COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES - Partie 30
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COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES
ou
MONUMENTS DU PREMIER SIÈCLE DU CRISTIANISME,
(Partie 30)
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PONCE PILATE SALUE CLAUDE, etc.
Et lorsque la lettre eut été lue, Néron dit : Dites-moi, Pierre, est-ce ainsi que toutes choses ont été faites par lui ? Pierre dit : Oui, je ne vous trompe pas, bon empereur. Ce Simon, plein de mensonges et environné de tromperies, pense être aussi ce que Dieu est, quoiqu’il soit un homme très méchant. Or il y a dans le Christ les deux substances de Dieu et de l’homme ; de l’homme qu’a pris cette majesté incompréhensible, qui par l’homme a daigné subvenir aux hommes : mais dans ce Simon, il y a les deux substances de l’homme et du diable, qui par l’homme tâche d’embarrasser les hommes. Simon dit : Je vous admire, ô empereur ! que vous regardiez comme de quelque conséquence cet homme ignorant, pécheur, très menteur, qui n’est remarquable ni par la parole, ni par sa famille, ni par quelque puissance. Mais, pour ne pas souffrir plus longtemps cet ennemi, je vais commander à mes anges qu’ils viennent et me vengent de lui. Pierre dit : Je ne crains pas vos anges, mais eux pourront me craindre dans la vertu et dans la confiance de mon Seigneur Jésus-Christ que vous prétendez faussement être. Néron dit : Pierre, vous ne craignez pas Simon, qui affirme sa divinité par des effets ! Pierre dit : La divinité est dans celui qui sonde les secrets des cœurs ; si donc la divinité est en lui, qu’il me dise maintenant ce que je pense ou ce que je fais. Avant qu’il devine ma pensée, je vais vous la dire à l’oreille, afin qu’il n’ose pas mentir ce que je pense. Néron dit : Dites-moi qu’est-ce que vous pensez, qu’on me le donne en cachette. Et lorsqu’il eut ordonné qu’on l’apportât, et qu’on le donnât à Pierre, ayant pris le pain, Pierre le rompit, le cacha sous sa manche, et dit : Qu’il dise maintenant tout ce que j’ai pensé, ce qu’on a dit, ou ce qu’on a fait. Néron dit : Voulez-vous donc que je croie, parce que Simon n’ignore pas ces choses, lui qui a ressuscité un mort, et qui, ayant été décollé, s’est représenté après le troisième jour, et a fait tout ce qu’il avait dit qu’il ferait ? Pierre dit : Mais il ne l’a pas fait devant moi. Néron dit : Il a fait toutes ces choses en ma présence, car il a dit à ses anges de venir à lui, et ils sont venus. Pierre dit : Donc s’il a fait ce qui est très grand, pourquoi ne fait-il pas ce qui est moindre ? Qu’il dise ce que j’ai pensé, et ce que j’ai fait. Néron dit : Que dites-vous, Simon ? je ne saurais être d’accord entre vous. Simon dit : Que Pierre dise ce que je pense. Pierre répondit : Je vous ferai voir que je sais ce que pense Simon, pourvu que je fasse ce qu’il aura pensé. Simon dit : Sachez cela, ô empereur ! que personne ne connaît les pensées des hommes, sinon Dieu seul. Pierre dit : Vous donc qui dites que vous êtes fils de Dieu, dites ce que je pense ; exprimez, si vous pouvez, ce que je viens de dire en cachette. Car Pierre avait béni le pain d’orge qu’il avait reçu, et l’avait rompu, et l’avait mis dans sa manche droite et gauche. Alors Simon, indigné de ce qu’il ne pouvait pas dire le secret de l’apôtre, s’écria, disant : Que de grands chiens s’avancent et le dévorent en présence de César ; et sur-le-champ parurent des chiens d’une grandeur étonnante, et ils s’élancèrent contre Pierre. Or Pierre, étendant les mains pour prier, montra aux chiens le pain qu’il avait béni. Et les chiens ne l’eurent pas plus tôt vu qu’ils disparurent tout à coup. Alors Pierre dit à Néron : Voilà que je vous ai montré que je sais ce qu’a pensé Simon, non par des paroles, mais par des faits ; car ayant promis qu’il ferait venir contre moi des anges, il n’a fait paraître que des chiens, afin qu’il montrât qu’il n’avait pas des anges de Dieu, mais de chien. Alors Néron dit à Simon : Qu’est-ce que c’est, Simon ? nous sommes vaincus, je pense. Simon dit : Il m’a fait ces choses dans la Judée, dans toute la Palestine, et dans la Césarée, et en combattant souvent avec moi ; c’est pourquoi il dit que cela lui est contraire ; il dit donc cela pour m’échapper. Car, comme j’ai dit, personne ne connaît les pensées des hommes que Dieu seul. Et Pierre dit à Simon : Certes vous mentez en vous disant Dieu ; pourquoi donc ne manifestez-vous pas les pensées de chacun ? Alors Néron s’étant retourné vers Paul, dit ainsi : Paul, pourquoi ne dites-vous rien ? Paul dit : Sachez cela, César, parce que si vous laissez ce magicien faire de si grandes choses, il en arrivera un plus grand mal à votre patrie, et il fera déchoir votre royaume de son état. Néron dit à Simon : Que dites-vous, Simon ? Simon répondit : Si je ne démontre pas ouvertement que je suis Dieu, personne ne me rendra la vénération qui m’est due. Néron dit : Et pourquoi différez-vous, et ne montrez-vous pas que vous êtes Dieu, afin que ceux-ci soient punis ? Simon dit : Ordonnez que l’on me fasse une tour élevée de bois, et je monterai dessus, et j’appellerai mes anges et je leur ordonnerai qu’à la vue de tout le monde ils me portent au ciel vers mon père. Comme ceux-ci ne pourront pas le faire, vous éprouverez qu’ils sont des hommes ignorants. Or Néron dit à Pierre : Avez-vous entendu, Pierre : Avez-vous entendu, Pierre, ce que Simon a dit ? de là il apparaîtra quelle grande vertu il a, ou lui, ou votre Dieu. Pierre répondit à cela : Très bon empereur, si vous vouliez, vous pouviez le comprendre, parce qu’il est plein du démon. L’empereur Néron dit : Que me faites-vous chercher des détours de paroles ? Le jour de demain vous éprouvera. Simon dit : Vous croyez, bon empereur, que je suis magicien, puisque j’ai été mort, et je suis ressuscité. Car le perfide Simon avait fait par son prestige, qu’il avait dit à Néron : Ordonnez que l’on me décolle dans l’obscurité, et que l’on m’y laisse après m’avoir tué ; et si je ne ressuscite pas le troisième jour, sachez que j’étais un magicien ; mais si je ressuscite, sachez que je suis le fils de Dieu. Et comme Néron avait ordonné que cela se fit dans l’obscurité il fit, par son art magique, qu’un bélier fut décollé, lequel bélier parut être Simon pendant le temps qu’on le décollait. Ayant été décollé dans l’obscurité, lorsque celui qui l’avait décollé eut examiné et porté sa tête à la lumière, il trouva que c’était une tête de bélier ; mais il n’en voulut rien dire au roi, de peur de se découvrir ; car on lui avait ordonné de faire cela en cachette. C’était donc de là que Simon disait qu’il était ressuscité le troisième jour, parce qu’il avait enlevé la tête et les membres du bélier, et le sang y était figé : et le troisième jour il se montra à Néron, et dit : Faites essuyer mon sang qui a été répandu, parce que voilà que j’avais été décollé, et que je suis ressuscité le troisième jour, comme je l’ai promis. Lors donc que Néron eut dit. Le jour de demain vous éprouvera, s’étant tourné vers Paul, il dit : Vous, Paul, pourquoi ne dites-vous rien, ou qui vous a enseigné, ou quel maître avez-vous eu, ou comment avez-vous enseigné dans les villes, ou quels disciples avez-vous formés par votre doctrine ? car je pense que vous n’avez aucune sagesse, et que vous ne pouvez opérer aucune vertu. A cela Paul répondit : Pensez-vous que je doive parler contre un homme perfide, et un magicien désespéré, un enchanteur qui a destiné son âme à la mort, et à qui le trépas et la perdition arriveront bientôt, qui feint d’être ce qu’il n’est pas, et par l’art magique fait illusion aux hommes pour leur perdition ? Si vous voulez écouter ses paroles, vous perdrez peut-être votre âme et votre empire, car cet homme est très méchant. Et comme les magiciens d’Egypte, Jannès et Mambrès qui entraînèrent Pharaon et son armée dans l’erreur jusqu’à ce qu’ils fussent engloutis dans la mer, de même celui-ci persuade les hommes par la science du diable son père, et fait plusieurs maux par la nécromancie, et d’autres maux s’il y en a chez les hommes, et en séduit ainsi plusieurs qui ne se tiennent point sur leurs gardes, pour la perdition de votre empire. Mais moi, voyant répandre la parole du diable par cet homme, j’agis avec le Saint-Esprit, par les gémissements de mon cœur, afin qu’il puisse bientôt paraître ce qu’il est ; car autant qu’il pense s’élever vers les cieux, autant il sera englouti dans le plus profond de l’enfer, où il y a des pleurs, et le grincement des dents. Or, quant à la doctrine de mon maître sur laquelle vous m’avez interrogé, il n’y a que ceux qui y apportent un cœur pur qui la comprennent ; car je n’ai enseigné que ce qui regarde la paix et la charité, et j’ai accompli la parole de paix par le circuit depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie, et j’ai surtout enseigné que les hommes se chérissent. J’ai enseigné qu’ils se préviennent réciproquement d’honneur. J’ai enseigné aux grands et aux riches de ne pas s’élever, et de ne pas espérer en l’incertain des richesses, mais de mettre en Dieu leur espérance. J’ai enseigné aux médiocres à être contents de la vie et du vêtement. J’ai enseigné aux pauvres à se réjouir dans leur indigence. J’ai enseigné aux pères à enseigner à leurs fils la discipline de la crainte du Seigneur. J’ai enseigné aux fils à obéir à leurs parents, et à leurs avis salutaires. J’ai enseigné à ceux qui ont des possessions, à payer les impôts aux ministres de la république. J’ai enseigné aux femmes à chérir leurs maris, et à les craindre comme leurs seigneurs. J’ai enseigné aux hommes à garder la foi à leurs épouses, comme ils veulent qu’elles leur gardent la pudeur en toutes manières ; car ce qu’un mari punit dans une épouse adultère, le Seigneur, père et créateur des choses, le punit dans un mari adultère. J’ai enseigné aux maîtres qu’ils traitent leurs serviteurs plus doucement. J’ai enseigné aux serviteurs qu’ils servent leurs maîtres fidèlement, et comme Dieu. J’ai enseigné aux Eglises des croyants à adorer un Dieu tout-puissant et invisible. Or cette doctrine ne m’a pas été donnée des hommes, ni par quelque homme, mais par Jésus-Christ, et par le Père de gloire, qui m’a parlé du ciel ; et tandis que mon Seigneur Jésus-Christ m’envoyait pour la prédication, il me dit : Allez, et je serai avec vous, et tout ce que vous direz ou ferez je le justifierai. Néron, ayant entendu ces choses, fut interdit, et s’étant tourné vers Pierre, il dit : Et vous, que dites-vous ? Pierre dit : Toutes les choses que Paul a dites sont vraies, car il y a quelques années que j’ai reçu des lettres de nos évêques qui sont dans tout l’empire romain, et ils m’ont écrit des lettres de presque toutes les villes touchant ses actions ; car comme il était persécuteur de la loi du Christ, une voix l’a appelé du ciel, et lui a enseigné la vérité, parce qu’il n’était pas ennemi de notre foi par envie, mais par ignorance. Car il y a eu avant nous de faux Christ comme est Simon ; il y a eu de faux apôtres, il y a eu de faux prophètes qui, venant contre les livres sacrés, se sont appliqués à détruire la vérité ; et il était nécessaire d’agir contre eux ; mais celui-ci qui, dès son enfance, ne s’était appliqué à autre chose qu’à examiner les mystères de la loi divine dans lesquels il avait appris cela, d’où il était le défenseur de la vérité, et le persécuteur de la fausseté, parce que sa persécution ne se faisait pas par émulation, mais pour défendre la loi ; la vérité elle-même lui a parlé du ciel, lui disant : Je suis Jésus de Nazareth, que vous persécutez ; cessez de me persécuter, parce que je suis la vérité même pour laquelle vous paraissez combattre. Ayant donc connu que cela était ainsi, il abandonna ce qu’il défendait, et il commença à défendre ce sentier du Christ qu’il poursuivait, qui est la véritable voie pour ceux qui marchent purement, la vérité pour ceux qui ne trompent point, et la vie éternelle pour ceux qui croient. Simon dit : Bon empereur, comprenez leur conspiration, ils sont sages contre moi. Pierre dit : Il n’y a aucune vérité en vous ennemi de la vérité ; mais c’est du seul mensonge que vous dites et que vous faites toutes ces choses. Néron dit : Et vous, Paul, que dites-vous ? Paul répondit : Croyez ce que vous avez entendu dire à Pierre et à moi, car nous avons un seul sentiment, parce que nous avons un seul Seigneur Jésus-Christ. Simon dit : Pensez-vous, ô empereur ! que j’aie une dispute avec eux, qui ont fait un complot contre moi ? Et s’étant tourné vers les apôtres, il dit : Ecoutez, Pierre et Paul ; si je ne puis rien faire ici avec vous, nous viendrons où il faut que vous me jugiez. Paul répondit : Bon empereur, voyez quelles menaces il nous fait. Et Pierre dit : Pourquoi ne vous riez-vous pas d’un homme vain et d’une tête aliénée qui, joué par les démons, pense ne pouvoir pas se manifester ? Simon répondit : Je vous pardonne maintenant jusqu’à ce que je montre ma vertu. A cela Pierre répondit : Si Simon ne voit la vertu de Christ notre Jésus-Christ, il ne croira pas qu’il n’est pas le Christ. Simon dit : Très sacré empereur, gardez-vous de les croire, parce que ce sont eux qui sont circoncis, et qui circoncissent.