HISTOIRE DE RUSSIE - Avertissement pour la présente édition

Publié le par loveVoltaire

Photo de PAPAPOUSS

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HISTOIRE DE RUSSIE.

 

 

 

AVERTISSEMENT POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

 

 

 

         En vérité, Voltaire ne s’imaginait pas un fardeau, quand, à la prière de l’amant de la czarine régnante, le comte Schowalow, il accepta en1757 d’écrire l’histoire de Russie ou plutôt de Pierre-le-Grand, père de cette czarine. Il avait, trente ans auparavant, côtoyé cette histoire dans son Charles XII ; il avait même écrit quelques pages anecdotiques sur ce personnage en 1748 ; il croyait donc bien enlever l’affaire avec quelques coups de plume et en quelques semaines. Hélas ! il la traîna pendant plus de cinq ans.

 

         L’Europe alors n’était qu’un champ de bataille, et la Russie se trouvait mêlée pour la première fois aux querelles européennes. La czarine Elisabeth s’était déclarée contre le roi de Prusse, et, non contents de guerroyer militairement, le roi de Prusse et le gouvernement anglais, son allié, dirigeaient des attaques littéraires contre la cour de Russie ; or, je laisse à penser quel butin de scandales et de crimes ! C’est pourquoi Schowalow s’adressa au premier des lettrés pour obtenir un monument imposant qui défiât toutes les injures, et Voltaire accepta d’en être l’architecte, pour jouer pièce à Frédéric II en revanche de l’aventure de Francfort.

 

         Allait-il s’agir d’un panégyrique ? Point. Voltaire y eût répugné. Schowalow lui envoya de bons et longs mémoires sur les faits, et Voltaire donna à son travail une tournure d’histoire générale afin de pouvoir passer sous silence certains détails de la vie privée du czar. Donc, sans trop de peines et avec assez de bonne foi, la première partie de l’ouvrage fut achevée en 1759 et publiée cette année même. Mais aussitôt commencèrent les ennuis, les embarras.

 

         Voltaire s’attendait à des remerciements de la propre main d’Elisabeth ; et, au lieu de remerciements princiers, il lui arriva de Saint-Pétersbourg une pluie de remarques pédantesques sur son livre. Il avait renoué avec Frédéric, et tous deux s’écrivaient comme par le passé ; or, Frédéric lui reprocha si durement de s’être fait l’historien des ours et des loups, que le philosophe dut rompre encore une fois avec le Prussien. Voulant achever son œuvre, Voltaire demanda à Schowalow de nouveaux documents pour la seconde partie, dont la pièce principale devait être le récit de la mort du czarowitz Alexis ; mais Schowalow n’envoya rien. Il s’enquit alors par toute l’Europe des vérités positives de cette mort, et les révélations scandaleuses qu’il reçut furent loin de l’encourager dans la poursuite de son travail. Il revint pourtant à Schowalow, et lui promit toute la discrétion possible ; Schowalow lui expédia quelques papiers ; ce n’était que des relations officielles, et les mensonges en étaient si grossiers que Voltaire indigné répliqua cette fois qu’il prétendait écrire pour l’Europe entière et non pour la cour de Russie. Mais, en ce moment même, à cette cour, il se passa une aventure d’où jaillit la lumière. L’affaire était analogue à celle d’Alexis.

 

         Elisabeth meurt ; Pierre III lui succède ; au bout de quelques mois il est détrôné par sa propre femme, Catherine ; on l’empoisonne, et l’on annonce à l’Europe qu’il faut attribuer sa mort à des hémorroïdes. En face d’un tel cynisme, Voltaire laissa là son histoire de Pierre Ier.

 

         Un jour pourtant Schowalow en personne arrivait à Ferney ; il était chargé de présents qu’il offrit au patriarche de la part de la nouvelle impératrice. La nouvelle impératrice n’avait fait de révolution que pour établir en Russie un régime constitutionnel ; elle était philosophe, et c’était à ce point qu’elle invitait les encyclopédistes à venir chez elle achever leur dictionnaire, et qu’elle ne désirait rien tant que d’avoir d’Alembert à sa cour, etc., etc. Voltaire fut ébloui, et, pour le salut de la philosophie, il acheva tant bien que mal ce qu’il avait commencé.

 

         Cette seconde partie fut précédée, comme la première, d’un avertissement ; mais en 1768, Voltaire fondit les deux préfaces en une seule.

 

 

Georges AVENEL.

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J
Il va être intéressant de faire un parallèle entre la Russie de Pierre le Grand et celle de Poutine le dictateur . Love vous êtes bien courageuse et c'est heureux.
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