hutter ne prêchait point la sédition et le carnage, comme la plupart de ses prédécesseurs ; c'était un homme entêté de la simplicité des premiers temps ; il ne voulait pas même que ses disciples portassent des armes : il prêchait la réforme et l'égalité, et c'est pourquoi il fut brûlé.
Philippe, landgrave de Hesse, prince qui méritait plus de puissance et plus de fortune, entreprend le premier de réunir les sectes séparées de la communion romaine, projet qu'on a tenté depuis inutilement, et qui eût put épargner beaucoup de sang à l'Europe. Martin Bucer fut chargé, au nom des sacramentaires, de se concilier avec les luthériens. Mais Luther et Mélanchthon furent inflexibles, et montrèrent en cela bien plus d'opiniâtreté que de politique.
Les princes et les villes avaient deux objets, leur religion et la réduction de la puissance impériale dans des bornes étroites : sans ce dernier article, il n'y eût point eu de guerre civile. Les protestants s'obstinaient à ne vouloir point reconnaître Ferdinand pour roi des Romains.
1532 – L'empereur, inquiété par les protestants et menacé par les Turcs, étouffe pour quelque temps les troubles naissants, en accordant dans la diète de Nuremberg, au mois de juin, tout ce que les protestants demandent, abolition de toutes procédures contre eux, liberté entière jusqu'à la tenue d'un concile ; il laisse même le droit de Ferdinand, son frère, indécis.
On ne pouvait se relâcher davantage. C'était aux Turcs que les luthériens devaient cette indulgence.
La condescendance de Charles anima les protestants à faire au delà de leur devoir. Ils lui fournissent une armée contre Soliman ; ils donnent cent cinquante mille florins par delà les subsides ordinaires. Le pape, de son côté, fait un effort ; il fournit six mille hommes et quatre cent mille écus. Charles fait venir des troupes de Flandre et de Naples. On voit une armée composée de plus de cent mille hommes, de nations différentes dans leurs mœurs, dans leur langage, dans leur culte, animés du même esprit, marcher contre l'ennemi commun. Le comte palatin Philippe détruit un corps de Turcs qui s'était avancé jusqu'à Gratz en Styrie. On coupe les vivres à la grande armée de Soliman, malgré sa grande réputation, parut avoir mal conduit cette campagne. Il fit à la vérité beaucoup de mal, il emmena près de deux cent mille esclaves ; mais c'était faire la guerre en Tartare, et non en grand capitaine.
L'empereur et son frère, après le départ des Turcs, congédient leur armée. La plus grande partie était auxiliaire, et seulement pour le danger présent. Il ne resta que peu de troupes sous le drapeau. Tout se faisait alors par secousses ; point de fonds assurés pour entretenir longtemps de grandes forces, peu de desseins longtemps suivis. Tout consistait à profiter du moment. Charles-Quint alors fit la guerre qu'on faisait pour lui depuis si longtemps, car il n'avait jusque-là vu que le siège de la petite ville de Mouzon en 1521 ; et n'ayant eu depuis que du bonheur, il voulu y joindre la gloire.
1 – 1531, et non 1530. (G.A.)
2 – Ou plutôt, à la fin de décembre 1530. Il y a ici quelque confusion dans les faits. (G.A.)