COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES - Partie 19
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COLLECTION D’ANCIENS ÉVANGILES
ou
MONUMENTS DU PREMIER SIÈCLE DU CRISTIANISME,
(Partie 19)
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ÉVANGILE DU DISCIPLE NICODÈME
DE LA PASSION ET DE LA RÉSURRECTION DE
NOTRE MAÎTRE ET SAUVEUR JÉSUS-CHRIST.
I. – Car Annas et Caïphas, et Summas, et Datam, Gamaliel, Judas, Lévi, Nephtalim, Alexandre, et Cyrus, et les autres Juifs, viennent vers Plate au sujet de Jésus, l’accusant de plusieurs mauvaises accusations, et disant : Nous savons que Jésus est fils de Joseph le charpentier, né de Marie, et il dit qu’il est fils de Dieu et roi, et non-seulement il dit cela, mais il veut détruire le sabbat et la loi de nos pères. Les Juifs lui disent : Nous avons pour loi de ne point guérir un jour de sabbat ; or il a guéri des boiteux, des sourds, des paralytiques, des aveugles, et des lépreux, et des démoniaques par de mauvaises pratiques. Pilate leur dit : Comment, par de mauvaises pratiques ? Ils lui disent : Il est magicien ; et c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons, et qu’ils lui sont tous soumis. Pilate dit : Ce n’est point là chasser les démons par l’esprit immonde, mais par la vertu de Dieu. Et les Juifs disent à Pilate : Nous prions votre grandeur que vous le fassiez paraître devant votre tribunal ; et entendez-le. Or Pilate, appelant un coureur, lui dit : Par quel moyen amènera-t-on le Christ ? Mais le coureur sortant, et le connaissant, il l’adora, et étendit par terre un manteau qu’il portait à sa main, disant : Seigneur, marchez là-dessus, entrez, parce que le gouverneur vous demande. Mais les Juifs, voyant ce que fit le coureur, s’en plaignirent à Pilate, disant : Pourquoi ne l’avez-vous pas fait assigner par un huissier plutôt que par un coureur ? Car le coureur le voyant l’a adoré, et a étendu par terre le manteau qu’il tenait à la main, et lui a dit : Seigneur, le gouverneur vous demande. Pilate, appelant le coureur, lui dit : Pourquoi avez-vous fait cela ? Le coureur lui dit : Lorsque vous m’envoyâtes de Jérusalem à Alexandrie, je vis Jésus monté sur une humble ânesse, et les enfants des Hébreux criaient Hosanna, tenant des rameaux dans leurs mains ; mais d’autres étendaient leurs habits dans le chemin, disant : Sauvez-nous, vous qui êtes dans les cieux ; béni celui qui vient au nom du Seigneur. Les Juifs crièrent donc contre le coureur, disant : A la vérité les enfants des Hébreux criaient en hébreu ; mais vous qui êtes Grec, comment entendez-vous la langue hébraïque ? Le coureur leur dit : J’ai interrogé quelqu’un des Juifs, et lui ai dit : Qu’est-ce que ces enfants crient en hébreu ? Et il me l’a expliqué, disant : Ils crient Hosanna, ce qui veut dire, ô Seigneur, rendez saint, ou bien, Seigneur, sauvez, Pilate leur dit : Mais vous, pourquoi attestez-vous les paroles que les enfants ont dites ? en quoi le coureur a-t-il péché ? et eux se turent. Le gouverneur dit au coureur : Sortez, et de quelque manière que ce soit, faites-le entrer. Mais le coureur sortant fit comme la première fois, et lui dit : Seigneur, entrez, parce que le gouverneur vous demande. Jésus entra donc vers les porte-enseignes qui tenaient leurs étendards, et leurs têtes se courbèrent, et ils adorèrent Jésus, ce qui fit crier davantage les Juifs contre les porte-enseignes qui tenaient leurs étendards, et leurs têtes se courbèrent. Or Pilate dit aux Juifs : Vous n’approuvez pas que les têtes des étendards se sont courbées d’elles-mêmes, et ont adoré Jésus, mais comment criez-vous contre les porte-enseignes parce qu’ils se sont baissés et l’ont adoré ? Eux dirent à Pilate : Nous avons vu que les porte-enseignes se sont inclinés et ont adoré Jésus. Mais le gouverneur appelant les porte-enseignes, il leur dit : Pourquoi avez-vous fait ainsi ? Les porte-enseignes disent à Pilate : Nous sommes des hommes païens et serviteurs des temples ; comment l’avons-nous adoré ? mais comme nous tenions nos étendards, ils se sont courbés, et l’ont adoré. Pilate dit aux chefs de la synagogue : Choisissez vous-mêmes des hommes forts, et qu’ils tiennent les étendards ; et voyons s’ils se courberont d’eux-mêmes. Les vieillards des Juifs voyant donc douze hommes très forts, ils leur firent tenir les étendards, et paraître devant le gouverneur. Pilate dit au coureur : Faites sortir Jésus, et faites-le rentrer comme vous voudrez ; et Jésus et le coureur sortirent du prétoire. Et Pilate appelant les premiers porte-enseignes, leur jurant par le salut de César que s’ils ne portent pas ainsi les étendards lorsque Jésus entrera, je couperai vos têtes. Et le gouverneur ordonna que Jésus entrât une seconde fois, et le coureur fit comme la première fois, et pria instamment Jésus de marcher sur son manteau ; et il y marcha et entra. Mais comme Jésus entrait, les étendards se courbèrent et l’adorèrent.
II. – Or Pilate, voyant cela, fut saisi de crainte, et commença à se lever de son siège ; mais comme il pensait à se lever, l’épouse de Pilate, qui était éloignée, lui envoya dire : Ne vous mêlez point de ce juste ; car j’ai beaucoup souffert à cause de lui cette nuit en songe. Les Juifs, entendant cela, dirent à Pilate : Ne vous avons-nous pas dit qu’il est magicien ? Voilà qu’il a envoyé ce songe à votre épouse ; mais Pilate, appelant Jésus, lui dit : Entendez-vous ce qu’ils déposent contre vous ? Et vous ne dites rien. Jésus lui répondit : S’ils n’avaient pas le pouvoir de parler, ils ne parleraient pas ; mais parce que chacun a le pouvoir de parler bien ou mal, ils verront. Les vieillards des Juifs répondirent à Jésus : Que verrons-nous ? La première chose que nous avons vue de vous, c’est que vous êtes né de la fornication ; Secondement qu’à votre naissance les enfants de Bethléem ont été massacrés ; Troisièmement, que votre père et votre mère Marie s’enfuirent en Egypte, parce qu’ils n’avaient pas confiance au peuple. Quelques-uns des Juifs assistants, qui pensaient bien, disent : Nous ne disons pas qu’il est né de la fornication ; le discours que vous tenez là n’est pas vrai, parce que le mariage s’est fait, comme le disent ceux mêmes qui sont de votre nation. Annas et Caïphas disent à Pilate : Il faut entendre toute la multitude qui crie qu’il est né de la fornication, et qu’il est magicien ; mais ceux qui nient qu’il soit né de la fornication sont des prosélytes et ses disciples. Pilate dit à Annas et Caïphas : Quels sont les prosélytes ? Ils disent : Ils sont fils de païens, et maintenant ils sont devenus Juifs ; Eliézer et Astérius, et Antoine, et Jacques, Caras et Samuel, Isaac et Phinées, Crippus et Agrippa, Annas et Judas, disent : Nous ne sommes point prosélytes, mais nous sommes fils de Juifs, et nous disons la vérité, et nous avons assisté au mariage de Marie. Or Pilate, portant la parole aux douze hommes qui dirent cela, leur dit : Je vous conjure par le salut de César, s’il n’est pas né de la fornication, ou si ce que vous avez dit est véritable. Ils disent à Pilate : Nous avons pour loi de ne point jurer, parce que cela est péché : qu’ils jurent eux par le salut de César, que ce n’est pas comme nous avons dit, et nous sommes coupables de mort. Annas et Caïphas disent à Pilate : Ces douze ne nous croiront pas parce que nous savons qu’il est né du crime, et qu’il est magicien ; et il dit qu’il est fils de Dieu et roi, ce que nous ne croyons pas, et que nous craignons d’entendre. Pilate faisant donc sortir tout le peuple, excepté les douze hommes qui ont dit qu’il n’est pas né de la fornication, et ayant aussi fait retirer Jésus à l’écart, il leur dit : Pour quelle raison les Juifs veulent-ils faire mourir Jésus ? Ils lui disent : Leur zèle vient de ce qu’il guérit le jour du sabbat. Pilate dit : C’est pour une bonne œuvre qu’ils veulent le faire mourir ? Ils lui disent : Oui, Seigneur.
III. – Pilate alors, rempli de colère, sortir du prétoire, et dit aux Juifs : Je prends la terre à témoin que je ne trouve aucune faute en cet homme. Les Juifs disent à Pilate : S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne l’eussions pas livré. Pilate leur dit : Prenez-le, vous, et le jugez selon votre loi. Les Juifs disent à Pilate : Il ne nous est permis de faire mourir personne. Pilate dit aux Juifs : Elle vous dit donc ne tuez point : mais non pas à moi ? Et il entra une seconde fois dans le prétoire, et il fit venir Jésus seul, et lui dit : Etes-vous le roi des Juifs ? Et Jésus répondant, dit à Pilate : Dites-vous cela de vous-même, ou d’autres vous l’ont-ils dit de moi ? Pilate répondant, dit à Jésus : Est-ce que je suis Juif, moi ? la nation et les princes des prêtres vous ont livré à moi. Qu’avez-vous fait ? Jésus répondant dit : Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de de monde, mes ministres résisteraient, et je n’aurais pas été livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est pas d’ici. Pilate dit : Vous êtes donc roi ? Jésus répondit : Vous dites que je suis roi. Jésus dit encore à Pilate : Je suis né en cela, je suis né pour cela, afin que je rende témoignage à la vérité ; et tout homme qui est de la vérité entend ma voix. Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Jésus dit : La vérité est du ciel. Pilate dit : La vérité n’est donc pas sur la terre ? Jésus dit à Pilate : Faites attention que la vérité est sur la terre parmi ceux qui, pendant qu’ils ont le pouvoir de juger, se servent de la vérité, et rendent des jugements justes.
IV. – Pilate, laissant donc Jésus dans le prétoire, sortit dehors vers les Juifs, et leur dit : Je ne trouve pas une seule faute en Jésus. Les Juifs lui disent : Il a dit : Je puis détruire le temple de Dieu et le bâtir en trois jours. Pilate leur dit : Quel est ce temple dont il parle ? Les Juifs lui disent : Celui que Salomon bâtit en quarante-six ans, il a dit qu’il peut le détruire et le rebâtir en trois jours ; et Pilate leur dit une seconde fois : Je suis innocent du sang de cet homme, vous verrez. Les Juifs lui disent : Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. Pilate appelant les vieillards et les scribes, les prêtres et les lévites, il leur dit secrètement : Ne faites pas ainsi : je n’ai rien trouvé digne de mort dans votre accusation touchant la guérison des malades et la violation du sabbat. Les prêtres et les lévites disent à Pilate : Par le salut de César, si quelqu’un a blasphémé, il est digne de mort. Or celui-ci a blasphémé contre le Seigneur. Le gouverneur fit une seconde fois sortir les Juifs du prétoire, et faisant venir Jésus, il lui dit : Que vous ferai-je ? Jésus lui répondit : Ainsi qu’il est dit. Pilate lui dit : Comment est-il dit ? Jésus lui dit : Moïse et les prophètes ont annoncé ma passion et ma résurrection. Ce que les Juifs ayant appris, ils en furent irrités, et dirent à Pilate : Que voulez-vous entendre davantage le blasphème de cet homme ? Pilate leur dit : Si ce discours vous paraît un blasphème, prenez-le, vous, et le citez à votre synagogue, et jugez-le selon votre loi. Les Juifs disent à Pilate : Notre loi décide que si un homme pèche contre un homme, il soit digne de recevoir quarante moins un coup, mais s’il a blasphémé contre le Seigneur, d’être alors lapidé. Pilate leur dit : Si ce discours est un blasphème, jugez-le vous-mêmes selon votre loi. Les Juifs disent à Pilate : Notre loi nous ordonne de ne tuer personne. Nous voulons qu’il soit crucifié, parce qu’il est digne de la croix. Pilate leur dit : Il n’est pas bon qu’il soit crucifié ; mais châtiez-le, et le renvoyez. Or le gouverneur, regardant le peuple des Juifs qui l’environnait, vit plusieurs Juifs qui pleuraient, et il dit aux princes des prêtres des Juifs : Toute la multitude ne désire pas qu’il meure. Le vieillard des Juifs disent à Pilate : Nous ne sommes venus ici, nous et toute la multitude, qu’afin qu’il meure. Pilate leur dit : Pourquoi mourra-t-il ? Ils lui disent : Parce qu’il se dit être fils de Dieu et roi.