EXTRAIT DES SENTIMENTS DE JEAN MESLIER - Partie 5-1
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EXTRAIT DES SENTIMENTS
DE
JEAN MESLIER.
(Partie 5-1)
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Les ébionites n’admettaient que le seul Evangile de saint Matthieu, rejetant les trois autres, et les Epîtres de saint Paul. Les marcionites publiaient un Evangile sous le nom de saint Mathias pour confirmer leur doctrine. Les apostoliques introduisaient d’autres écritures pour maintenir leurs erreurs, et pour cet effet se servaient de certains actes, qu’ils attribuaient à saint André et à saint Thomas.
Les manichéens (Chro., page 287) écrivirent un Evangile à leur mode, et rejetaient les écrits des prophètes et des apôtres. Les etzaïtes débitaient un certain livre qu’ils disaient être venu du ciel ; ils tronçonnaient les autres écritures à leur fantaisie. Origène même, avec tout son grand esprit, ne laissait pas que de corrompre les Ecritures, et forgeait à tous coups des allégories hors de propos, et se détournait, par ce moyen, du sens des prophètes et des apôtres, et même avait corrompu quelques-uns des principaux points de la doctrine. Ses livres sont maintenant mutilés et falsifiés : ce ne sont plus que pièces cousues et ramassées par d’autres qui sont venus depuis ; aussi y rencontre-t-on des erreurs et des fautes manifestes.
Les allogiens attribuaient à l’hérétique Cérinthus l’Evangile et l’Apocalypse de saint Jean ; c’est pourquoi ils les rejetaient. Les hérétiques de nos derniers siècles rejettent comme apocryphes plusieurs livres que les catholiques romains regardent comme saint et sacrés, comme sont les livres de Tobie, de Judith, d’Esther, de Baruch, le Cantique des trois Enfants dans la fournaise, l’histoire de Suzanne, et celle de l’Idole de Bel, la Sapience de Salomon, l’Ecclésiastique, le premier et le second livre des Macchabées, auxquels livres incertains et douteux on pourrait encore en ajouter plusieurs que l’on attribuait aux autres apôtres, comme sont, par exemple, les Actes de saint Thomas, ses Circuits, son Evangile et son Apocalypse ; l’Evangile de saint Barthélemy, celui de saint Mathias, celui de saint Jacques, celui de saint Pierre, et celui des apôtres ; comme aussi les Gestes de saint Pierre, son livre de la Prédication, et celui de son Apocalypse ; celui du Jugement, celui de l’Enfance du Sauveur, et plusieurs autres de semblable farine, qui sont tous rejetés comme apocryphes par les catholiques romains, même par le pape Gélase et par les SS.PP. de la communion romaine.
Ce qui confirme d’autant plus qu’il n’y a aucun fondement de certitude touchant l’autorité que l’on prétend donner à ces livres, c’est que ceux qui en maintiennent la divinité sont obligés d’avouer qu’ils n’auraient aucune certitude pour les fixer, si leur foi, disent-ils, ne les en assurait, et ne les obligeait absolument de le croire ainsi. Or, comme la foi n’est qu’un principe d’erreur et d’imposture, comment la foi, c’est-à-dire une créance aveugle, peut-elle rendre certains les livres qui sont eux-mêmes le fondement de cette créance aveugle ? Quelle pitié et quelle démence !
Mais voyons si ces livres portent en eux-mêmes quelque caractère particulier de vérité, comme, par exemple, d’érudition, de sagesse et de sainteté, ou de quelques autres perfections qui ne puissent convenir qu’à un Dieu, et si les miracles qui y sont cités s’accordent avec ce que l’on devrait penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie d’un Dieu-tout-puissant.
Premièrement, on verra qu’il n’y a aucune érudition, aucune pensée sublime, ni aucune production qui passe les forces ordinaires de l’esprit humain. Au contraire on n’y verra, d’un côté, que des narrations fabuleuses, comme sont celles de la formation de la femme tirée d’une côte de l’homme, du prétendu paradis terrestre, d’un serpent qui parlait, qui raisonnait, et qui était même plus rusé que l’homme ; d’une ânesse qui parlait, et qui reprenait son maître de ce qu’il la maltraitait mal à propos, d’un déluge universel, et d’une arche où des animaux de toute espèce étaient renfermés ; de la confusion des langues et de la division des nations, sans parler de quantité d’autres vains récits particuliers sur des sujets bas et frivoles, et que des auteurs graves mépriseraient de rapporter. Toutes ces narrations n’ont pas moins l’air de fables que celles que l’on a inventées sur l’industrie de Prométhée, sur la boite de Pandore, ou sur la guerre des géants contre les dieux, et autres semblables que les poètes ont inventées pour amuser les hommes de leur temps.
D’un autre côté, on n’y verra qu’un mélange de quantité de lois et d’ordonnances, ou de pratiques superstitieuses touchant les sacrifices, les purifications de l’ancienne loi, le vain discernement des animaux, dont elle suppose les uns purs et les autres impurs. Ces lois ne sont pas plus respectables que celles des nations les plus idolâtres.
On n’y verra encore que de simples histoires, vraies ou fausses, de plusieurs rois, de plusieurs princes ou particulier qui auront bien ou mal vécu, ou qui auront fait quelques belles ou mauvaises actions, parmi d’autres actions basses et frivoles qui y sont rapportées aussi.
Pour faire tout cela, il est visible qu’il ne fallait pas avoir un grand génie, ni avoir des révélations divines. Ce n’est pas faire honneur à un Dieu.
Enfin, on ne voit dans ces livres que les discours, la conduite et les actions de ces renommées prophètes qui se disaient être tout particulièrement inspirés de Dieu. On verra leur manière d’agir et de parler, leurs songes, leurs illusions, leurs rêveries ; et il sera facile de juger qu’ils ressemblaient beaucoup plus à des visionnaires et à des fanatiques qu’à des personnes sages et éclairées.
Il y a cependant dans quelques-uns de ces livres plusieurs bons enseignements et de belles maximes de morale, comme dans les Proverbes attribués à Salomon, dans le livre de la Sagesse et de l’Ecclésiastique (1) ; mais ce même Salomon, le plus sage de leurs écrivains, est aussi le plus incrédule. Il doute même de l’immortalité de l’âme, et il conclut ses ouvrages par dire qu’il n’y a rien de bon que de jouir en paix de son labeur, et de vivre avec ce que l’on aime (2).
D’ailleurs, combien les auteurs qu’on nomme profanes, Xénophon, Platon, Cicéron, l’empereur Antonin, l’empereur Julien, Virgile, etc., sont-ils au-dessus de ces livres qu’on nous dit inspirés de Dieu ! Je crois pouvoir dire que quand il n’y aurait, par exemple, que les Fables d’Esope, elles sont certainement beaucoup plus ingénieuses et plus instructives que ne le sont toutes ces grossières et basses paraboles qui sont rapportées dans les Evangiles.
Mais ce qui fait encore voir que ces sortes de livres ne peuvent venir d’aucune inspiration divine, c’est qu’outre la bassesse et la grossièreté du style, et le défaut d’ordre dans la narration des faits particuliers qui y sont très mal circonstanciés, on ne voit point que les auteurs s’accordent ; ils se contredisent en plusieurs choses ; ils n’avaient pas même assez de lumières ni de talents naturels pour bien rédiger une histoire.
Voici quelques exemples des contradictions qui se trouvent entre eux. L’évangéliste Matthieu fait descendre Jésus-Christ du roi David par son fils Salomon, jusqu’à Joseph, père au moins putatif de Jésus-Christ, et Luc le fait descendre du même David par son fils Nathan jusqu’à Joseph.
Matthieu dit, parlant de Jésus, que le bruit s’étant répandu dans Jérusalem qu’il était né un nouveau roi des Juifs, et que les mages étant venus le chercher pour l’adorer, le roi Hérode, craignant que ce prétendu roi nouveau-né lui ôtât quelque jour la couronne, fit égorger tous les enfants nouvellement nés depuis deux ans, dans tous les environs de Bethléem, où on lui avait dit que ce nouveau roi devait naître, et que Joseph et la mère de Jésus ayant été avertis en songe, par un ange, de ce mauvais dessein, ils s’enfuirent incontinent en Egypte, où ils demeurèrent jusqu’à la mort d’Hérode, qui n’arriva que plusieurs années après.
Au contraire, Luc marque que Joseph et la mère de Jésus demeurèrent paisiblement durant six semaines dans l’endroit où leur enfant Jésus fut né ; qu’il y fut circoncis suivant la loi des Juifs, huit jours après sa naissance, et que lorsque le temps prescrit par cette loi pour la purification de sa mère fut arrivé, elle et Joseph son mari le portèrent à Jérusalem pour le présenter à Dieu dans son temple, et pour offrir en même temps un sacrifice, ce qui était ordonné par la loi de Dieu ; après quoi ils s’en retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth, où leur enfant Jésus croissait tous les jours en grâce et en sagesse ; et que son père et sa mère allaient tous les ans à Jérusalem, aux jours solennels de leur fête de Pâques ; si bien que Luc ne fait aucune mention de leur fuite en Egypte, ni de la cruauté d’Hérode envers les enfants de la province de Bethléem.
A l’égard de la cruauté d’Hérode, comme les historiens de ce temps-là n’en parlent point, non plus que Josèphe l’historien, qui a écrit la vie de cet Hérode, et que les autres évangélistes n’en font aucune mention, il est évident que le voyage de ces mages conduits par une étoile, ce massacre des petits enfants, et cette fuite en Egypte, ne sont qu’un mensonge absurde. Car il n’est pas croyable que Josèphe, qui a blâmé les vices de ce roi, eût passé sous silence une action si noire et si détestable, si ce que cet évangéliste dit eût été vrai.
Sur la durée du temps de la vie publique de Jésus-Christ, suivant ce que disent les trois premiers évangélistes, il ne pouvait y avoir eu guère plus de trois mois depuis son baptême jusqu’à sa mort, en supposant qu’il avait trente ans lorsqu’il fut baptisé par Jean, comme dit Luc, et qu’il fût né le 25 décembre. Car depuis ce baptême, qui fut l’an 15 de Tibère-César, et l’année qu’Anne et Caïphe étaient grands prêtres, jusqu’au premier Pâque suivant, qui était dans le mois de mars, il n’y avait qu’environ trois mois ; suivant ce que disent les trois premiers évangélistes, il fut crucifié la veille du premier Pâque suivant, après son baptême, et la première fois qu’il vint à Jérusalem avec ses disciples ; car tout ce qu’ils disent de son baptême, de ses voyages, de ses miracles, de ses prédications, et de sa mort et passion, se doit rapporter nécessairement à la même année de son baptême, puisque ces évangélistes ne parlent d’aucune autre année suivante, et qu’il paraît même, par la narration qu’ils font de ses actions, qu’il les a toutes faites immédiatement après son baptême, consécutivement les unes après les autres, et en fort peu de temps, pendant lequel on ne voit qu’un seul intervalle de six jours avant sa transfiguration, pendant lesquels six jours on ne voit pas qu’il ait fait autre chose.
On voit par là qu’il n’aurait vécu, après son baptême, qu’environ trois mois, desquels, si l’on vient à ôter six semaines de quarante jours et quarante nuits qu’il passa dans le désert immédiatement après son baptême, il s’ensuivra que le temps de sa vie publique, depuis ses premières prédications jusqu’à sa mort, n’aura duré qu’environ six semaines ; et, suivant ce que Jean dit, il aurait au moins duré trois ans et trois mois, parce qu’il paraît, par l’Evangile de cet apôtre, qu’il aurait été, pendant le cours de sa vie publique, trois ou quatre fois à Jérusalem à la fête de Pâques, qui n’arrivait qu’une fois l’an.
Or s’il est vrai qu’il y ait été trois ou quatre fois depuis son baptême, comme Jean le témoigne, il est faux qu’il n’ait vécu que trois mois après son baptême, et qu’il ait été crucifié la première fois qu’il alla à Jérusalem.
Si l’on dit que ces trois premiers évangélistes ne parlent effectivement que d’une seule année, mais qu’ils ne marquent pas distinctement les autres qui se sont écoulées depuis son baptême, ou que Jean n’entend parler que d’une seule Pâque, quoiqu’il semble qu’il parle de plusieurs, et que c’est par anticipation qu’il répète plusieurs fois que la fête de Pâques des Juifs était proche, et que Jésus alla à Jérusalem, et par conséquent qu’il n’y a qu’une contrariété apparente sur ce sujet entre ces évangélistes, je le veux bien ; mais il est constant que cette contrariété apparente ne viendrait que de ce qu’ils ne s’expliquent pas avec toutes les circonstances qui auraient été à remarquer dans le récit qu’ils font. Quoi qu’il en soit, il y a toujours lieu de tirer cette conséquence, qu’ils n’étaient donc pas inspirés de Dieu lorsqu’ils ont écrit leurs histoires.
Autre contradiction au sujet de la première chose que Jésus-Christ fit incontinent après son baptême ; car les trois premiers évangélistes disent qu’il fut aussitôt transporté par l’esprit dans un désert où il jeûna quarante jours et quarante nuits, et où il fut plusieurs fois tenté par le diable ; et, suivant ce que dit Jean, il partit deux jours après son baptême pour aller en Galilée, où il fit son premier miracle en y changeant l’eau en vin aux noces de Cana, où il se trouva trois jours après son arrivée en Galilée, à plus de trente lieues de l’endroit où il était.
A l’égard du lieu de sa première retraite après sa sortie du désert, Matthieu dit, ch. IV, vers. 13, qu’il s’en vint en Galilée, et que laissant la ville de Nazareth, il vint demeurer à Capharnaüm, ville maritime ; et Luc, ch. IV, vers 16 et 31, dit qu’il vint d’abord à Nazareth, et qu’ensuite il vint à Capharnaüm.
Ils se contredisent sur le temps et la manière dont les apôtres se mirent à sa suite ; car les trois premiers disent que Jésus passant sur le bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André son frère, et qu’un peu plus loin il vit Jacques et Jean son frère avec leur père Zébédée. Jean, au contraire, dit que ce fut André, frère de Simon Pierre, qui se joignit premièrement à Jésus, avec un autre disciple de Jean-Baptiste, l’ayant vu passer devant eux, lorsqu’ils étaient avec leur maître sur les bords du Jourdain.
Au sujet de la cène, les trois premiers évangélistes marquent que Jésus-Christ fit l’institution du sacrement de son corps et de son sang, sous les espèces et apparences du pain et du vin, comme parlent nos christicoles romains ; et Jean ne fait aucune mention de ce mystérieux sacrement. Jean dit, ch. XIII, vers. 5, qu’après cette cène Jésus lava les pieds à ses apôtres, qu’il leur commanda expressément de se faire les uns et les autres la même chose, et rapporte un long discours qu’il leur fit dans ce même temps. Mais les autres évangélistes ne parlent aucunement de ce lavement de pieds, ni d’un long discours qu’il leur fit pour lors. Au contraire, ils témoignent qu’incontinent après cette cène, il s’en alla avec ses apôtres sur la montagne des Oliviers, où il abandonna son âme à la tristesse, et qu’enfin il tomba en agonie, pendant que ses apôtres dormirent un peu plus loin.
Ils se contredisent eux-mêmes sur le jour qu’ils disent qu’il fit cette cène ; car d’un côté ils marquent qu’il la fit le soir de la veille de Pâques, c’est-à-dire le soir du premier jour des azymes, ou de l’usage des pains sans levain, comme il est marqué dans l’Exode, XII, 18 ; Lévit., XXIII, 5 ; dans les Nomb. XXVIII, 16 ; et d’un autre côté ils disent qu’il fut crucifié le lendemain du jour qu’il fit cette cène, vers l’heure de midi, après que les Juifs lui eurent fait son procès pendant toute la nuit et le matin. Or, suivant leur dire, le lendemain qu’il fit cette cène n’aurait pas dût être la veille de Pâques. Donc, s’il est mort la veille de Pâques vers le midi, ce n’était point le soir de la veille de cette fête qu’il fit cette cène. Donc il y a erreur manifeste.
Ils se contredisent aussi sur ce qu’ils rapportent des femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée ; car les trois premiers évangélistes disent que ces femmes, et tous ceux de sa connaissance, entre lesquelles étaient Marie-Magdeleine, et Marie, mère de Jacques et de Josès, et la mère des enfants de Zébédée, regardaient de loin ce qui se passait, lorsqu’il était pendu et attaché à la croix. Jean dit au contraire, XIX, 25, que la mère de Jésus, et la sœur de sa mère, et Marie-Magdeleine, étaient debout auprès de la croix, avec Jean son apôtre. La contrariété est manifeste, car si ces femmes et de disciple étaient près de lui, elles n’étaient donc pas éloignées, comme disent les autres.
Ils se contredisent sur les prétendues apparitions qu’ils rapportent que Jésus-Christ fit après sa prétendue résurrection, car Matthieu, ch. XXVIII, v. 9 et 16, ne parle que de deux apparitions ; l’une, lorsqu’il apparut à Marie-Magdeleine, et à une autre femme nommée aussi Marie, et lorsqu’il apparut à ses onze disciples, qui s’étaient rendus en Galilée sur la montagne qu’il leur avait marquée pour le voir. Marc parle de trois apparitions : la première, lorsqu’il apparut à Marie-Magdeleine ; la seconde, lorsqu’il apparut à ses deux disciples, qui allaient à Emmaüs ; et la troisième, lorsqu’il apparut à ses onze disciples, à qui il fit reproche de leur incrédulité. Luc ne parle que des deux premières apparitions comme Matthieu ; et Jean l’évangéliste parle de quatre apparitions, et ajoute aux trois de Marc celle qu’il fit à sept ou huit de ses disciples, qui pêchaient sur la mer de Tibériade.
Ils se contredisent encore sur le lieu de ces apparitions ; car Matthieu dit que ce fut en Galilée, sur une montagne ; Marc dit que ce fut lorsqu’ils étaient à table ; Luc dit qu’il les mena hors de Jérusalem, et qu’il les mena jusqu’en Béthanie, où il les quitta en s’élevant au ciel ; et Jean dit que ce fut dans la ville de Jérusalem, dans une maison dont ils avaient fermé les portes, et une autre fois sur la mer de Tibériade.
Voilà bien de la contrariété dans le récit de ces prétendues apparitions. Ils se contredisent au sujet de sa prétendue ascension au ciel ; car Luc et Marc disent positivement qu’il monta au ciel en présence de ses onze apôtres ; mais ni Matthieu ni Jean ne font aucune mention de cette prétendue qu’il n’est point monté au ciel, puisqu’il dit positivement que Jésus-Christ assura ses apôtres qu’il serait et qu’il demeurerait toujours avec eux jusqu’à la fin des siècles. « Allez donc, leur dit-il, dans cette prétendue apparition, enseignez toutes les nations, et soyez assurés que je serai toujours avec vous jusqu’à la fin des siècles. »
Luc se contredit lui-même sur ce sujet ; car dans son Evangile, ch. XXIV, v. 50, il dit que ce fut en Béthanie qu’il monta au ciel en présence de ses apôtres ; et dans ses Actes des apôtres, supposé qu’il en soit l’auteur, il dit que ce fut sur la montagne des Oliviers. Il se contredit encore lui-même dans une autre circonstance de cette ascension ; car il marque dans son Evangile que ce fut le jour même de sa résurrection ou la première nuit suivante, qu’il monta au ciel ; et dans ses Actes des apôtres, il dit que ce fut quarante jours après sa résurrection ; ce qui ne s’accorde certainement pas.
Si tous les apôtres avaient véritablement vu leur maître monter glorieusement au ciel, comment Matthieu et Jean, qui l’auraient vu comme les autres, auraient-ils passé sous silence un si glorieux mystère, et si avantageux à leur maître, vu qu’ils rapportent quantité d’autres circonstances de sa vie et de ses actions qui sont beaucoup moins considérables que celle-ci ? Comment Matthieu ne fait-il pas mention expresse de cette ascension, et n’explique-t-il pas clairement de quelle manière il demeurerait toujours avec eux, quoiqu’il les quittât visiblement pour monter au ciel ? Il n’est pas facile de comprendre par quel secret il pouvait demeurer avec ceux qu’il quittait.
Je passe sous silence quantité d’autres contradictions ; ce que je viens de dire suffit pour faire voir que ces livres ne viennent d’aucune inspiration divine, ni même d’aucune sagesse humaine, et par conséquent qu’ils ne méritent pas qu’on y ajoute aucune foi.
1 – Lisez plutôt ou de l’Ecclésiastique. (G.A.)
2 – Meslier cite ici non pas l’Ecclésiastique, mais l’Ecclésiaste. (G.A.)